Désastre écolo, la culture des roses ?

À l’image de bien des cultures intensives, le coton en URSS en son temps du côté de l’ex-mer d’Aral, les pompages inconséquents du Jourdain asséchant la mer Morte, …

… les déboisements intensifs (forêts équatoriales, australiennes ou amazoniennes), déséquilibrant l’écosystème pour replanter des arbres pour produisant l’huile de palme, des champs de bananeraie, etc. Il est une culture intensive des roses dans un pays, l’Éthiopie, qui n’est pas spécialement réputée pour recevoir les bienfaits des pluies célestes, cède ma note temporaire financière qu’apportent les investisseurs, produisant ainsi l’assèchement des lacs et cours d’eau. MC


Éthiopie : Un parc national ravagé au nom du développement

[…] Le 12 mars 2019, le président Emmanuel Macron a effectué la première visite d’un chef d’État français à Addis-Abeba depuis 1973.

Balayant les critiques quant au manque de libertés, il a préféré souligner la réussite économique du pays. Mais, si la forte croissance de l’Éthiopie attire les investisseurs, cette performance a un prix social et écologique élevé.

[…] Aux abords du lac Abijata, en Éthiopie, le sol craque sous les pas du promeneur comme s’il était tapissé de chips. Impossible de s’avancer trop près des centaines de flamants roses sans prendre le risque de voir la terre se fissurer et laisser jaillir de l’eau. Et pour cause ! Cette étendue blanchie par le sel appartenait autrefois au lac, dont la taille a diminué de moitié en trente ans. […] Entre 1970 et 1989, la profondeur des eaux est tombée de treize à sept mètres (2). Les poissons ont disparu […]. La même menace pèse sur les autres lacs de la partie centrale de la vallée du Grand Rift (Ziway, Shalla et Langano). […]

[…] À l’origine du problème, le « développement à l’éthiopienne », l’envers du « miracle économique » porté aux nues par les économistes dominants (3). La croissance à deux chiffres pendant dix ans (de 2004 à 2014) tant vantée par la Banque mondiale reposait principalement sur « l’expansion de l’agriculture, de la construction et des services » (4). Pays enclavé, l’Éthiopie brade tout pour attirer les investisseurs étrangers : eau et électricité quasi gratuites, et loyers dix fois inférieurs aux prix du marché, notamment dans le textile  […].

Les grands perdants : les populations rurales et l’environnement.

[…] Non loin du lac Abijata, à deux cents kilomètres au sud de la capitale, Addis-Abeba, la ville de Ziway s’épanouit, portée par le dynamisme du secteur primaire. Le groupe français Castel, deuxième producteur de bière et de boissons gazeuses en Afrique (5), y a planté des vignes. La multinationale néerlandaise Afriflora Sher a construit la plus grosse ferme de roses du monde et emploie 1 500 travailleurs payés l’équivalent de 75 euros par mois. Ces deux sociétés puisent gratuitement l’eau de la rivière Bulbula, qui se jette dans le lac Abijata. Les agriculteurs locaux installent quant à eux en toute illégalité des pompes à eau — de cinq à six mille selon les sources — et prélèvent en définitive davantage que les entreprises.
[…]

[…] Depuis 1970, et la création du parc national des lacs Abijata-Shalla, la nappe d’eau est pourtant officiellement protégée. Ce territoire de 887 kilomètres carrés était autrefois une forêt d’acacias. Soixante-dix mille personnes y vivent ; leurs champs se situent dans la zone protégée, où elles font paître leur bétail. Certains habitants complètent leurs revenus en coupant des arbres pour en faire du charbon, qu’ils vendent au bord de la route principale. Cette pratique est passible de cinq ans de prison, mais peu contrôlée. […]

[…]Tout à son obsession d’attirer les investisseurs étrangers, le gouvernement brade les terres, au détriment des paysans locaux. Entre 2016 et 2018, des manifestations massives ont contraint à la démission le premier ministre Hailemariam Desalegn. Longtemps, le régime autoritaire éthiopien a bénéficié d’une certaine complaisance de la part des observateurs internationaux, qui s’enthousiasmaient de la croissance économique. Les atteintes aux droits humains et les piètres performances sociales étaient passées sous silence, notamment le taux de pauvreté, très élevé mais systématiquement sous-évalué : il est calculé par l’agence gouvernementale des statistiques sur la base de 19,7 birrs (environ 0,60 euro) par jour, quand le seuil d’extrême pauvreté défini par la Banque mondiale est fixé à 1,90 dollar (1,70 euro)…


Christelle Gérand. Le Monde Diplomatique. Titre original « La rose assèche les lacs d’Éthiopie ». Source (extrait)


  1. Debelle Jebessa Wako, « Settlement expansion and natural resource management problems in the Abijata-Shalla lakes national park », Walia, n° 26, Addis- Abeba, 2009.
  2. Dagnachew Legesse (sous la dir. de), « A review of the current status and an outline of a future management plan for lakes Abijiata and Ziway », rapport non publié, Oromia Environmental Protection Office, Addis-Abeba, 2005.
  3. Cf. « Ethiopia : A growth miracle », Deloitte, Johannesburg, 2014.
  4. « Ethiopia’s great run : The growth acceleration and how to pace it. 2004-2014 », Banque mondiale, Washington, DC, février 2016.
  5. Lire Olivier Blamangin, « Castel, l’empire qui fait trinquer l’Afrique », Le Monde diplomatique, octobre 2018.
  6. « The world factbook », Central Intelligence Agency, www.cia.gov
  7. Kathleen Reaugh Flower, « Abijata-Shalla lakes national park : Assessment of factors driving environmental change for management decision-making », The Sustainable Development of the Protected Area System of Ethiopia Program and the Ethiopian Wildlife Conservation Authority, Addis-Abeba, 2011.
  8. Lire Gérard Prunier, « « Éthiopie-Érythrée, fin des hostilités », Le Monde diplomatique, novembre 2018.

3 réflexions sur “Désastre écolo, la culture des roses ?

  1. bernarddominik 11/04/2019 / 16h05

    Le problème de l’Éthiopie est celui du monde entier : la croissance démographique est incompatible avec la robotisation accélérée de l’industrie. Donc les états sont prêts à tout pour créer des emplois. Alors que la mondialisation entraine au contraire un allongement du temps de travail, les états sont devant cette équation sans solution, moins de travail moins de salaires pour plus de population.. la nécessité de partager le travail est antinomique avec la mondialisation. La solution est mondiale et non pas individuelle.

    • Libres jugements 11/04/2019 / 17h51

      je ne suis qu’en partie d’accord avec votre analyse Bernard car je pense avant tout à l’énorme erreur faite par bon nombre de gouvernants, concernant avant tout l’exploitation intensive qu’elle soit de l’eau, des matériaux, de la main-d’œuvre, elle se traduit d’abord sur un plan général écologique.
      Sur au moins ce plan écologique nous entendons de tous les gouvernements sans exception qu’il faut faire quelque chose pour éviter de détruire la planète, et dans le même temps s’organise en sous-main pour la détruire de plus belle.
      La réflexion doit venir de la population, un des moyens les plus efficaces et le boycotts des produits , même si dans le même temps sera argué que ce système prive directement d’une main-d’œuvre essentielle à un pays.

  2. jjbey 12/04/2019 / 19h52

    Le rouleau compresseur de la machine à faire du fric écrase tout sur son passage et c’est bien mondialement qu’il faut détruire ce système qui mène l’humanité à sa perte. Prolétaires de tous pays unissez vous……….

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