Ce fut indéniablement un moment difficile.

Amélie de Montchalin était extrêmement dépitée, la semaine dernière, de n’être nommée « que » secrétaire d’Etat, alors que Nathalie Loiseau, qu’elle remplace, avait rang de ministre déléguée. « Elle est tombée de haut, mais rien n’a filtré, c’est une fille qui sait se tenir », rigole un député LRM.

Sa déception, elle l’a rapidement masquée. Elle a conservé son air appliqué, ses yeux écarquillés, son bon sourire bienveillant. Elle n’a guère modifié son débit, fort rapide, sa démarche de femme pressée, son style catho à la fois cordial et pète-sec. Sa vie, c’est « zéro alcool » et « une organisation militaire ». Elle cultive, depuis son élection, un petit côté garde rouge du régime, publiant des tribunes enthousiastes (« Un an après, nous gardons le cap des réformes ! ») sur la Macronie.

Amélie de Montchalin.

Les airs de cheftaine de la nouvelle secrétaire d’Etat aux Affaires européennes ne sont pas que fabriqués : elle aime l’ordre et l’autorité !

Sa promotion express (elle a 33 ans) ne doit rien au hasard.

« Montchalin cochait la case « femme, jeune », et sa nomination permettait à Macron de calmer la grogne qui monte des rangs de son parti, où les cadres ont l’impression qu’on récompense surtout les gens venus d’ailleurs. Amélie est un pilier du groupe à l’Assemblée et à la commission des Finances, elle est très investie, a maintenu tant bien que mal une forme de cohésion entre les 300 députés, en faisant remonter les doléances au gouvernement, ce que Le Gendre, qui a peur de son ombre, est incapable de faire. Elle méritait ses galons », raconte un proche de l’Élysée.

Rio un peu

La Soeur Sourire de la « start-up nation » ne prend pas toujours la peine de masquer ses ambitions. La plupart du temps, elle joue à la petite souris suractive, du genre : allez, les gars, on se retrousse les manches et on s’y met.

Mais, parfois, elle se lâche. Se confiant récemment au magazine « Society », elle rêvait tout haut d’être présidente, précisant : « Il faut rester humble, quand même. »

Elle parle comme nombre de ses pairs de La République en marche. Elle est « cash », ce qui veut sûrement dire qu’elle sait cogner, elle « ne lâche rien », ce qui ne veut pas dire grand-chose. Interrogée peu après son élection comme députée de l’Essonne sur la commission qu’elle allait choisir, elle avait répondu qu’elle verrait, tout dépendrait de sa « valeur ajoutée différenciée ». Elle s’est dite dégoûtée de la « politique à l’ancienne », après avoir bossé pour Pécresse, bombardé de notes Raffarin et Juppé, et rêvé d’un rôle à leurs côtés.

Désormais, elle n’a pas de mots assez durs pour les politiques, surtout ceux qui ont le mauvais goût d’avoir fait carrière avant Macron : « Notre régime pourrait tout à fait se passer des élus. » Elle n’a guère d’appétence pour les réunions de section et les marchés, ce qui est ennuyeux, car on y rencontre encore les électeurs.

En revanche, elle prise fort le storytelling ; elle y excelle désormais. Amélie, il faut bien le dire, tu as un petit côté techno, il va falloir nous humaniser tout ça.

Récit. Cette diplômée de HEC et de Harvard a connu la misère quand son père, cadre sup, a été muté au Brésil : elle « traversait des bidonvilles » pour aller en cours, ce qui lui a donné envie de se « mettre au service des autres ». Son amour de la politique lui serait venu d’une après-midi passée avec son père à Calais en 1995. La petite Amélie a 10 ans, elle entend la sous-préfète parler du débarquement, des droits de l’homme, elle tombe en pâmoison, sa vie est chamboulée. « L’histoire est bien sympa mais totalement contradictoire avec le fait de faire ensuite sa scolarité à HEC », rigole un élève de sa promotion.

Un temps responsable des politiques publiques chez Axa, elle raconte : « Je ne faisais pas de lobbying mais de la prospective sur de grands sujets comme le climat ou le numérique. » Grosse rigolade d’un dirigeant d’Axa : « Bien sûr qu’elle faisait du lobbying ! La prospective sur le climat exige des compétences techniques, celles d’un ingénieur, qu’elle ne possédait pas. »

Pas ravie de la crèche

Entre HEC, Harvard, les Young Leaders (promo 2018), BNP Paribas, où elle a passé quatre ans, puis Axa, avant son élection comme députée, Amélie de Montchalin aura bien peu côtoyé les électeurs.

Décrite par ceux qui la connaissent bien comme « très naïve », la voilà qui se plaint, peu après son élection, des nombreuses séances de nuit à l’Assemblée qui font grimper ses notes de baby-sitting. « Elle a été nommée secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, c’est parfait : elle n’aura aucun contact avec les gens, elle naviguera de Bruxelles aux chancelleries », rigole un vieux socialiste rallié à Macron.

La jeune pousse du nouveau monde a ainsi décrit sa rencontre avec Emmanuel Macron lors d’une réunion de jésuites à Namur en juillet 2017 : « Je suis aujourd’hui députée parce que j’ai répondu à un appel en janvier, pas de l’ange Gabriel, mais d’un certain Emmanuel.»

Celle-là, même, les vieux briscards lèche-bottes de l’ancien monde ne l’auraient pas osée.


Anne-Sophie Mercier. Le Canard enchaîné. Dessin de Kiro. 10/04/2019


Une réflexion sur “Ce fut indéniablement un moment difficile.

  1. jjbey 12/04/2019 / 19h21

    C’est beau comme l’amour que porte cette dame aux injustices sociales, toutes ambitions politiques mises à part. Macron est ingrat, après tant de trahisons, de passages d’une entreprise capitaliste à une autre, de lobbyings intensifs, elle méritait mieux qu’un secrétariat d’état. C’est pas fini………………

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