Environnement et la gestion des déchets industriels.

Les ICTAM sont particulièrement sensibles aux enjeux environnementaux (1). Du fait de leur place dans le processus de production et de leurs responsabilités professionnelles, ils peuvent jouer un rôle déterminant.

Faire de la question environnementale un enjeu majeur, c’est refuser de se limiter à la nécessaire évolution des comportements de consommation et interroger le mode de production des richesses, le sens et le contenu de la croissance.

Le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources naturelles, le recul de la biodiversité longtemps niés ou minorés, sont aujourd’hui flagrants, dépassant même les prévisions les plus pessimistes. Si la prise en compte de ces questions a progressé, la déconnexion entre les enjeux sociaux et les enjeux environnementaux permet à de nombreuses multinationales de surfer sur une communication «verte» pour masquer leurs pratiques polluantes pour l’environnement et toxiques pour les travailleurs et travailleuses : c’est le capitalisme vert.

Le changement climatique est intrinsèquement lié aux effets du mode de production : LES 1% LES PLUS RICHES DU MONDE ONT UNE EMPREINTE CARBONE MOYENNE 175 FOIS SUPÉRIEURE À CELLE DES 10 % LES PLUS PAUVRES (2).

Pire, ce sont les plus pauvres qui paient l’addition du changement climatique, et les plus riches qui en récupèrent les dividendes, liés au juteux marché des énergies fossiles, à la surexploitation des ressources naturelles ou encore aux nouveaux marchés induits (risques naturels, climatisation…). La financiarisation de l’économie, en soumettant toujours plus les orientations des entreprises aux exigences de rentabilité à court terme du capital, s’attaque dans un même mouvement au social et à l’environnement, à l’intérêt des salarié·e·s comme à ceux de l’ensemble de l’humanité.

Parce que le changement climatique représente de graves menaces, il doit aussi nous servir de levier pour démontrer les impasses du capitalisme et imposer un autre modèle de développement. En nous appuyant sur notre conception du développement humain durable, il nous faut donner du contenu au slogan «Changer le système, pas le climat », lancé par la coalition mondiale constituée à l’occasion de la COP21, et faire vivre son exigence de justice climatique.

En nous appuyant sur les aspirations de nos catégories, il nous faut agir sur:

– De nouveaux droits pour les salarié·e·s sur les questions environnementales

Des moteurs truqués, aux conditions de travail scandaleuses dans les abattoirs, en passant par l’utilisation de matières toxiques, voire interdites dans des produits de consommation, l’éthique professionnelle des salarié·e·s est souvent mise à mal. Les problématiques environnementales souffrent aujourd’hui d’être l’ « acteur manquant ». Pour garantir leur prise en compte, à l’opposé des ordonnances Macron, les IRP doivent être consolidées et voir leurs prérogatives et moyens d’actions élargis pour pouvoir intervenir pleinement sur les questions environnementales.

Pour pouvoir intégrer ces enjeux au quotidien dans leur travail, la formation initiale et continue des ICTAM, notamment celle des ingénieur·e·s, doit intégrer pleinement les questions environnementales. Avec le droit d’alerte et de propositions alternatives que nous revendiquons, la responsabilité professionnelle doit se traduire par une responsabilité sociale et environnementale.

Dans cet esprit, les ingénieur·e·s doivent disposer d’un droit d’alerte technologique. La loi « devoir de vigilance » qui responsabilise les donneurs d’ordres sur les normes sociales et environnementales des sous-traitants est un levier à utiliser.

– La relocalisation de la production

Les délocalisations transfèrent la pollution vers les pays émergents et permettent avec une production « low cost » de s’exonérer des normes environnementales. Le transport lié au commerce international génère 33% des émissions de gaz à effet de serre (3) et est en forte croissance : + 75 % en 2013 par rapport à 1990, et potentiellement +290 % à l’horizon 2050 (4). Pourtant, elles sont absentes de l’accord de Paris et ne sont pas comptabilisées dans les émissions de gaz à effet de serre des États. La volonté d’amplifier davantage le commerce mondial avec les traités de libre échange est en contradiction avec les préoccupations climatiques affichées.

Le développement de circuits courts est une priorité environnementale et sociale, qui nécessite notamment de faire payer le juste coût du transport de marchandise en intégrant l’ensemble des coûts qui lui sont imputables (notamment d’infrastructure et de pollution). Il s’agit d’exiger le transport de marchandises le moins polluant : ferroutage, véhicules électriques pour les derniers kilomètres… et mise en place de droits de douanes dissuasifs en fonction des normes environnementales et sociales du pays de production pour empêcher les pratiques de dumping.

– L’économie circulaire pour révolutionner les modes de production et de consommation

Le modèle des pays capitalistes consistant à épuiser les ressources d’un côté et accumuler les déchets de l’autre est suicidaire. La consommation de l’humanité dépasse chaque année de 70 % les ressources naturelles disponibles, tirée par les pays développés (la consommation des Français représente 300 % des ressources disponibles, celle des Nord-américains de 500 %…) (5).

L’enjeu est de passer d’une économie linéaire à une économie circulaire, en modifiant :

La production, avec une écoconception des produits (visant à valoriser leur durabilité, limiter les déchets qu’ils produisent et leur consommation d’énergie), l’économie de la fonctionnalité (privilégier l’usage ou le service sur la possession) et un approvisionnement durable.

La consommation, en développant les pratiques de réparation et en allongeant la durée d’usage.

