Sauver la Sécurité sociale !

Bercy rêve de mettre la Sécurité sociale sous la férule de l’État en faisant fi du paritarisme voulu par Ambroise Croizat.

Baisse des remboursements, fermeture de maternités, étranglement financier des hôpitaux publics et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), remise en cause constante des prestations telles que les droits à la retraite, voici ce que proposent et votent les parlements français successifs via les objectifs nationaux de dépenses d’assurance maladie.

Une organisation de la baisse des dépenses financées par la Sécurité sociale pour alléger constamment « le coût du travail » et privilégier la course au profit financier des entreprises. Le gouvernement fixe, dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019, un objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) à 2,5 %, alors qu’un minimum de 4,5 % permettrait de financer les dépenses de santé qui progressent de manière logique sous l’effet du vieillissement et du progrès.

Sur les dépenses de santé en 2019, c’est 3,8 milliards supplémentaires d’économie qui sont ponctionnés. Les hôpitaux publics restent les sinistrés de ce PLFSS avec une économie de 910 millions. Ils continuent à crouler sous l’endettement, les déficits, et les personnels réclament des moyens pour faire leur travail correctement et dans des conditions dignes.

L’objectif « reste à charge zéro » porté par le gouvernement pour les lunettes et les prothèses dentaires ou auditives n’est qu’une voie royale ouverte au monde de l’assurance et maintient les inégalités importantes dans l’accès à la santé. Ce PLFSS a clairement pour objectif la casse brutale de notre système de protection sociale solidaire et universel.

Un projet alternatif pour notre système de Sécurité sociale

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2019 réduit les moyens pour les assurés sociaux et augmente les exonérations pour les entreprises et les actionnaires. Ainsi si on additionne le remboursement du crédit impôt compétitivité emploi (CICE) pour 2018 et la baisse des cotisations ambitionnée pour 2019, c’est un cadeau de près de 40 milliards d’euros offert par le gouvernement aux actionnaires et aux entreprises, alors qu’un effort continu est demandé aux plus précaires pour « rembourser la dette sociale ».

« Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2019 a clairement pour objectif la casse brutale de notre système de protection sociale solidaire et universel. »

Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE ont donc porté à la connaissance de tous, dans le cadre des débats du PLFSS pour 2019, qu’il existe un projet alternatif porté par ce groupe au Sénat. Pour le système de Sécurité sociale qui met à contribution les entreprises et leurs revenus, pour financer l’arrêt des restructurations hospitalières, la création dès 2009 de 100.000 nouveaux emplois hospitaliers pour répondre à la souffrance des personnels et des malades, 100.000 emplois par an pendant trois ans pour les EHPAD, un plan de formation et d’investissement à la hauteur des enjeux de société que représentent le vieillissement de la population et la prise en charge à 100 % des dépenses de santé pour toutes et tous.

De quoi est composé ce projet alternatif ?

Pénaliser les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale

[…] « Normalement la loi impose aux entreprises de plus de cinquante salariés de négocier un accord d’entreprise ou d’élaborer un plan d’action en matière d’égalité salariale. Pourtant, seules 60 % d’entre elles se sont pliées à cette obligation. » Une pénalité peut être appliquée, à la suite d’une mise en demeure de l’inspection du travail, cependant « cette pénalité n’est appliquée que dans 0,2 % des cas ». Pour contraindre réellement ces entreprises, le groupe CRCE propose d’instituer une sanction systématique. Cette mesure permettrait à la Sécurité sociale des recettes qui pourraient conduire à la mise en œuvre d’une véritable politique sociale.

Maintenir la participation des entreprises

Dans l’article 8 du PLFSS, le gouvernement prévoit « la transformation du CICE ainsi que du crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) en baisse de cotisations pérenne pour les entreprises et les associations ». Cette mesure

entraînera un manque à gagner pour le budget de la Sécurité sociale. […]

« Rien ne justifie que les entreprises bénéficient de tels cadeaux fiscaux, a fortiori lorsque, dans le même temps, le gouvernement demande aux plus vulnérables de se serrer la ceinture en ne revalorisant quasiment pas les prestations sociales, en maintenant la hausse de la CSG pour les personnes à la retraite et en supprimant un certain nombre d’aides destinées aux personnes en situation de handicap notamment ».

Chacun doit cotiser selon ses moyens et recevoir selon ses besoins, dans la continuité de la logique de création de la Sécurité sociale.

