L’enfant a le droit à connaître ses origines

En faisant du droit de l’enfant à la condition «sine qua non» du droit à la PMA, le législateur fait émerger un dernier avatar de la biologisation du social

Le projet de loi de bioéthique, qui intégrera la question de l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules ainsi que l’accès aux origines, sera présenté au mois de juin en Conseil des ministres, a assuré le Premier ministre Édouard Philippe. A la lecture des différents rapports qui précèdent ledit projet de loi, une impression de retour à une conception biologique de la filiation se dégage nettement. Et pour cause, les lois ne se font plus au nom de la liberté ni au nom de l’égalité et encore moins au nom de la fraternité…

Au moment même où la notion de famille est réinvestie politiquement (pacs, mariage pour tous, homoparentalité, pluri-parentalité…), une nouvelle forme de naturalisation de la filiation reposant sur la valorisation de la différence des sexes et les origines génétiques émerge sur la scène publique.

  • Les principes politiques, consacrés par les grands postulats des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ont été sacrifiés au non d’une expertise psychologico-anthropologique mobilisée non pas pour justifier in concreto, la fabrication d’une norme juridique mais pour établir, in abstracto, son fondement.

En effet, aucune analyse statistique, aucune étude de cas, aucune donnée empirique, rien de descriptif ne fut mis en avant par la mission parlementaire pour conditionner l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules au droit de l’enfant à connaître ses origines.

En revanche, une autre rationalité de type prescriptive émerge clairement de la lecture des différents rapports préparatoires de la loi. Elle produit une réponse univoque : oui à la PMA pour toutes à condition de retrouver symboliquement un soubassement naturel de la parenté par la mise à mort de l’anonymat du don des gamètes.

La filiation est, depuis le droit romain, une construction sociale dans laquelle le sang, la volonté et les présomptions constituent la trame permettant de tisser la parenté. […] Révéler à l’enfant les conditions de sa naissance n’est pas une possibilité mais un impératif moral sous peine de provoquer une «souffrance identitaire irréparable».

En matière d’assistance médicale à la procréation, nous sommes passés de l’obligation d’anonymat au devoir de transparence.


Daniel Borrillo, Libération. Titre original : « L’accès aux origines, «ruse de la raison conservatrice» ». Source (extrait)


6 réflexions sur “L’enfant a le droit à connaître ses origines

  1. bernarddominik 01/04/2019 / 16h50

    L’enfant a le droit de connaître ses origines, et ce sont toujours ceux qui n’ont pas connu ce vide des origines qui parlent pour les autres.
    J’ai connu mon géniteur à 48 ans après des années de recherche, et je dénie à toute personne le droit de m’en empêcher.
    Personne ne connait les conséquences à terme de la médicalisation de la procréation, PMA, GPA…
    Je connais des enfants élevés par des homosexuels, plus que tout autres ils fréquentent les institutions psychiatriques, les hôpitaux psychiatriques ont interdiction de faire des statistiques sur ces cas.
    Cela n’excuse évidemment pas les parents hétéros maltraitants, comme la télé fait souvent l’amalgame, justifiant l’un par l’autre.

    C’est lorsque j’ai été moi même père, que j’ai eu le besoin de connaître mon géniteur.
    Avant je ne savais pas ce qu’était un père.
    Mon géniteur ce n’est pas vraiment mon père, j’en suis tout à fait conscient.
    Mais, même s’il m’a renié, je sais qui il est, et maintenant je sais ce que je ne veux surtout pas être, vous avez compris que malgré une immense déception, le vide a été comblé, et je ne regrette aucunement de l’avoir cherché et retrouvé. Et je suis loin d’être le seul dans ce cas.
    Je le redis fortement: savoir ses origines est un droit.
    Avoir un enfant n’est pas un droit, car un enfant n’est pas un « bien, une possession ».

  2. jjbey 01/04/2019 / 17h06

    Encore une victoire des calotins, utiliser le prétexte d’une « souffrance identitaire irréparable » est une triste farce car que sait on de ses origines?
    Ce que la parentèle a bien voulu nous raconter et rien d’autre.

    Père de deux enfants adoptés et pour avoir longuement parlé de cela avec eux, leur identité est celle que ma femme et moi leur avons donné.
    Ils ne veulent pas connaître le reste de leur histoire mais pour autant il serait utile qu’ils connaissent le passé médical de leurs parents, ce que la loi en discussion ne prévoit pas.
    Par ailleurs il est peut probable que les donneurs acceptent un jour de se retrouver avec une descendance qui pourrait réclamer des droits de succession …
    Tant pis pour les dons…
    Tant pis pour celles qui ne pourrons pas procréer…

  3. fanfan la rêveuse 02/04/2019 / 7h17

    Je crois, de par mon travail, qu’il faut que l’enfant connaisse ses géniteurs afin de se construire cela même si celui-ci est dans un foyer aimant et sécurisant.
    Par contre cette demande doit-être du ressort de l’enfant et doit-être accompagnée afin de lui permettre un cheminement positif et qu’il soit protégé tout au long de cette découverte.

