Projet de retraite : les avocats de lâche rien.

Le conflit  entre les avocats et le gouvernement ne faiblit pas.

Avant toutes considérations envers la position prise par un certain nombre de corporations et pour comprendre leur obstination à refuser l’universalité du projet de retraite fourbit par le gouvernement, nous rappellerons que la retraite accolée à la sécurité sociale, mise en place au sortir de la guerre était avant tout Consacrée aux salariés.

La retraite excluait de facto (voir le commentaire de JJBey. SVP) les professions libérales, commerçants, agriculteurs, artisans et patrons de PME. Ainsi des corporations se sont organisées en se dotant de régimes spéciaux afin de gérer la retraite future de leurs adhérents.

Certains … comme les avocats … ont constitué des caisses largement bénéficiaires. Ces pactoles intéressent le gouvernement qui organise ni plus ni moins qu’un vol de ces pactoles, cachant par des mots du type « retraite universel, fin des régimes spéciaux, tout le monde a même enseigne » par un régime se voulant universel … sans que pour autant les entreprises et les dirigeants de la grande finance soient mis à contribution. MC


Les représentants de la profession ont été reçus par la ministre de la Justice Nicole Belloubet et le secrétaire d’Etat aux Retraites Laurent Pietraszewski lundi matin, afin de discuter de l’intégration des avocats au régime universel de retraite. […] [Alors que 164 barreaux ont appelé à la mobilisation contre le projet de réforme] les avocats entamaient leur deuxième semaine de grève à l’appel du Conseil national des barreaux (CNB) […]

Sans aller jusqu’à parler de résolution de conflit, la mise au clair devrait tout de même intervenir rapidement, puisque le CNB a formulé trois demandes, et que le gouvernement s’est engagé à y répondre par écrit sous 72 heures maximum.

Première exigence : « la garantie du maintien de l’autonomie du régime, en dedans ou en dehors du régime universel ».

Deuxième exigence : « que pas un avocat ne perde un euro de pension ». Une demande d’autant plus justifiée que la moitié des professionnels gagnent moins de 43.000 euros, avec des revenus particulièrement bas pour les femmes. Or la fin du régime de base très redistributif des avocats va se traduire par une augmentation moyenne de 20% des droits à pension, mais aussi par une chute des pensions les plus faibles (12.000 € par an au lieu de 17.000 € -1.000 à 1416 € mois). 

Sur ce point : le haut commissariat aux Retraites avait évoqué en mai 2019 la possibilité de créer une nouvelle forme de péréquation entre avocats, pour remplacer la pension unique forfaitaire de 17.000 € au régime de base. Mais les discussions n’ont pas progressé sur ce point, car le CNB n’a pas reçu mandat pour parler d’autre chose que de la non-absorption du régime autonome par le régime universel. De plus, « ce ne sont pas les avocats qui sont responsables de l’augmentation des cotisations qui va survenir; ce n’est pas aux avocats de payer entre eux le prix du régime universel », plaide-t-on au CNB. (Voir l’effort global de cotisation des avocats[…]

Troisième exigence : « des compensations et une indemnisation en rapport avec la disparition du régime autonome »« C’est une confiscation, peut-être même une expropriation », s’offusque-t-on au CNB. Si le gouvernement cédait sur ce point, la totalité des régimes spéciaux et autonomes s’engouffreraient dans la brèche. Mais les avocats ont peut-être intérêt à ouvrir ce front pour obtenir d’autres choses (les sujets de réclamation ne manquent pas, de la TVA au montant de l’aide judiciaire). 


Solveig Godeluck. Les Echos. Titre original : « réforme des retraites : la barre de fer se durcit entre les avocats et le gouvernement ». Source (extrait)


4 réflexions sur “Projet de retraite : les avocats de lâche rien.

  1. jjbey 14/01/2020 / 15h18

    Petite rectification, lors de la mise en place de la Sécurité Sociale le système a été combattu par la droite et certaines professions ont ainsi obtenu leur « indépendance » qui, au total leur a couté fort cher.

