Faits divers

À vrai dire nous voulons bien parler sans cesse, des grèves, des manifestations, du projet de retraite et tout ce qui va autour, des dires d’untel ou untel, d’évoquer des supputations ; mais nous pensons avoir fait le tour du sujet pour le moment, dans le respect du pluralisme et des différentes mentalités. Dans le même temps un certain nombre d’événements existent même s’ils sont à classer dans la rubrique « faits divers », nous pensons qu’ils méritent nos colonnes pour élargir la réflexion. MC

Qui est Gabriel Matzneff ?

Gabriel Matzneff est un écrivain français de 83 ans, né à Neuilly-sur-Seine le 12 août 1936, connu pour ses penchants pédophiles dont il a fait sa principale inspiration littéraire. En 1975, il publie notamment un essai intitulé Les Moins de seize ans, dans lequel il expose son goût pour les « jeunes personnes », soit les mineurs des deux sexes. Il y écrit être « captivé » par « l’extrême jeunesse, celle qui s’étend de la dixième à la seizième année et qui me semble être (bien plus que ce que l’on entend d’ordinaire par cette formule) le véritable troisième sexe. »

Dans ce même essai, Gabriel Matzneff revendique pour lui-même la qualification de « pédéraste », soit un « amant des enfants » , il écrivait aussi que « les deux êtres les plus sensuels que j’aie connus de ma vie sont un garçon de douze ans et une fille de quinze ». Il dénonce par ailleurs que la société occidentale moderne « rejette le pédéraste dans le non-être, royaume des ombres ».

L’écrivain a publié huit romans, deux recueils de poèmes, quatre récits, treize essais et douze tomes de son journal intime, soit une quarantaine d’ouvrages. Tous ses récits décrivent comment il pratiquait des rapports sexuels avec des enfants. De 6 à 12 ans pour les garçons, à peine plus âgé pour les filles. Malgré tous ses écrits, détaillés, explicites, Gabriel Matzneff n’a jamais été inquiété par la justice.

Pourquoi parle-t-on de lui maintenant ?

Vanessa Springora, à la tête des éditions Julliard, publie le 2 janvier un livre autobiographique intitulé Le Consentement (chez Grasset). Elle y relate en détail comment Gabriel Matzneff, quinquagénaire à l’époque, l’a séduite et manipulée alors qu’elle n’avait pas 14 ans. Vanessa Springora, qui dit avoir mis des années à se reconstruire après cette « relation » partagée avec l’écrivain, livre sa version de l’histoire trente ans après les faits. C’est l’imminente publication de ce récit qui a mis en lumière les agissements passés de Gabriel Matzneff, bien qu’il ne s’en soit jamais caché. Il a lui-même raconté son histoire avec l’adolescente Vanessa dans un volume de son journal intime paru en 1993, dans une version plus romanesque, omettant les stratégies de manipulation dévastatrices mises en place pour maintenir la jeune fille sous son emprise, décrites aujourd’hui dans le témoignage de l’auteure.


Mathilde Roche. LCI. Source (extrait)


Dans « Le Consentement » (Grasset), Vanessa Springora ne sort pas le fusil mais la plume : ni haine ni chasse à l’homme, mais volonté d’analyse.

Envoûtée par sa présence « cosmique », sa « délicatesse exquise », l’« étendue de sa culture », la collégienne de 14 ans présente son amoureux de 50 ans à sa mère. Cette dernière travaille dans l’édition, elle connaît Gabriel Matzneff de réputation. Quel honneur de recevoir cet écrivain à dîner ! Le père a quitté le foyer. On est en 1986. Le désir, la transgression, la jouissance sont des impératifs catégoriques. La loi dit pourtant que coucher avec une fille de cet âge mène un adulte en prison (1). Convoqué cinq fois par la brigade des mineurs, le romancier pédophile s’en tire. Charmeur, on vous dit !

Vanessa ne sera jamais entendue. De toute façon, elle a son credo : « Comment pourrait-il être mauvais, puisqu’il est celui que j’aime ? » Et qui l’emmène partout : radios, télés, vernissages. Sourires complices autour d’eux : quel polisson, ce Matzneff ! Dans « Match », un critique littéraire s’extasie : « Que serait Paris sans ce genre d’énergumènes anachroniques, cocasses, érudits provocateurs et charmeurs ? »

Il l’attend à la sortie du collège, presque tous les jours. Le proviseur ne bronche pas.

