Sahel. Cette guerre qui s’éternise.

Depuis bientôt huit ans, la France intervient au Sahel, et cet engagement n’a jamais été examiné, discuté, voire remis en question par le Parlement.

Les effectifs du corps expéditionnaire français (aujourd’hui « Barkhane ») ont été souvent augmentés, et ils bénéficient actuellement d’un « soutien aérien » très varié (avions de combat ou de transport, hélicoptères, drones espions et drones tueurs). Reste que l’échec de l’intervention française est admis à mots couverts par la hiérarchie militaire.

C’est dire si l’initiative prise par le Sénat va déplaire à l’Élysée : au printemps, un débat y sera organisé sur cette guerre sans fin. Et, à en croire Christian Cambon, président (Les Républicains) de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, la question centrale de ce débat pourrait se résumer ainsi : si l’on compare une opération militaire à une autoroute, le gouvernement a-t-il en perspective « une bretelle de sortie » pour « Barkhane » ?

Voilà qui paraît en contradiction avec les récentes décisions du chef de guerre Macron : en effet, le nombre de militaires engagés au Sahel va être porté à 5.100, et une seconde opération, baptisée « Takuba », devrait être lancée, sous commandement français, grâce à la participation de forces spéciales envoyées sur place par un petit nombre de pays européens. Rien qui pourrait vraiment dérider les chefs militaires.

A l’état-major des armées, on admet  que la menace terroriste perdure et s’étend vers le sud, en direction de la Côte d’Ivoire et du Ghana. De plus, officiers et diplomates reconnaissent que, en huit ans, les États du Sahel n’ont pas rompu avec leurs mauvaises habitudes (corruption, élections truquées, situation humanitaire déplorable). Selon un général, « on assiste à la constitution, d’un califat territorial qui fait allégeance à Daech et s’acharne à expulser les forces de sécurité de trois États », à savoir Mali, Burkina Faso, Niger.

Et François Lecointre, chef d’état-major des armées, le répète inlassablement : « Nous n’aurons pas de victoire définitive au Sahel, car la capacité de régénération des terroristes est forte. » En clair, on peut tuer des centaines de djihadistes « sans pourtant gagner cette foutue guerre », ainsi que le déplore un diplomate.

Conduite d’échec

Les autres déceptions enregistrées par Macron ne sont pas que militaires. Et d’une : la plupart des pays européens refusent d’envoyer des soldats combattre aux côtés des Français, à com­mencer par l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Et de deux : en dépit des efforts fournis pour former les armées

et les forces de sécurité du Mali, du Burkina et du Niger, celles-ci subissent défaite sur défaite, et abandonnent parfois armes et véhicules aux djihadistes.

Si l’on ajoute à ce désolant spectacle le risque de voir appliquée la décision prise par Donald Trump de réduire l’aide apportée par les États-Unis au contingent français (recueil de renseignements, frappes de drones, ravitaillement en vol des avions de combat, etc.), les participants au débat organisé au Sénat auront quelque peine à proposer au gouvernement « une bretelle de sortie » honorable pour l’intervention française au Sahel.


Article signé des initiales C. A. – Le Canard enchaîné. 11/03/2020


4 réflexions sur “Sahel. Cette guerre qui s’éternise.

  1. Filimages 14/03/2020 / 16h38

    Le problème est qu’il n’y a guère (sic !) de solutions alternatives, voire aucune. Si « on » abandonne le terrain aux terroristes, il deviendra un nouveau califat, apportant désolation et destructions comme en Syrie. Avec le risque que de nombreux terroristes s’y entrainent avant de commettre des attentats en Europe. Et il faudra y retourner avec encore plus de moyens.
    S’il y avait une autre méthode de lutte contre ce fléau obscurantiste, je pense qu’elle serait étudiée et mise en œuvre. Mais visiblement et malheureusement, seule l’option préventive militaire permet de contenir tant bien que mal l’expansion du terrorisme religieux dans cette région.
    Le problème n’est pas simple…

    • Libres jugements 14/03/2020 / 17h30

      bonjour,
      je ne peux pas être contre votre raisonnement sur le plan tactique, par contre les sommes engagées par la France pratiquement seule en militaire et financièrement dans cette opération est très discutable.
      Il reste que sur le plan géopolitique (mot grandiose qui cachent des intérêts économiques relevant qu’indirectement de l’État français) la France des investisseurs entend garder son pré carré en Afrique … Ce qui fait que le reste des Européens n’est pas spécialement « chaud » pour participer au maintien de l’ordre dans ces régions.
      Maintenant à la vue de la dette abyssinale de la France, le budget consacré à l’armée et ses équipements humains et matériels, peut-être faut-il revoir la stratégie ?
      Très cordialement
      Michel

      • Filimages 14/03/2020 / 18h10

        Cette guerre qui ne dit pas son nom coûte cher, c’est certain. Mais des centaines de morts innocents au cœur de nos villes a-t-il un prix ?
        Si un grand stratège a une solution réaliste, réalisable et plus efficace, qu’il la fasse connaître au plus vite.
        A ma connaissance, force est de constater que personne ne propose autre chose d’intelligent pour lutter contre ce fanatisme religieux et mortifère.
        Bon weekend.

  2. jjbey 14/03/2020 / 19h04

    Pas de solution?
    La guerre menée ne s’attaque qu’aux effets, pas aux causes de l’engagement djihadiste. Pendant des années, après avoir colonisé cette région on a financé l’oligarchie locale qui en a profité tout en laissant les masses s’appauvrir.
    Dans son livre « le massacre des innocents », en 1955, Bernard Clavel décrivait l’aide aux pays sous développés : » c’est prendre l’argent des pauvres de pays riches pour le donner aux riches des pays pauvres ». L’indépendance de ces pays n’a rien changé et on a continué à exploiter les richesses de l’Afrique sans que cela profite aux peuples.
    Les Bongo, Bokassa……..se sont enrichis et le Sahel s’est désertifié, la pauvreté est devenue misère et on feint de s’étonner de l’existence de ces groupes djihadistes. Ils représentent, à tort, le seul espoir pour un certain nombre de jeunes qu’il est facile de fanatiser et d’enrôler avec des moyens qui proviennent d’Arabie saoudite à qui on continue de vendre des armes……
    Alors gardons notre calme et consacrons tous ces moyens financiers à répondre aux problèmes sociaux de ces peuples qui ne demandent que la paix et dont la misère constitue un terreau extraordinaire à l’endoctrinement. Quand il n’y aura plus de problèmes de faim, d’éducation, de santé…………que l’avenir s’éclaircira, il n’y aura plus de djihadistes. Cela ne peut se faire du jour au lendemain et l’option militaire ne peut être écartée du jour au lendemain mais il faut penser sérieusement au bien être de ces peuples pour régler le problème.

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