Relater, dénoncer, et à la fin, agir SVP !

À force de restreindre les dotations des services publics de santé,  de refuser de recruter du personnel qualifié, ils atteignent le seuil d’incompatibilité organisationnelle et une gestion à risque des patients se rendant aux urgences.

Peut-être qu’à force de relater les erreurs dues en grande partie au manque d’effectif et par conséquent lié à la diminution du financement, peut-être de la prise en compte des multiples récriminations, feront reculer la gestion calamiteuse exercée par la ministre de la santé et du gouvernement. MC

Tout devait s’arranger, aux urgences de Lariboisière ! Après le décès, en décembre, d’une patiente oubliée dans un coin, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a pondu, le 14 janvier, un plan qui, déjà, fait merveille.

Le 29 janvier, une malade de 95 ans victime d’un AVC a eu droit à un traitement de choc.Vers 17 heures, ce jour-là, Jeanine arrive à l’hosto. Elle vient de passer une IRM dans une clinique des Lilas (Seine-Saint-Denis), qui a révélé un AVC et l’a envoyée aux urgences en ambulance. A son arrivée, la vieille dame est déshabillée, vêtue d’une chemise en papier et installée sur un brancard, pour passer des examens.

Jeanine vit dans une cité du XVIII’ arrondissement de Paris, aidée par ses voisins, Rachida et Daniel. A 19 heures, Rachida vient aux nouvelles. Elle trouve Jeanine grelottante sur son brancard, avec sa chemise de papier, sa culotte, ses mi-bas… et un unique drap pour la couvrir. Un soir de neige et à 95 ans, ça fouette les sangs !

« Vous n’avez pas de couverture ? » demande la voisine aux infirmières. Aucune. Juste deux draps supplémentaires, dont un lui sera repris plus tard.

A 21 heures, les infirmières recommandent à la voisine de rentrer chez elle : « Ça va durer longtemps. » A 3 heures du matin, coup de fil de l’hosto au couple de voisins : « On a fini les examens. Si vous pouvez la récupérer, on la renvoie chez elle. Sinon, elle restera sur son brancard car il n’y a pas de place… »

Le couple se pince mais accepte. « Quand l’ambulance est arrivée, on était chez les fous s’étrangle Daniel. Jeanine n’avait que sa chemise en papier sur elle. Pas de chaussures, pas de manteau, rien ! Les ambulanciers ne savaient même pas où étaient ses vêtements. » Dans la nuit et la neige, la mamie nonagénaire est à demi-nue.

Trois jours après cette promenade de santé, le 2 février, Jeanine fait un nouveau malaise. Direction les urgences, mais, cette fois, à l’hôpital privé Saint-Joseph. Résultat : hospitalisation illico en soins intensifs…

Interrogée par « Le Canard Enchaîné », l’AP-HP ouvre le parapluie : l’AVC remontant à plusieurs jours, « les différents médecins (…) ont conclu à une stabilisation de son état ». Jeanine pétait la forme, c’est sûr !

Et son renvoi comme un paquet, en pleine nuit, n’a évidemment rien à voir avec le manque de lits… L’administration admet tout de même que ses vêtements ont « bien été oubliés » et que « la patiente n’a pu bénéficier d’une couverture », faute de stock.

Hôpital, on est (vraiment) mal

Selon un compteur mis en place par le syndicat Samu de France, entre le 1″ juillet et le 4 février, 16.487 patients ont passé une nuit entière sur un brancard !

Au détour d’un communiqué pondu le 14 janvier pour annoncer son plan à Lariboisière, la direction de l’AP-HP le reconnaissait : «Dans la plupart des SAU (services d’accueil d’urgence), il existe des difficultés pour prendre en charge les patients dans des délais qui n’augmentent pas la morbi-mortalité. »

Traduction de ce sabir : faute de place aux urgences, les gens décèdent davantage. Mortel !

Depuis des mois, on ne compte plus les débrayages ni les cris d’alarme des médecins hospitaliers. Aux urgences de Saint-Malo, en grève à leur tour depuis le 14 janvier, les membres du personnel travaillent avec des pancartes au cou, où figurent les témoignages de patients abandonnés sur leurs brancards… ou décédés : « Madeleine, 99 ans : « Je veux mourir, je n’ai pas dormi, je suis fatiguée » », « Je m’appelais Bob, j’avais 70 ans, depuis dix-huit heures sur un brancard, j’ai été oublié »…

Le gouvernement, lui, contemple la crise d’un œil atone : le budget 2019 impose encore 850 millions d’économies aux hostos. Si Jupiter anticipe la colère des blouses blanches aussi bien que celle des gilets jaunes …


Isabelle Barré – « le Canard enchaîné » 06/02/2019


3 réflexions sur “Relater, dénoncer, et à la fin, agir SVP !

  1. bernarddominik 10/02/2019 / 11h55

    Ma femme, infirmière en psychiatrie, le vit tous les jours : à Aubagne fermeture il y a 4 ans de l’unité parents bébés, déplacée a Marseille sud, en transport en commun 1h30 en voiture de 45 minutes à 1h30. En 2018 l’accueil soins adolescents est déplacé à l’hôpital Valvert, légèrement plus près que Marseille sud. Du coup le nombre de consultations a baissé car les malades répugnent à aller si loin. L’ARS diminue l’activité des hôpitaux d’Aubagne et la Ciotat et veut autoriser la création d’un hôpital privé (confessionnel) à 2 stations de métro de l’hôpital de La Timone et 3 de la Conception. Tout ça pour complaire au maire de Marseille le très catho Gaudin. La santé au service du capital et non plus des malades

    • Libres jugements 10/02/2019 / 14h50

      hélas Bernard, vous amenez de l’eau au moulin.
      Votre commentaire ne fait qu’affirmer ce que les habitants hors grandes métropoles dénoncent régulièrement.
      la les services de néo natalité, la le service des urgences, l’abandon de spécialistes dans les services publics des hôpitaux considérés comme second établissement de soins, voire troisième dans la liste, les fermetures de lits, fermetures de salles d’opération, non renouvellement du personnel, mauvais approvisionnement des matériaux nécessaires, non renouvellement du matériel hospitalier, etc. Tout cela est à dénoncer d’autant que dans certaines régions s’instaurent des déserts médicaux et ce jusque dans les banlieues de métropole.
      Par compte s’implante à peu près partout des officines de médecine parallèle, quelquefois des dispensaires ou maisons de santé par la volonté de quelques édiles sur leur commune; des pis-aller devant l’éloignement des centres de santé et CHU hospitalier.

      Bien évidemment la cause principale est d’avoir organisé au fil de nombreuses années la destruction du service de santé français instauré en 1945.

      Fraternellement
      Michel

  2. jjbey 10/02/2019 / 18h22

    Tout ce qui peut contribuer à faire des économies pour justifier de ne pas toucher aux excès du capitalisme est mis en œuvre alors ce sont les services publics qui trinquent et les usagers qui en partissent. C’est le capitalisme qui coûte cher au peuple pas les services publics. C’est le capitalisme qui est mortel dès lors que les économies se font sur la santé publique.

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