Un progrès déshumanisant !

Tous ces récalcitrants au progrès, faut les mater.

Valérie Pécresse l’a décidé : le 1er novembre 2019, le carnet de 10 tickets de métro de la RATP augmentera de 2 €. Pour les passes numériques, le Navigo Easy (sic) ou le Navigo Liberté + (resic), le tarif restera à 14,90 € les dix voyages. Seuls les rétrogrades qui renâclent devant le titre de transport « dématérialisé » seront taxés. Tous au pas ! Le ticket de métro, faut en finir, en faire un privilège de riches qu’on finira par montrer du doigt dans la rue.

Même principe à la SNCF : désormais, quiconque persiste à vouloir acheter bêtement son ticket au guichet de la gare se retrouve en Union soviétique. Il lui faut prendre place dans la queue interminable qui serpente devant les rares guichets qui n’ont pas fermé, et où s’agitent encore de vrais humains en chair et en os. Nombre de gares n’ont d’ailleurs plus ni guichets ni machines à tickets. Mettez-vous au e-billet, et plus vite que ça ! Faites vous-même toutes les démarches, tapez vos demandes sur votre clavier, suivez la marche à suivre que vous indique la machine.

Tout ce qui ressemble encore à un service public est ainsi prié de passer à la numérisation à marche forcée.

Déjà en ligne, la déclaration d’impôts, le paiement des timbres fiscaux et de la carte grise, le dossier médical partagé…

Bientôt va venir, comme l’annonce avec enthousiasme Xavier Hürstel, le directeur d’une entreprise de services numériques, l’ « acte II de la numérisation des services publics » (« Les Echos », 9/8). Santé, éducation, justice, tout doit y passer. Et pas de panique : « La digitalisation des services publics ne signifie en rien leur déshumanisation, bien au contraire ».

Il est vrai que, sur certaines lignes SNCF, des contrôleurs achètent eux-mêmes des tickets qu’ils revendent aux usagers à prix coûtant, afin de les dépanner et de leur éviter de payer leur ticket au tarif de bord (astronomique). Ça crée du lien, non ?

Mieux que ça, promet Hürstel : « La digitalisation doit permettre à l’administration de soutenir le développement de missions à forte valeur pour ses agents. »

En clair : finies toutes les tâches ingrates d’autrefois, désormais les fonctionnaires vont pouvoir s’éclater devant leur écran !

Tout cela est bel et bon, et nous emmène vers un avenir radieux. Sauf que… sur une pleine page titrée « Pourquoi est-ce si difficile de faire des prévisions économiques ? », « Le Figaro » (24/9) nous rappelle ce paradoxe qui empêche les économistes de dormir depuis plus de trente ans : alors que le high-tech bouleverse tout sur son passage, la productivité stagne.

En 1987, déjà, Robert Solow le notait : « L’ordinateur triomphe partout, sauf dans les statistiques ! » Pourtant, la « révolution numérique » devrait, comme toutes les avancées techniques majeures avant elle, soutenir la croissance. Or celle-ci reste plus que molle.

Qu’importe : cette même révolution numérique va, c’est sûr, faire de nos vieux services publics des outils modernes, rentables et performants.

Vive la « start-up nation », à bas les tickets de métro !


Jean-Luc Porquet. Le Canard enchaîné. 02/10/2019


6 réflexions sur “Un progrès déshumanisant !

  1. tatchou92 07/10/2019 / 9h37

    Monsieur le Défenseur des Droits s’est ému de cette numérisation à marche forcée, pour les contribuables/usagers que nous sommes.
    Les associations de consommateurs, organisations syndicales clament leur opposition, avec raison, et que voit-on aujourd’hui ?
    Nombre de trésoreries, recettes perceptions ferment partout, y compris en région parisienne (si, si), les agences SNCF ont disparu, les queues s’allongent devant les rares guichets ouverts, il fallait patienter « un certain temps » cet été à Montparnasse, fin juillet/début août… et arriver suffisamment tôt. C’est hallucinant.
    Les usagers s’énervent devant les automates, et les quelques agents disponibles courent pour expliquer, sont harcelés, dépassés, la distribution d’une bouteille d’eau n’a rien calmé, nous sommes pris en otages et passons pour des demeurés inacceptable !

    • jjbey 07/10/2019 / 16h22

      Nous sommes effectivement des demeurés qui acceptons que tous les gains de productivité soient accaparés par les profits capitalistes.
      Le confort on en fait quoi?
      Va à ta tablette et ferme-là.

  2. fanfan la rêveuse 08/10/2019 / 7h39

    Bonjour Michel,
    Il ne faut pas repousser la technologie, mais lorsqu’elle est dans l’extrême je n’adhère pas.

    L’informatique ne règle pas tout, elle traite dans la généralité, rien ne remplacera l’Homme. Exemple, ma fille a fait une erreur sur son dossier CAF, s’il n’y avait une personne devant elle, son dossier serait resté bloqué…

    Et puis c’est bien joli l’informatique mais cela enlève du travail et que fait on des personnes qui sont en recherche d’emploi ?
    C’est toujours la même situation…Avec modération messieurs dames !

    Pour répondre à jjbey qui dit « que nous sommes des demeurés qui acceptons la situation », avons nous vraiment la possibilité de ne pas accepter, nous laisse t-on vraiment la possibilité de gérer cela ?
    Personnellement je me sens plutôt subir. Et alors comment changer ce système ?

    Bonne journée Michel ! 🙂

    • Libres jugements 08/10/2019 / 12h19

      En très grande partie d’accord avec vous Françoise.

      Plusieurs fois dans des articles postés j’ai attiré l’attention sur le fait que la technologie numérique enlevait (supprimait) des emplois alors que parallèlement le nombre d’individus sur terre grandit chaque jour. Tant que la marchandisation aura court sur cette planète il faudra que chaque terrien gagne un salaire pour pouvoir acheter les marchandises produites par des robots, que se passera-t-il si bon nombres de terriens ne peuvent acquérir un emploi rémunéré ?
      Dans le même temps plusieurs commentaires m’ont affirmé que le développement technologique numérique produirait de nouveaux emplois… aujourd’hui j’attends de voir !

      Très cordialement
      Michel

      • fanfan la rêveuse 08/10/2019 / 13h41

        Moi aussi j’attends de voir car comme vous je suis sceptique. J’espère que nous nous trompons Michel !

    • Libres jugements 08/10/2019 / 12h24

      Dans le cas qui nous importe ; c’est-à-dire le djihadistes, il n’est plus question de religion et ses extrémistes doivent être traités de la même manière que devraient l’être tous les extrémistes de la terre.
      Dans le même temps il faut noter que tous ces extrémistes ne sont que des dictateurs en puissance.

      Très amicalement
      Michel

Les commentaires sont fermés.