Veillons à garder le droit à l’IVG …

Une Française sur trois avorte au cours de sa vie. Pourtant, 40 ans après la loi Veil dépénalisant l’avortement, les obstacles et les inégalités dans l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), méconnus, sont loin d’avoir disparu.

Le 18 septembre 2018, la polémique enflait après les propos sur TMC de Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (SYNGOF) : « Nous ne sommes pas là pour retirer des vies. Et que la majorité des médecins soient réticents à le faire, moi, je le comprends très bien. »

Agnès Buzyn promit alors un rapport sur la question. Mais il se fait attendre : le cabinet de la ministre de la santé annonce à présent une remise pour cet automne.

En attendant, nous avons compilé et travaillé sur les données disponibles (voir notre Boîte noire à la fin de cet article). Géographiques, d’abord : Mediapart a cartographié la durée du trajet vers l’établissement hospitalier – hôpital ou clinique – où se pratique l’IVG par aspiration le plus proche, depuis n’importe quelle ville de France.

Puis nous sommes allés plus loin en décelant des barrières inattendues à l’accès à ce droit âprement conquis, via les remontées de terrain consolidées par nos données.

Ainsi, l’avortement est censé être gratuit, mais des professionnels de santé sans scrupule majorent leurs tarifs, parfois avec la complicité d’établissements de santé, notamment des cliniques privées.

D’autres refusent de pratiquer des IVG « tardives », passé 12 semaines d’aménorrhée (absence de règles), alors que le délai légal en France est de 14 semaines. Et qu’un allongement à 16 semaines pourrait être suggéré par la mission d’information sur le droit à l’IVG, créée cet été à l’Assemblée nationale.

Il existe deux méthodes d’IVG : par aspiration ou médicamenteuse.

  1. La première, l’historique, la méthode par aspiration, parfois appelée instrumentale ou chirurgicale : la femme est mise sous anesthésie locale ou générale, dans une salle d’intervention ou un bloc chirurgical. Un médecin aspire ensuite le contenu de son utérus.
  2. La seconde méthode consiste à prendre deux médicaments abortifs : l’un interrompt la grossesse, l’autre, avalé un ou deux jours plus tard, provoque l’expulsion de l’embryon..

La loi prévoit que les femmes aient le choix de la méthode d’avortement. « La meilleure méthode est celle que la femme choisit », rappelle d’ailleurs Caroline Rebhi, coprésidente du Planning familial, mouvement qui milite depuis 1956 pour le droit à la contraception (loi Neuwirth de 1967) et à l’avortement (loi Veil de 1975). Pourtant, bien souvent, celle-ci est imposée.

Dans 36 établissements hospitaliers en France, seule la méthode médicamenteuse a été effectuée en 2018, alors qu’elle n’est pas la plus adaptée dans toutes les situations, notamment quand la personne tient à garder secret son avortement (compte tenu des saignements sur plusieurs jours) ou en cas d’IVG « tardive », le fœtus étant davantage développé. Sans compter le choc psychologique de voir le fœtus tomber dans la cuvette des toilettes.

Après s’être heurtées à autant de murs, des femmes se retrouvent hors délai légal en France.

Certaines, particulièrement en détresse, sont dirigées vers un parcours d’interruption médicale de grossesse (IMG) pour motif psychosocial.

L’interruption médicale de grossesse (IMG) permet, à tout moment de la grossesse quand la santé de la femme enceinte ou de son enfant est en jeu, d’y mettre un terme. L’IMG dite maternelle ou pour motif psychosocial est autorisée depuis 2001. Il est donc possible de réaliser une IMG plus tard que les délais légaux imposés pour l’IVG. : encore toute une épreuve.

D’autres doivent débourser des centaines d’euros pour avorter à l’étranger. D’autres encore accouchent sous X. C’est leur corps, elles en avaient le droit, mais elles n’ont pas eu le choix. 

Car il n’y a pas qu’aux États-Unis que le droit à l’IVG peut être menacé. Médiapart brosse un tableau général et national de cette problématique d’accès à l’avortement. En tout, 220 000 avortements ont été pratiqués en 2018 dans l’Hexagone, selon nos calculs. 

