Mais bon sang, qui a pu croire aux miracles !

Si l’entrée en vigueur de la loi Alimentation, le 1er février, n’a pour l’instant pas provoqué l’explosion des prix annoncée, les paysans ne devraient pas pour autant récolter beaucoup de blé…

A en croire une minutieuse étude publiée le 21 février, le noble objectif de la loi (obliger les enseignes à augmenter leurs marges pour mieux rémunérer les agriculteurs) est bloqué en rase campagne.

L’Institut de recherche et d’innovation (IRI), qui a étudié des dizaines de millions de tickets de supermarché, relève que l’instauration d’une marge minimale de 10% sur quelque 4.000 « produits d’appel » vendus par les grandes surfaces n’a eu aucun effet sur les prix. Contrairement aux prévisions alarmistes — Michel-Edouard Leclerc annonçait « une perte de pouvoir d’achat de 1 milliard pour les consommateurs » le coût du « Caddie moyen » entre le 15 janvier et le 15 février est resté stable.

Marge ou crève

Pourtant, le prix facturé par les industriels des produits d’appel (ces marques nationales (Coca-Cola, Ricard, Nescafé, Nutella, etc.) longtemps vendues à prix quasi coûtant pour attirer la clientèle) a bel et bien augmenté : entre 1 et 10%. Le surcroît de chiffre d’affaires sert, théoriquement, à mieux rémunérer leurs fournisseurs agricoles. Sauf que, explique une porte-parole de l’IRI, « les étiquettes n’ont globalement pas augmenté, car la hausse sur les produits visés par la loi a été compensée par la baisse des prix d’autres produits, notamment ceux mis en vente sous les marques de distributeurs, proposés par les grandes surfaces ».

« En pleine crise des gilets jaunes et du pouvoir d’achat, il ne s’agit pas de faire fuir les clients, confirme Michel-Edouard Leclerc. Il faut compenser les hausses par des baisses, pour que les prix ne montent pas. »

Surfaces et attrapes

Une mesure qui, paradoxalement, peut bénéficier aux grandes surfaces. Exemple: obligée par la loi d’augmenter de 10% le prix des Petit LU, une enseigne pourra baisser d’autant le prix de ses propres petits-beurre. « Les marques de distributeurs ne sont pas soumises aux marges minimales », précise Richard Girardot, président de l’Association nationale des industries alimentaires.

Ce n’est pas chez Carrefour qu’on le contredira : « Nous accordons à nos clients une prime allant jusqu’à 1,50 euro sur chaque produit concerné par la hausse de marge, explique une responsable de la chaîne. A quoi s’ajoute une réduction de 10% concernant les futurs achats de ces produits. » Des avantages qui ne seront accordés que lors de la prochaine visite, histoire de fidéliser la clientèle…

« Le distributeur fait ce qu’il veut de son surcroît de marge », confirme Patrick Bénézit, un proche collaborateur de Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA. Et d’ajouter : « Nous avons toujours pensé qu’une partie de la hausse des marges profiterait aux consommateurs. La grande question est de savoir s’ils vont nous en rendre aussi une partie. » Il y a bien eu quelques accords sur le lait, « mais ils restent encore au-dessous du prix de production ».

Lors des grandes négociations annuelles entre industriels et grandes surfaces (qui se terminent le 28 février), « les distributeurs ont demandé aux industriels de l’agroalimentaire de baisser leurs prix en moyenne de 3% par rapport à 2018. Et la moitié d’entre eux ont déjà signé », indique Richard Girardot. Voilà qui ne va pas forcément favoriser les producteurs agricoles !

Et si (affreuse hypothèse) les distributeurs ne faisaient pas « ruisseler » sur les paysans leur surcroît de marges commerciales ? Didier Guillaume, le ministre de l’Agriculture, prévient : « La DGC-CRF va faire 6.000 contrôles. En cas d’anomalie, d’exagération, il y aura des sanctions pécuniaires. »

Invité par « Le Canard » à fournir des précisions, son conseiller en communication a fait savoir que, « trop occupé au Salon de l’agriculture, il n’a[vait] pas le temps de répondre ».Il a déjà commencé les contrôles dans les stands ?


Hervé Martin – Le Canard enchaîné, 27/02/2019


3 réflexions sur “Mais bon sang, qui a pu croire aux miracles !

  1. fanfan la rêveuse 01/03/2019 / 7h28

    Venir en aide à nos agriculteurs est normal.
    Soit dit en passant, je n’ai jamais demandé à une grande surface ni aux industriels de les presser comme des citrons, chacun travail mérite salaire. Remettons les choses en place, ces groupes se font une guerre des prix entre eux, nous sommes au milieu de tout cela.

    Je pense que ce processus ne fonctionnera pas car il a été mis en place à l’envers. La rémunération devait être pratiqué par les industriels, départ du circuit. Ici il y a trop d’intervenants avant d’arriver aux agriculteurs et rien ne les oblige dans ce texte de loi. Que croyez vous qu’il arrive Michel, l’Homme profitant toujours de la situation au nom du roi « argent », et bien pour l’instant nos agriculteurs ne voient rien arriver…

    Pour info, j’ai appris lundi matin sur RMC, que les plate-formes d’achats des grands groupes semblent s’allier afin d’acheter encore moins cher…à l’étranger…Pauvres agriculteurs si cela s’avère effectivement la vérité…

    A nous de boycotter alors ces grands groupes et de revenir à des circuits courts, voila certainement la solution.
    Bonne journée Michel !

  2. jjbey 01/03/2019 / 23h29

    L’augmentation de l’eau minérale va provoquer un grand séisme dans mon budget car j’en utilise beaucoup pour mon pastis qui, lui aussi ,augmente. …………

    On amuse le gogo et encore une fois les petits producteurs seront les dindons de la farce et se feront bouffer par les gros.
    Vous avez dit Lactalis? Euh……

    • Libres jugements 02/03/2019 / 11h36

      Mais dis-moi JJbey … Ce n’est pas l’anisette et l’eau de l’oued dans la contrée ?

      Amitiés
      Michel

Les commentaires sont fermés.