Crise des Urgences … Crise de la médecine de ville, d’abord.

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a présenté lundi 9 septembre un plan […] inimaginable il y a encore quelques mois… Le gouvernement traite dans l’urgence quelque chose qu’il n’avait pas vu venir !

La question de l’accès aux soins risque de polluer l’étape deux du quinquennat. Il n’y avait rien sur ce sujet dans le programme d’Emmanuel Macron et il l’a oublié dans le grand débat, alors qu’une enquête IFOP montre que c’est devenu le premier sujet de préoccupation des Français. L’effet boomerang peut être dévastateur.

  • Sans créer de nouveaux postes de soignants ni rouvrir largement des lits d’hospitalisation, le plan Buzyn peut-il faire retomber la pression aux urgences ?

Mathias Matallah […] La crise qui secoue les urgences est le prélude à une crise bien plus globale et autrement plus grave du système de santé dans son ensemble, qui aura des répercussions politiques majeures. Elle est la conséquence directe de la désintégration de la médecine de ville.

Les délais d’attente pour un rendez-vous chez un spécialiste sont passés en huit ans de quarante-quatre à soixante-sept jours, hors examens complémentaires. Les patients utilisent désormais les urgences comme un substitut, et elles ne sont clairement ni dimensionnées ni organisées pour ça.

  • Le futur service d’accès aux soins (SAS) devrait théoriquement permettre de prendre rendez-vous avec un médecin généraliste dans les vingt-quatre heures. Cela paraît-il viable ?

Mathias Matallah Les médecins généralistes sont déjà saturés, ils ont déjà souvent plus de 900 patients comme médecins traitants… Ce n’est pas d’un coup de baguette magique qu’ils pourront prendre de nouveaux patients et de nouveaux rendez-vous en urgence. Cette crise des urgences est d’abord une crise de la médecine de ville, la pénurie ne peut pas être résorbée par un nouveau niveau de régulation. Il faudra quelque chose de plus profond. Et l’augmentation du numerus clausus ne prendra pas effet avant dix ans.

  • La médecine libérale n’a donc pas les moyens de reprendre en charge les patients qui ne se tournent plus vers elle ? Les assistants médicaux et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) mis en place par le gouvernement ne sont pas une solution ?

Mathias Matallah La délégation de tâches en France est sans doute la plus faible de tous les pays de niveau de développement comparable. Il y a un énorme potentiel mais, pour l’exploiter, il faudra se battre contre un corps médical viscéralement hostile, ce qui demandera beaucoup de courage…

Mathias Matallah est spécialiste des questions de santé et de l’accès aux soins et président de Medicine4i, une société de conseil et de technologies en santé


Propos recueilli par François Beguin. Le Monde. Titre original : « Mathias Mattalah « Cette crise est d’abord une crise de la médecine de ville » ». Source (Extrait)


4 réflexions sur “Crise des Urgences … Crise de la médecine de ville, d’abord.

  1. Pat 12/09/2019 / 17h33

    Comme il est impensable que les gouvernements successifs n’aient pas prévu cette dégradation, il est probable que les raisons soient financières et plus obscures. La médecine se dépouille et chacun tire à soi la couverture maladie.
    Je sors de chez l’angiologue (conventionné secteur 1). Il me fait payer 30 euros à me faire rembourser par la sécu et ma mutuelle et il me rajoute 10 euros non déclarés par lui donc non remboursables pour…conseils nutritionnels !!!! Faites attention en allant chez un spécialiste qu’il ne vous donne pas le temps de demain, vous pourriez payer un supplément météorologique…

  2. fanfan la rêveuse 13/09/2019 / 7h53

    Bonjour Michel,
    Les temps ont bien changés, soigner était un sacerdoce avant !
    Lentement une santé à deux vitesses s’est donc généralisée, celle des modestes personnes et celle des plus aisés…pour arriver en 2019 à une généralisation des dépassements d’honoraires. Cette course à l’argent n’en finira donc t’elle jamais ?

    Je comprends les raisons, pas d’augmentation des paiements de nos spécialistes depuis des années mais qu’en même cela vaut il, pour exemple, pour une intervention chirurgical un dépassement de 400e si la mutuelle prend en charge et 200e si elle ne prend pas en charge. La drôle d’impression d’avoir en face de moi un marchand de tapis…
    Et si je ne peux payer, m’opérera t’il ? 🙁

    Je crois que le problème vient de la base, c’est à dire de la modification de nos généralistes dans leur organisation de travail, du moins c’est le constat que je fais ici en plus du problème numérus clausus. Ce sont pour majorité des femmes médecins qui commencent plus tardivement et termine plus tôt leurs journées, afin de lier vie professionnelle et vie familiale, fatalement cela bouchonne…

    Soyons réaliste, toutes les fautes ne peuvent être de la responsabilités de nos dirigeants.