Un copain de classe l’informe : « J’ai vu ton vieux mec dans un bus en train d’embrasser une autre fille. » Le ciel lui tombe sur la tête. Fracassée, Vanessa demande conseil au « grand » Cioran, ami de Matzneff : « C’est un immense honneur qu’il vous a fait en vous choisissant. Votre rôle est de l’accompagner sur le chemin de la création », lui explique le maître.

Quand elle annonce à sa mère qu’elle quitte « G. » (ainsi qu’elle le nomme dans le livre), celle-ci proteste : « Le pauvre ! tu es sûre ? Il t’adore. » Et la mater de fulminer : « C’est toi qui couchais avec lui, c’est moi qui devrais m’excuser ? »

Aujourd’hui, à 47 ans, éditrice, Vanessa Springora est devenue auteure pour « prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre ». Mission accomplie ! Le récit suit une trajectoire impeccable : ajusté, imparable, digne d’un art martial. Les formules pulvérisent tous les alibis, à commencer par l’antique mythologie du minot généreusement « initié » par un vieux (le modèle athénien que Platon voulait sublimer en amour « platonique »). L’initiation sexuelle d’une jeune de 14 ans par un adulte est un leurre qui bloque et pourrit toute vie sexuelle et sentimentale ultérieure (« J’ai sauté une étape. Je suis allée trop vite, trop tôt »). Merci de ne pas inverser les rôles : « Ce n’est pas mon attirance à moi qu’il fallait interroger, mais la sienne. »

Le fameux « consentement » se referme comme un piège sur l’ado vulnérable : puisqu’elle n’a pas dit non, elle porte une part de responsabilité. Ajoutez l’esprit de caste et l’omerta entre gens de plume et de médias. Bilan désabusé, trente-trois ans plus tard : « On aurait tort de croire que les écrivains sont comme tout le monde. Ils sont bien pires… En dehors des artistes, il n’y a guère que chez les prêtres, où on trouve une telle impunité. »

Avis aux papes des arts et lettres !

  • La majorité sexuelle (âge à partir duquel un mineur et un adulte peuvent avoir une relation sexuelle licite) était fixée en 1832 à 11 ans, puis à 13 ans en 1863. Depuis 1945, elle est à 15 ans. L’infraction est aujourd’hui passible de 5 ans d’emprisonnement.

Frédéric Pagés. Le Canard enchaîné. 08/01/2020


Juste une question à l’issue de l’information concernant la parution de ce livre de Vanessa Springora. Si la jeune personne avait eu quinze ans au moment des faits (officiellement l’âge du consentement) le livre de cette femme aurait-il autant de retentissement, n’est-ce pas plutôt liée au moment où l’auteur Matzneff est cloué au pilori et justiciable (peut-etre !- alors qu’il n’a jamais caché son comportement), à un pseudo moralisme ambiante qui unirait, l’anti harcèlement, les procès, Weinstein, Bresson, l’affaire Adèle Haenel, Meetoo …. Une forme d’épuration des déviances pourtant livrées a tout a chacun et pratiquement sans filtre réel, ne serait-ce qu’au travers de réseaux sociaux.

Dans tous les cas, même si c’est le droit le plus absolu pour chacune–chacun d’avoir un avis sur cette affaire, gardons-nous de porter un jugement tant que la justice n’a pas tranché. MC

4 réflexions sur “Faits divers

  1. fanfan la rêveuse 09/01/2020 / 8h54

    Ce livre me tente, j’y réfléchis !
    A cette époque il y a avait aussi David Hamilton…Qu’en même, il y a une sacré responsabilité des adultes encadrant ce style de relation !!

    Heureusement cela change et s’est tant mieux, mais il y a encore beaucoup à faire pour la gente féminine…

    • Libres jugements 09/01/2020 / 15h20

      Oui Françoise les mentalités changent envers les femmes et c’est fort bien mais attention ne pas aller trop loin dans cette moralisation.
      Cordialement
      Michel

      • fanfan la rêveuse 10/01/2020 / 7h57

        La recherche de la justesse, saurons nous la mettre en place ? !

  2. jjbey 09/01/2020 / 21h39

    Regarder une femme avec les mêmes yeux gourmands que le saint honoré derrière la vitrine du pâtissier n’est pas interdit mais s’emparer du saint honoré sans demander l’avis du pâtissier est punissable.
    La femme n’est pas un objet et contrainte physiquement ou moralement on ne sanctionnerait pas cette ignominie?

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