Le groupe CRCE considère que les entreprises doivent continuer à participer au financement de l’ensemble du régime de Sécurité sociale, dans la mesure où elles sont bénéficiaires en ligne directe de prestations familiales. Il demande également de « rétablir la version antérieure de l’article L. 241-2 du code de la Sécurité sociale qui prévoyait la mise à contribution des entreprises au financement de la branche famille […] et récupérer 23 milliards d’euros, une somme qui pourrait être utilisée pour mettre en place une véritable politique de protection sociale ».

Dénoncer la hausse de la CSG sur les retraites

La baisse des cotisations des salariés, supposée être compensée par une augmentation de la CSG en 2018 reste un artifice, et une perte radicale de pouvoir d’achat pour les retraités, perte qui s’inscrit dans la durée. L’augmentation de la CSG de 1,7 point sur les retraites et sur les pensions d’invalidité va effectivement porter atteinte au pouvoir d’achat de 7,5 millions de retraités. […]

Pour un niveau élevé de droits pour chacune et chacun

Sur les 38,4 milliards d’euros d’exonérations et d’abaissement de cotisations, 36,3 milliards d’euros seront compensés ; l’article 19 de ce PLFSS 2019 met fin au principe de compensation intégrale des exonérations de cotisations patronales par l’État.

« Donc 2,1 milliards d’euros ne seront pas compensés en 2019. Alors en définitive, qui va payer la différence ? Bien évidemment les assurés eux-mêmes ! ». L’article 19 prévoit une perte de 22,6 milliards d’euros pour la branche maladie du régime général, compensée par l’État via le transfert d’une partie des recettes de la TVA : « Le transfert de ses recettes vers la Sécurité sociale est un moyen supplémentaire de justifier le maintien de taxes, sous prétexte qu’elles sont indispensables, notamment au financement des hôpitaux. »

« Confondre le budget de la Sécurité sociale avec celui de l’État conduit à un budget ouvertement de sous-financement qui “porte un coup terrible à notre modèle social et au service public”. » […]

L’autonomie des finances sociales, un principe constitutionnel

[…] le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019 remet en cause le principe constitutionnel d’autonomie des finances sociales, « pour mieux soumettre la Sécurité sociale à une cure d’austérité globale, imposée par les règles budgétaires européennes et diluer encore plus son autonomie, Bercy rêve de mettre la Sécurité sociale sous la férule de l’État en faisant fi du paritarisme voulu par Ambroise Croizat ».

[…] « Adapter notre système à la révolution numérique et au développement de l’auto-entreprenariat ne signifie pas le mettre à bas… ». « Le budget de la Sécurité sociale est une manne extraordinaire soustraite au marché ; c’est insupportable pour le privé ! La Sécurité sociale est un bouclier à améliorer encore. Pour ce faire, il faut renoncer aux exonérations, lutter contre la fraude patronale, supprimer la taxe sur les salaires dans les hôpitaux et EHPAD publics et appliquer à tout le reste à charge zéro… »


Sophie Mazenot-Chappuy Cause commune n°9. Janvier/février 2019


5 réflexions sur “Sauver la Sécurité sociale !

  1. bernarddominik 22/04/2019 / 11h44

    Dans un pays où il y a 9% de chômeurs et beaucoup de sous emploi, on peut se poser la question si les charges patronales ne sont pas un frein à l’emploi. Les allemands qui ont choisi de reporter sur la TVA une partie des charges patronales ont fortement baissé leur chômage. Lorsque A Croizat a institué le ticket modérateur, c’était dans le but de pousser à la modération les soins, idée basée sur la croyance qu’on se soignerait « par plaisir », et ça a été la porte par laquelle s’est engouffré l’assurance privée. Il faut venir à l’idée du 100% prescrit 100% remboursé en mettant en place un financement stable et indépendant.

    • Libres jugements 22/04/2019 / 14h06

      Bonjour Bernard, j’ai énormément de mal à vous suivre cette démarche consistant à dire qu’il faut baisser les charges patronales Tout en récupérant de l’argent sur le dos des salariés via l’augmentation de la TVA autrement dit d’un côté on permet aux entreprises d’engranger des bénéfices supérieurs pour les actionnaires tout en faisant payer des impôts indirects aux salariés. Lesquels salariés sont bien évidemment ceux qui produisent le capital et pourtant n’en touche pas un centime de plus.
      Je ne vais pas revenir sur les salaires indécents, les parachutes dorés, les retraites, de ses dirigeants, les jetons de présence ou les attributions de parts d’entreprise de ces personnages composant souvent les directoires d’entreprise, n’entendant pas faire des clichés faciles anticapitaliste, mais quand même la disproportion est telle que me plaçant au niveau des salariés je suis de ceux qui les comprennent dans leurs revendications.
      Très amicalement
      Michel

