Métaux rares : la planète trinque !

L’industrie de la téléphonie repose sur une exploitation massive de minerais. Son coût écologique et sanitaire est colossal.

Avec 1,5 milliard d’appareils vendus en 2018, la démocratisation du smartphone tourne au désastre écologique. « Le point nodal du danger écologique de la confection des smartphones est l’extraction d’une grande variété de métaux », synthétise Françoise Berthoud, ingénieure de recherche au CNRS et fondatrice d’ÉcoInfo, qui étudie l’impact des nouvelles technologies sur la société.

« Parmi les enjeux environnementaux liés à leur fabrication, on retrouve entre autres l’épuisement des ressources, les atteintes à la biodiversité et l’émission de gaz à effet de serre », poursuit-elle. Les mines se sont multipliées ces trente dernières années tout autour du globe. Et pour cause, il ne faut pas moins d’une cinquantaine de métaux pour fabriquer un téléphone dernier cri. Bientôt aussi polluant que l’industrie automobile

La scientifique insiste sur le fait que « des différents éléments qui les composent, aucun n’est issu du recyclage ou de ressources renouvelables ». Par ailleurs, « le processus d’extraction génère une pollution massive et multiforme. Celle-ci requiert tout d’abord une énergie faramineuse et, qui pis est, particulièrement carbonée car elle provient principalement du pétrole ou du charbon », assure Françoise Berthoud.

Cette activité est d’autant plus énergivore que le degré de miniaturisation des appareils fabriqués est important, d’après le rapport de 2018 du cercle de réflexion Shift Project. Si l’on continue à ce rythme, l’émission des gaz à effet de serre liée à la production des téléphones en 2030 sera du même ordre de grandeur que celle de l’industrie automobile, autour de 8 % des émissions mondiales.

L’usage intensif de produits chimiques indispensables au traitement de ces minerais empire encore les choses. « Acides et autres substances plus ou moins toxiques sont quotidiennement utilisés durant la phase d’extraction et de raffinage », détaille la chercheuse. Ce que les géants de l’industrie minière tentent de dissimuler. « Les répercussions sur les sols, les eaux et, bien entendu, la biodiversité en marge des sites d’exploitation sont absolument terribles, même si difficilement chiffrables », affirme Françoise Berthoud.

En Chine, l’exploitation du néodyme, composant des aimants destinés aux smartphones, génère des rejets d’eau acide et des déchets chargés en radioactivité ainsi qu’en métaux lourds, selon un rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) de juin 2019. Chaque tonne de matériau fabriquée produit une tonne de déchets et 75.000 litres d’eau polluée, directement déversée dans des lacs de rejet. Autre exemple, en République démocratique du Congo, l’exploitation de cobalt nécessaire à la fabrication des batteries entraîne une déforestation sans précédent.

Mettre fin à un tel écocide n’est pas si simple.

Les filières de recyclage sont encore rares et peu efficaces. En France, seuls 50 % des équipements électroniques sont recyclés dans des filières agréées, sans garantie de valorisation. Outre les plastiques ininflammables et pénibles à traiter, les métaux exploités ne sont régénérés qu’à hauteur de 40 % dans le meilleur des cas. Un processus dont le coût est souvent plus élevé que de fabriquer du matériel neuf.

Tant qu’il y aura de la croissance, les mines continueront d’être copieusement exploitées. « Le recyclage n’est pas une véritable alternative. La seule solution est de sortir de cette logique de surconsommation technologique », conclut Françoise Berthoud.


Iris Bertrand. Le quotidien l’Humanité. Source


4 réflexions sur “Métaux rares : la planète trinque !

  1. Filimages 20/08/2019 / 13h32

    Ce ne sera effectivement pas simple de renoncer à la technologie, que ce soit les smartphones, mais aussi les ordinateurs et tous les équipements à bas d’électronique. Il faudrait que les gens soient persuadés qu’il n’est pas utile de changer son téléphone tous les 6 mois.
    L’écologie commence par de la pédagogie…

  2. jjbey 20/08/2019 / 15h18

    Nous ne pouvons revenir aux signaux de fumée pour communiquer mais tout de même cette soif inextinguible de communication à grande vitesse en temps réelle doit pouvoir être raisonnée. Bientôt les cours de récréation vont consommer autant d’énergie que les voitures des parents. Si on faisait une pause?

  3. tatchou92 20/08/2019 / 19h23

    Nous étions entrés à pieds joints dans le monde de la consommation, hyper développée ces dernières années, boustés par la pub et nos enfants.. et aujourd’hui on devrait se sentir coupable de tous les maux dont souffre notre planète. Comme le suggèrent Filimages et JJbey vite une pause, vite expliquons, vite examinons, vite faisons nos comptes aussi, vite redonnons du boulot aux facteurs, par exemple.. si le prix des timbres diminue !

  4. fanfan la rêveuse 21/08/2019 / 8h10

    Bonjour Michel,
    Il est grand temps de faire machine arrière, d’expliquer et d’éduquer en la matière. Notre société ne pourra changer que par le biais des enfants, car ce sont les futurs adultes.
    J’ai un portable qui a plus de 6 ans, seconde main, il fonctionne très bien, certe pour le web il rame mais en ai-je vraiment besoin, non je ne crois pas, car tout ne tourne pas autour du web 😉
    Bonne journée à vous !
    🙂

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