La banqueroute de Thomas Cook.

Lorsque fermer boutique, sert les intérêts des actionnaires et débiteurs…

Placé en faillite ce lundi matin, le voyagiste britannique a débuté le retour en catastrophe de ses 600.000 clients, des touristes. Une autre course a dans le même temps commencé : celle du démantèlement de la multinationale financiarisée.

Il est loin, le temps où Thomas Cook était considéré par le Royaume-Uni comme un joyau de la Couronne et placé sous le giron de l’État lorsqu’il faisait face à la première banqueroute de son histoire.

Soixante-dix ans après cette nationalisation et la revente en 1972, le passage sous contrôle public de ce mastodonte du tourisme de masse n’a pas effleuré l’esprit du premier ministre Boris Johnson.

Tôt ce lundi matin, à l’heure où la compagnie annonçait sa faillite, les services du 10 Downing Street ont prestement annoncé que l’affaire relevait de relations commerciales entre personnes privées et que les contrats de rapatriement couvrant les voyageurs allaient prendre le relais. Les 600.000 personnes immobilisées un peu partout dans le monde ont dû apprécier.

Le laisser-faire des autorités publiques n’est pas le moindre des ingrédients de ce magistral crash commercial.

Cent-soixante-dix-huit ans après sa fondation, la fin de l’auguste compagnie résonne comme celle d’une époque. « Thomas Cook a échoué parce qu’il n’a pas su évoluer avec son temps », explique Neil Wilson, analyste chez Markets.com, en référence au tournant de l’Internet qu’il n’aurait pas su prendre et aux plateformes en ligne qui lui auraient taillé des croupières.

« Une course au gigantisme »

Mais l’analyse est à courte vue, puisque l’opérateur, présent notamment sur le pourtour méditerranéen, est un des grands fournisseurs de séjours vendus sur ces mêmes plateformes. « Cette fois, c’est cette multinationale qui tombe. Mais l’un de ses concurrents, TUI, en est à son quatrième plan social, après avoir englouti Nouvelles Frontières et Marmara, rappelle [rappel à syndicaliste]. Tous ces groupes se sont lancés dans une course au gigantisme à coups de rachat, pour tenter de tuer l’autre. Quitte à devenir trop grands. Ce modèle stratégique est aujourd’hui clairement déficient. »

Après avoir absorbé les agences Havas au tournant du siècle, puis le réseau Jet tours, Thomas Cook avait tenté son va-tout en 2007 avec le rachat de My Travel, un spécialiste britannique du voyage organisé traditionnel. « Ces dernières années, la bataille entre les mastodontes européens, et même avec des groupes de taille moyenne, a donné lieu à une bagarre des prix invraisemblable », explique Yves Serdenif, président de Touristra Vacances, opérateur historique du tourisme social. […]

La compagnie britannique y a creusé une dette abyssale : plus de 1,3 milliard d’euros.

Depuis hier, les évolutions géopolitiques (printemps arabes, attentats et, dernièrement, le Brexit) et même climatiques (l’été 2019, trop chaud, n’aurait pas incité les Britanniques à voyager) sont appelées à la barre comme les principaux coupables de ces pertes.

Mais ces déficits ont aussi été des bénédictions pour les créanciers du groupe, qui l’ont certes maintenu sous perfusion, mais contre 1,35 milliard d’euros en intérêts. Pas bégueules, ces derniers ont gratifié les dirigeants successifs de l’entreprise de 22,6 millions d’euros sur les cinq dernières années.

Ces vérités qu’il faut connaître

Mais la financiarisation a ses raisons que les 22.000 salariés du groupe, les dizaines de milliers de touristes dans la panade (150.000 Britanniques, 140.000 Allemands, 10.000 Français) et les milliers de professionnels du tourisme touchés par ce naufrage à travers le monde ne peuvent comprendre.

La fin de vie de Thomas Cook a été sifflée par une partie de ces créanciers qui n’ont pas voulu voir leur pépite passer sous pavillon du chinois Fosun International, nouveau géant mondial du tourisme (Club Med) et du divertissement (Cirque du Soleil). Ce dernier, déjà détenteur de 18 % du capital, proposait de devenir actionnaire majoritaire contre un peu plus d’1 milliard d’euros (500 millions d’euros de cash + 25 % apportés en actions de sa compagnie d’aviation d’affaires).

Mais l’opération, diminuant la valorisation du groupe, allait éjecter du tour de table d’autres actionnaires. Ces derniers ont donc pratiqué la politique de la terre brûlée, imposant au groupe de Shanghai d’augmenter de 227 millions d’euros son offre. Espérant sûrement rendre profitable cette fin de partie en monnayant au prix fort le démantèlement mondial de Thomas Cook.


Stéphane Guérard. L’Humanité. Titre original : «Les vilaines arrière-cuisines de Thomas Cook ». Source (Extrait)


2 réflexions sur “La banqueroute de Thomas Cook.

  1. jjbey 24/09/2019 / 22h57

    La case départ, j’achète…..je vends….Monopoly vous avez dit? Oui sauf que là il y a des milliers de victimes, des voyageurs les salariés, Pas moral tout ça .Comme si les requins avaient une moralité! Alors les 26 plus riches de la terre qui possèdent autant que le reste de l’humanité vont se frotter les mains pendant que les enfants de salariés concernés vont pleurer parce que Maman où Papa aura perdu son emploi.

  2. fanfan la rêveuse 25/09/2019 / 8h09

    C’est fou, mais quand va donc s’arrêter la course au fric ?
    Le monde va mal, pense mal…
    L’humain dans tout cela, qu’en fait-on ?
    Honte à ceux qui agissent ainsi… 😦

Les commentaires sont fermés.