Liberté, égalité, IVG ?

« Je me suis fait violer. J’ai fait un test de grossesse et je suis enceinte, je voudrais avorter. » Simple, clair, concis. Il est parfois difficile de dater le début exact d’une grossesse, pas dans ce cas. « C’était le 24 juin », se souvient parfaitement Leïla (le prénom a été modifié), tignasse lisse attachée en queue-de-cheval, tee-shirt de sport large, jean slim, baskets sombres et yeux tout aussi noirs.

Elle ne pleurera pas avant que l’animatrice du Planning familial de Paris ne lui rappelle qu’elle en a « le droit ». « Que pouvons-nous faire pour toi ? », lui demande la professionnelle. « M’aider à avorter de l’enfant de mon violeur, ce serait déjà bien », répond la jeune fille de 16 ans. 

Sa famille n’est pas au courant. Quand elle apprend qu’il est possible de réaliser l’avortement et de conserver l’« extrait de la grossesse de façon à conserver l’ADN du violeur » en unité médico-judiciaire, elle dit oui tout de suite. Quand elle comprend que cela implique d’en informer ses parents, elle choisit tout aussi rapidement de réaliser un simple avortement au Planning familial de la capitale, trois jours plus tard. 

Gratuité, choix de la méthode, proximité, rapidité et confidentialité garantie. Ces cinq piliers du droit à l’avortement sont malheureusement rarement assurés en France.

Obstacle n° 1. Les arnaques à l’avortement

Il y a d’abord la banale « petite » escroquerie, dès le début du parcours. L’échographie pré-IVG a pour but de dater précisément le début de la grossesse en mesurant l’embryon. Elle est demandée pour entamer une démarche d’IVG et coûte 35,65 euros. Elle est remboursée à 100 %, comme tous les frais médicaux liés à l’avortement : du moins dans les textes. Car, dans les faits, des professionnels de santé n’hésitent pas à se faire des marges sur le dos des femmes qui souhaitent se faire avorter.

Certains en profitent par exemple pour réaliser une échographie plus complexe, mais pas du tout nécessaire, facturée entre 54 et 100 euros selon les tarifs pratiqués… Alertée, Caroline Rebhi, coprésidente du Planning familial, a déjà appelé un échographiste de la région parisienne coutumier de l’escroquerie. Il venait de réaliser une échographie pelvienne facturée près de 60 euros à une jeune fille qui avait bien précisé qu’elle venait dans le cadre de son parcours IVG. « Il faut bien que je vive », avait-il répondu à Caroline Rebhi… « À moins de 50 euros, je n’allume pas mon appareil », a rétorqué un autre. 

Le remboursement ne peut dépasser 35,65 euros. Les femmes doivent donc régulièrement compléter. Et parfois même débourser beaucoup plus. 


Le texte ci-dessus n’est qu’un extrait très partiel, bien loin d’être entier, nous vous invitons à consulter l’intégralité de cet excellent article très documenté et explicite … Hélas certaines personnes entendent mettre fin a la possibilité de réaliser l’IVG … ne relâchons pas notre vigilance, c’est un droit que les femmes ont chèrement acquis. MC


Alexandre Léchenet. Médiapart. Titre original : « IVG en France : un accès inégal, un droit malmené ». PS : il semble que l’article soit en lecture libre un certain temps … sinon le Lien


Note : déjà le 17 sept 2018 nous vous alertions via un article paru dans « Le Canard Enchainé » sur le même sujet Voir le lien

Une réflexion sur “Veillons à garder le droit à l’IVG …

  1. fanfan la rêveuse 17/09/2019 / 7h29

    C’est fou comme on maltraite la femme, cela même en ayant ces droits de gratuité, choix de la méthode, proximité, rapidité et confidentialité garantie…

    La gente féminine devra t’elle donc toujours subir…La vigilance est de mise en ce sujet.
    Douce journée Michel ! 🙂

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