    J’ai reconnu dans les robins certains amis pour qui ce devait être la première manifestation à caractère social.
    Tant mieux si ça bouge.

    • Libres jugements 14/01/2020 / 15h27

      Merci Jean-Jacques pour cette rectification.
      Tu as parfaitement raison.

      Amicalement
      Michel

  2. bernarddominik 18/01/2020 / 14h25

    Je me demande si l’extension du régime de retraite aux non salariés ne cache pas en réalité la crainte que la transformation de nombreux salariés en micro entrepreneurs, ainsi que l’uberisation de nombreux salariés, ne pose à terme un grave problème social: tous ces non cotisants risqueraient de se trouver sans pension de retraite, et d’autre part la baisse du salariat risquerait de fragiliser sa propre retraite.

    L’évolution de la société engagée par Macron risque fort de devenir explosive, ce que ne veut pas le patronat, qui a besoin de paix sociale et de consommateurs.
    Ainsi en mettant dans le même sac salariés professions libérales et indépendants, tout le monde cotise et tout le monde aura sa pension, peut-être faible, mais qui assure le minimum vital pour la paix sociale.

    Les avocats ont actuellement un ratio cotisants/retraités de 4,5 pour 1, ce qui explique la « richesse » de leur caisse, mais quand tous ces avocats vont partir à la retraite, tienne prouve que ce ratio leur reste aussi favorable (il faudrait quadrupler en 25 ans le nombre d’avocats), comment leur caisse financera les pensions?
    L’égoïsme est toujours un calcul à court terme.

    • Libres jugements 18/01/2020 / 15h22

      Bonjour Bernard,

      Me permettra tu de mettre deux commentaires (ou réflexions-questionnements) à tes commentaires.
      Sur la première partie qui concerne le « salariat » du système lié au statut d’auto entrepreneur. Une bien juste réflexion contenue dans ton texte.
      par contre la deuxième partie concernant les avocats professions libérales et indépendants, (auquel il faudrait ajouter toutes les professions du domaine agricole), il faut se rappeler que lors de la constitution des régimes de sécurité sociale retraite en 1945/46, la droite alors entendait laisser libre gestion à leur future retraite, à toutes ces catégories socioprofessionnelle.
      Si l’on prend cet état voulu en clamé d’indépendance, il faut dans le même temps se poser la question des raisons de la volonté d’inclure par le gouvernement, la totalité des multiples régimes de retraite antérieures en une seule et unique entité de retraite dite universelle. Et là, la réalité saute au yeux même des plus aveugles, obtus, ou suiveur du gouvernement c’est de donner la possibilité aux fonds de pension telle que BlackRock (dont le directeur France a été reçu en grande pompe par Macron) de supplanter à terme l’obligation par les entreprises de régler la part cotisation patronale et de récolter en transition temporaire la part salariale, constituant à la fois un travail supplémentaire d’écriture aux entreprises, mais aussi disparaissant trop souvent lors de faillite plus ou moins volontaire ou dans la revente d’entreprise à l’international, ou déplacement de siège. C’est une manière comme une autre de faire baisser le coût du travail effectué sur le sol français, en supprimant dans l’avenir l’obligation de contribution patronale à une part de retraite.

      Sauf que, en mettant le doigt dans l’engrenage, bien évidemment c’est également les parts patronales dévolues à la sécurité sociale, au veuvage qui est visé à terme ainsi les entreprises n’auraient plus qu’à régler selon leur volonté dans des termes de contrat très adaptés depuis les lois El Khomri en faveur du patronat, d’autant que le recours aux prud’hommes sans être inexistant relève maintenant un parcours du combattant.

      Quoi qu’on puisse en dire c’est que même l’asservissement du salarié qui est inclus dans les destructions progressives de ce qui faisait la fierté de la France des régimes de protection des salariés à tous les niveaux.

      Bien évidemment je te le concède Bernard ce n’est que mon avis et comme dit l’autre j’y souscrit… même n’est-ce pas petit à petit l’esprit de bien des Français pressurés.

      Très amicalement
      Michel

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