Le recyclage des déchets

L’économie circulaire est un moyen de dépasser le productivisme et le consumérisme, de passer de la vente d’objets neufs à la fourniture de prestations de qualité. L’enjeu est de sortir de l’obsolescence programmée des objets. L’objectif est de rendre le système productif compatible avec la biosphère tout en satisfaisant les besoins d’une population de plus en plus nombreuse. L’économie circulaire intègre toutes les activités productives, y compris les activités agricoles (agroécologie…). L’économie circulaire, en centrant sur l’usage plus que sur la propriété permet de dépasser la division industrie/service. Le numérique et l’économie des données sont un levier pour passer de la vente d’un produit à la vente d’un service.

Là où le capital fractionne ces activités pour permettre la captation de la valeur par les géants du numérique, nous défendons une vision intégrée pour garantir une juste distribution de la valeur créée.

Nos interventions sur les orientations stratégiques, comme dans les projets industriels que nous portons, doivent s’intégrer dans cet objectif d’économie circulaire. Pour empêcher les effets de communication, l’économie circulaire doit faire l’objet d’une définition claire et de politiques incitatives des pouvoirs publics, notamment en termes de financement des projets industriels et d’accès aux marchés publics.

Diversifier le mix énergétique

Pour cela, il s’agit notamment de :

  • maîtriser la consommation d’énergie, notamment fossile, en modifiant les modes de production et d’organisation, l’habitat (grand plan d’isolation thermique, limitation de l’étalement urbain…) et les transports (développement du ferroviaire, du fluvial…). Ce scénario doit être articulé à la nécessité de faire décroître les inégalités sociales et de réindustrialiser le pays.
  • Augmenter considérablement les énergies renouvelables dans le mix énergétique. Il s’agit d’organiser ces secteurs en filières industrielles capables de créer des emplois qualifiés sur le territoire et non en niches spéculatives.
  • Travailler à la constitution d’un pôle public de l’énergie intégrant l’ensemble de la filière.
  • Renforcer considérablement les moyens dévolus à la recherche sur les énergies non productrices de gaz à effet de serre.

Développer les services publics et les infrastructures

Le marché et les logiques de concurrence ont déjà fait la preuve de leur incapacité à répondre aux enjeux environnementaux et sociaux. Pour y répondre, une impulsion stratégique de long terme par la puissance publique est indispensable, adossée à un plan d’investissement public. Il s’agit notamment de développer les infrastructures publiques :

  • -au service d’un maillage de proximité du territoire, avec notamment une offre de transports publics à haute qualité environnementale (exemple : le ferroviaire) ;
  • à l’opposé des partenariats publics-privés, qui placent l’État et les collectivités sous la dépendance des multinationales, il nous faut regagner la gestion publique de nombreux secteurs, et notamment la re-municipalisation de l’eau et de la gestion des déchets.

Pour un nouveau modèle de croissance fondé sur le développement humain et écologique

C’est la notion même de Produit intérieur brut (PIB), de richesse et donc de croissance qu’il faut redéfinir. Quel est le sens du PIB aujourd’hui, en partie artificiel du fait de l’intégration de bulles spéculatives indépendamment des richesses réellement créées ? Quel est le sens d’une mesure qui n’intègre pas les richesses immatérielles liées par exemple au bien- être, à l’accès au savoir, à la culture, à la santé…? Quel est le sens de politiques publiques qui placent comme mantra «le retour de la croissance» alors que nous savons désormais qu’elle ne se traduit naturellement ni par des créations d’emplois de qualité, ni par la réduction des inégalités, ni par la satisfaction des besoins…

De nombreuses critiques économiques et sociales ont été formulées sur les insuffisances du PIB, et de nombreux indices alternatifs ont été élaborés, comme l’Indice de développement humain (IDH) construit par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Notre engagement dans le mouvement syndical international doit nous per- mettre de renforcer ces travaux de manière à dis- poser d’indicateurs complémentaires. Le fait de redéfinir ce qu’est la richesse et ce qu’est la croissance est un levier pour donner du sens à notre travail et permettre aux ICTAM d’inscrire leur activité quotidienne dans une dynamique de progrès pour satisfaire les besoins.


  1. Par exemple, si une large majorité de Françaises et de Français (73 %) souhaitent que les engagements de la COP 21 soient tenus, cette proportion est écrasante chez les cadres (81%) et professions intermédiaires (76 %).  Sondage IFOP, octobre 2016.
  2.  Oxfam, 2015
  3. Voir Cristea A., D. Hummels, L. Puzzelo et M. Avetisyan (2013) Journal of Environmental Economics and Management, n° 65, pp. 153-173.
  4. OCDE
  5. Source : Global Footprint Network, 2017

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2 réflexions sur “Environnement et la gestion des déchets industriels.

  1. fanfan la rêveuse 18/03/2019 / 6h42

    Bonjour Michel,
    Effectivement, il nous faut revoir intégralement notre système de fonctionnement en pensant écologie et non économie. Il y a un énorme travail, qui doit commencer par le haut, nos dirigeants puis ruisseler sur les industriels, armateurs etc… Je pense vraiment que sans ces personnes nous ne pourrons évoluer positivement, car nous pouvons bien faire des efforts chaque jour, nous citoyens français, nous ne sommes pas les plus pollueurs sur cette planète.
    Forte de cette analyse Michel, permettez moi d’être quelque peu négative qu’en à l’issue finale de la transition écologique…

    https://youtu.be/Bypt4H8K5dI

    Nous devrions avoir honte qu’une jeune demoiselle de 16 ans donne une telle leçon aux adultes mais aussi de voir nos enfants manifester le vendredi au lieu d’être en classe…

    Bonne journée à vous !

  2. jjbey 20/03/2019 / 9h32

    La valeur n’attend pas le nombre des années……………

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