Si l’on voulait une confirmation que le gouvernement n’entend pas changer de cap sur le plan économique, Édouard Philippe s’en est chargé ce mardi 5 mars à l’occasion des dix ans de l’Autorité de la concurrence.
Dans son discours, le chef du gouvernement a, par petites touches, défini les contours de sa vision économique. Débutant et achevant son intervention par des citations du père du néolibéralisme, Friedrich von Hayek, Édouard Philippe a précisé que le texte fondateur de ce dernier, La Route de la servitude, avait « façonné et transformé sa façon de voir le monde ».
La concurrence, c’est la liberté…
Dans la première citation, Hayek défend l’idée d’une « armature juridique » permettant le fonctionnement « efficace » de la concurrence. C’est là tout l’esprit de la pensée néolibérale. Contrairement à ce que l’on croit, il ne s’agit pas de se débarrasser de l’État, mais plutôt d’utiliser l’État pour assurer la suprématie du marché sur la société.
Ceci fait parfaitement écho à la deuxième citation de Hayek, qui clôt le discours du premier ministre et qui rappelle que l’on doit prendre soin de ses libertés économiques parce qu’elles sont le socle de toutes les autres.
Pour Hayek, sans États, pas de marché fonctionnel et sans marché fonctionnel, pas de liberté.
Voici bien la « vision du monde » de celui qui dirige aujourd’hui le gouvernement. Ce n’est pas tant à une « concurrence pure et parfaite » que vise le gouvernement qu’à un « ordre public économique ».
Cet ordre public économique est précisément ce à quoi prétendait non seulement Hayek, mais aussi les ordolibéraux allemands. C’est la définition du néolibéralisme : faire de l’État le garant de la marchandisation de la société.
Pour Édouard Philippe, cette marchandisation est l’assurance non seulement de « la liberté », mais aussi de la prospérité. C’est aussi ainsi qu’il faut comprendre la reprise par Édouard Philippe de la phrase de Raymond Barre selon laquelle « la concurrence n’est pas un dogme ». Elle n’est pas un « dogme », parce qu’elle est non pas une fin en soi, mais un moyen. Elle est cependant bien, pour Hayek comme pour Philippe, le « meilleur » des moyens d’assurer la prospérité.
Ainsi le premier ministre développe-t-il : « La concurrence est un outil, le meilleur qu’on ait trouvé, pour favoriser l’innovation, pour améliorer la qualité, pour faire baisser les prix. » Et s’il en est ainsi, on aura compris que les maux de la société française tiennent principalement à l’absence de concurrence.
Avec elle, l’économie innovera davantage, montera en gamme et on pourra dégager du pouvoir d’achat.
Pas de dogme, donc, mais quand même une belle assurance.
Logiquement, Édouard Philippe a donc considéré qu’il fallait agir pour régler le pouvoir d’achat des Français en renforçant encore la concurrence. Il entend lutter contre les « dépenses contraintes » qui apparaissent comme le résultat de rentes et, ainsi, s’apparentent à « des impôts ». Là encore, c’est une doctrine courante de la pensée néolibérale.
[…]. La suite de l’article est constituée par un long développement opposant la vision d’Édouard Philippe dans un néolibéralisme débridé et la réalité sur le terrain. C’est pourquoi nous vous invitons à lire l’intégralité de ce texte dans les pages de Médiaspart. MC
Romaric Godin, Médiapart titre original : « Gilets jaunes, pouvoir d’achat? Pour toute réponse, Edouard Philippe encense la concurrence ». Source (extrait)