    Il est bien triste de constater que notre société prend l’eau de toute part…

    Bonne journée Michel 🙂

    • Libres jugements 13/09/2019 / 11h47

      Bonjour Françoise,

      Cela fait des années que nous et montrer via des téléfilms les difficultés rencontrées aux États-Unis pour se faire soigner. Vous allez mourir mais avant cela avez-vous les moyens de te payer les médicaments ou les interventions nécessaires… ce n’est même pas de l’humour noir c’est de la réalité capitaliste au plus haut point. Pourtant à aucun moment alors que bon nombre de téléspectateurs se nourrissent de ce genre de téléfilm, a été pris en compte la gravité du système de soins états uniens comme d’ailleurs anglo-saxon.
      je vais faire référence à ce que j’ai connu pendant 2 ans en Allemagne dans les années 60 61 (obligations militaires) ou le médecin généraliste était le pivot obligatoire par village ou quartier dans les grands bourg, sa prestation était gratuite. Je ne me souviens pas par contre, si c’est prescription médicamenteuse l’était dans les pharmacies. qu’en est-il aujourd’hui je ne répondrai pas à cette question. Pour avoir quelque temps correspondu avec une famille allemande ne l’est (du temps du mur) le système économique socialiste pour la santé, était entièrement gratuit y compris toutes les opérations nécessaires. Bien évidemment on me rétorquera que c’est peut-être à cause de cela que le système économique soviétique est défunt; porte tant il existe toujours en république cubaine et plusieurs essais été tentés dans différentes pays d’Amérique du Sud. Certes cela ne fait pas les affaires du capitalisme et pour autant il a tout fait pour faire capoter toutes ces avancées sociales.
      bien sûr que le numerus clausus n’est pas le seul vecteur ayant apporté un désert dans les services de soins, surtout en ruralité, c’est vrai aussi que la féminisation (bien que je sois absolument pour l’égalité), apporte des contraintes tant que la société restera peu ou prou basée sur le patriarcat; un système qui ne ne dégage pas la femme des « corvées » de la vie professionnelle même si les hommes mariés font de plus en plus des efforts dans ce sens.
      Peut-être, je dis bien peut-être que la solution serait quand même que la société donne une vraie possibilité aux familles (aux femmes surtout) de pouvoir s’occuper des enfants (crèche, garderie, etc.). De même que le revenu général par famille puisse augmenter ou qu’il y ait une vraie politique de la famille permettant à chacun de ses membres de travailler pour des salaires décents.

      Il faudra bien Françoise, que tous les problèmes que nous rencontrons trouvent des solutions si les dirigeants ne veulent pas rencontrer un jour ou l’autre des problèmes, autrement plus graves qu’un défilé, qu’une manifestation quelconque fusse-t-elle habillée de gilets jaunes.

      En vous souhaitant avouer aux vôtre une bonne journée

      • fanfan la rêveuse 13/09/2019 / 11h58

        Je crois aussi en cette solution :
        Peut-être, je dis bien peut-être que la solution serait quand même que la société donne une vraie possibilité aux familles (aux femmes surtout) de pouvoir s’occuper des enfants (crèche, garderie, etc.). De même que le revenu général par famille puisse augmenter ou qu’il y ait une vraie politique de la famille permettant à chacun de ses membres de travailler pour des salaires décents.

        Pour cette deuxième partie de votre suggestion, se pose une question essentielle, comment le financer.

        « Il faudra bien Françoise, que tous les problèmes que nous rencontrons trouvent des solutions si les dirigeants ne veulent pas rencontrer un jour ou l’autre des problèmes, autrement plus graves qu’un défilé, qu’une manifestation quelconque fusse-t-elle habillée de gilets jaunes. »

        Je suis bien d’accord avec vous Michel ! Mais vont ils accepter de revoir leurs copies avant que cela part dans un mouvement que je préfère ne pas imaginer…La grogne monte de plus en plus…

        Merci pour ce partage Michel 🙂

Les commentaires sont fermés.