  2. bernarddominik 22/04/2019 / 15h56

    La TVA peut être modulée, il faut différencier ce qui est nécessaire de ce qui est un luxe. Une voiture à 50000€, un smartphone à 1000€ c’est du luxe, et là on peut mettre plus, beaucoup plus, de TVA. D’autre part la TVA peut aussi être dépendante de l’empreinte carbone, le produit a fait 5000 kms pour être vendu sa TVA sera plus élevée La CSG taxe le travail et favorise donc les importations., Ce n’est pas bon pour l’emploi. On ne peut pas dissocier les deux problématiques. La baisse des charges doit déboucher sur une baisse du prix de vente , la loi peut imposer ce lien de cause à effet. Elle facilitera aussi l’embauche. Pour moi ce qui est anti social c’est de considérer qu’une Porsche à 100000€ est aussi indispensable qu’une clio à 15000€. C’est De ne rien faire pour redonner une chance à l’industrie française, c’est de se contenter de tant de chomeurs…

  3. bernarddominik 22/04/2019 / 16h23

    Cela nous éloigne du débat sur la sécurité sociale. Je crois qu’il faut différencier l’indemnité journalière, c’est une assurance financière, du soin, c’est du domaine médical. Mettre un ticket modérateur sur le soin me semble aberrant : ça veut dire quoi? Ne soigner que 70% de la maladie? Donc sur ce domaine je suis les propos de Melanchon : rembourser 100% du prescrit, quant aux dépassements d’honoraires ils sont incompatibles avec l’idée même de soin. Je suis d’accord de différencier une grande technicité, mais pas choisie par le praticien, mais dans le cadre d’une loi qui la définit de façon transparente. Le financement doit être indépendant de l’état, c’est à dire assuré par des ressources pérennes. Le paiement des jours de maladie doit être assuré par une assurance obligatoire souscrite par l’employeur, avec franchise et taux maximum défini par la loi. Le mode de financement des soins peut tout à fait être assis sur une part des bénéfices des entreprises, une part de la TVA, une part des royalties versée par les GAFA…etc L’idée c’est que la règle soit suffisamment stable et claire pour que l’état ne puisse intervenir, et assurer son avenir face aux aléas. Car je suis tout à fait d’accord avec l’idée que faire financer la sécu par l’état c’est la soumettre aux aléas de la politique. C’est le même problème que pour les retraites : ce n’est pas aux politique de décider, car il est essentiel que ce soit le cotisant qui décide pour sa retraite, il est anormal qu’après avoir cotisé toute une vie on vous change les règles.

  4. tatchou92 22/04/2019 / 19h26

    Dès sa création la Sécurité Sociale a été attaquée, de toutes parts, par le Patronat, et par ceux… qui n’ont pas voulu de ce système et sont restés à côté.. vous les connaissez aussi !
    Désolée les Amis, le paritarisme a été introduit dans la Sécu, par les Ordonnances de 1967, alors que la gestion était jusqu’alors assurée par les représentants élus des salariés. Mon père a siégé es qualité dans les années 50.
    Depuis, le Parlement vote le budget de cette belle conquête, en la vidant progressivement de son contenu.Nous avons voté pour la dernière fois en 1982 !
    Je suis personnellement défavorable à la notion de salaire plafond, fixé à 3377€, sur lesquelles sont assises les cotisations et les indemnités journalières versées, tout comme je déplore les abattements ou exonérations de cotisations patronales de la branche Accidents de travail/Maladies Professionnelles.
    Tout cela au détriment des salariés, contraints de recourir à des mutuelles ou des assurances complémentaires coûteuses, certaines n’ayant pas hésité à virer des assurés qui coûtaient trop cher.
    Je dénonce aussi, les dépassements d’honoraires sur les consultations et les actes médicaux et chirurgicaux
    Enfin, pour ma part, concernant la dépendance, (comme ils disent) je préfère l’idée de perte d’autonomie qui avec le handicap survenant à tout âge constituent des accidents de la vie, et doivent être pris en charge par l’assurance maladie, sans impôt supplémentaire. C’est la solidarité, c’est l’esprit d’Ambroise CROIZAT.
    Il y a déjà pour les salariés, depuis 2003 une journée de solidarité, pour les retraités la CASA de 0,3 sur les retraites, et ces mêmes nantis cotisent 1,7% de plus de CSG pour rembourser les effets du CICE. Çà suffit !
    La TVA ne devrait rien à voir avec la Sécu, il faut la supprimer sur les soins, analyses traitements, équipements et matériels nécessaires quotidiennement.
    La question de la sauvegarde de la protection sociale relève surtout du plein emploi, de salaires décents, de l’âge de départ à la retraite, il vaut mieux servir des retraites à 60 ans que des allocations chômage !!

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