  4. bernarddominik 02/04/2019 / 7h18

    Je suis athée et parler de calotin à ce sujet est parfaitement ridicule. Mais ne jugez pas trop vite, vos enfants ont encore du temps devant eux, et vouloir connaître leurs origines n’est pas renier que vous êtes leur père., Vous avez tort de leur dénier ce droit, car celà risque de se retourner contre vous. Je connais deux couples dans votre cas, l’un a emmené ses enfants au Vietnam revoir leur mère physiologique l’autre a dénié ce droit et n’a pas résisté. Beaucoup d’abandons d’enfants sont dus à la détresse financière, et non pas à un refus de l’enfant. Et ces enfants, un jour, le comprennent.

    • Libres jugements 03/04/2019 / 11h26

      Cher Bernard,

      Sauf à me tromper, je pense que votre présent commentaire est destiné à répondre au commentaire de JJBey.
      Je me garde bien de répondre à sa place, il est assez grand pour cela.
      Juste, je vous demande de bien relire son commentaire et de ne pas vouloir lui faire dire autre chose que ce qu’il dit.

      Très cordialement
      Michel

  5. jjbey 08/04/2019 / 11h18

    Je ne suis pas sur la même longueur d’onde que Bernard car je n’ai jamais remis en cause le droit d’enfants adoptés à connaitre leurs origines. Je remets en cause celui de la connaissance de l’origine dès lors qu’il a été procréé par le PMA. Les mêmes qui s’opposent au mariage homo se retrouvent à vouloir mettre en cause la PMA et quand je dis que les calotins sont dans le coup il me parait difficile de me démentir.
    Pour les enfants adoptés le problème est d’une autre nature
    Je connais.
    Nous avons trois enfants, l’ainé est notre enfant génital et les deux autres sont adoptés en provenance de Corée du sud. L’une a 43 ans et L’autre 41.
    Notre expérience est la notre et on ne comprend rien à l’adoption si l’on considère que les enfants dans ce cas sont différents de ceux produits naturellement.

    Bernard n’a pas compris mon texte car je n’ai jamais empêché mes deux enfants adoptés de faire les recherches qu’ils auraient souhaitées. J’ai même payé le voyage à mon fils et ma fille retourne en Corée ce mois d’avril. Ce n’est pas leurs parents génitaux qu’ils recherchent c’est une curiosité naturelle de voir le pays où ils sont nés. Rien d’autre, comme ils ont été ravis de connaitre les origines de leur nom béarnais.

    Les enfants adoptés en provenance de Corée n’existent plus dans ce pays.
    Les pages des registres d’état civil sur lesquels ils avaient été enregistrés sont découpées afin de ne laisser aucune trace de leur naissance.
    Les jugements d’adoption rendus en Corée ne font pas état de la filiation de l’enfant.
    Toute quête de nature à rechercher ses géniteurs est ainsi rendue impossible.

    Nous avons toujours entretenu l’idée que leur abandon était une preuve de l’amour que les parents génitaux leur portaient et que dans l’incapacité de les élever ils avaient dû se résoudre à les confier à des familles qui auraient les moyens de le faire tout en leur donnant l’amour que chaque enfant à le droit de recevoir.

    Quand je dis que c’est encore un coup des calotins, et c’est ce qui a irrité Bernard, je sais qu’ils sont dans le coup pour vouloir imposer que les origines de l’enfant soient connues s’il le souhaite. Il s’agit d’une manœuvre qui vise à faire que les donneurs de sperme se découragent de le faire car l’application de cette règle voudrait qu’un jour le donneur puisse être interpelé par un enfant issu de son don. Le potentiel de chaque don représente des milliers d’individus. Alors bonjour les dégâts si au surplus chacun d’entre eux se place sur les rangs des héritiers……..

    Par contre je serai favorable à ce que les antécédents médicaux soient conservés de façon à ce que chaque enfant qu’il soit issu de l’adoption où de la PMA puisse le jour où il en a besoin médicalement, fournir les antécédents pathologiques de ses géniteurs.

    Un peu long, mais ce problème m’est très sensible et j’espère que mon texte ne sera reçu que comme une contribution visant à faire qu’une liberté, celle de la PMA, ne soit pas remise en cause.

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