Santé – Protection sociale – Reste à charge zéro… mon œil …

ou comment la Ministre de la Santé découvre que les complémentaires santé ne sont pas des entreprises philanthropiques

 

Annoncé durant la campagne électorale d’Emmanuel Macron, le dispositif reste à charge zéro (RAC 0) est la mesure phare de la politique « sociale » du Président de la République en matière de santé. Ce dispositif entend permettre un remboursement intégral des lunettes, des prothèses dentaires et auditives, actuellement très mal remboursées par la Sécurité sociale.

La mesure peut sembler séduisante, car le renoncement aux soins atteint des sommets parmi la population dans le domaine optique et dentaire. Au terme d’un accord entre l’assurance maladie, les professionnels de santé et les complémentaires santé, le RAC 0 doit reposer sur un panier de soins a minima comportant des lunettes et prothèses d’entrée de gamme qui seront pris en charge conjointement par l’assurance maladie et les complémentaires santé sans que cela génère de surcoût pour la Sécurité sociale ni une augmentation des tarifs des mutuelles.

Le seul hic est que cette mesure qui doit entrer en vigueur à compter de 2021 s’éloigne de jour en jour de la « conquête sociale » tant vantée par la communication élyséenne. En effet, la plupart des mutuelles envisagent bel et bien de reporter le coût du RAC 0 sur le coût des contrats d’assurance complémentaire et certaines l’ont d’ores et déjà annoncé à leurs adhérents. Et la facture risque d’être très salée.

Offusquée de découvrir ce coup de Trafalgar en pleine période de contestation sociale contre la vie chère, la Ministre de la Santé Agnès Buzyn a dénoncé sur les ondes de France Culture, « le sabotage politique » de la part des complémentaires comme si elle découvrait que les complémentaires santé ne sont nullement des entreprises philanthropiques, mais des opérateurs économiques inscrits dans une logique de marché.

Point de sabotage politique Madame la Ministre, mais une nouvelle preuve que le recours aux lois du marché pour régler les questions politiques relevant de l’intérêt général, en l’occurrence ici la santé des Français, est par essence une absurdité et une impasse.

Au lieu de confier à la Sécurité sociale la prise en charge des lunettes et prothèses et de définir par la loi le tarif opposable des biens remboursables dans une véritable démarche de santé publique, vous avez décidé une nouvelle fois de confier aux mutuelles la mission de régulation du secteur de l’optique et du dentaire.

Première erreur, car la Sécurité sociale est le pilier républicain et égalitaire de notre système de santé et s’avère nettement plus économique que les complémentaires santé pour s’occuper de la santé de la population : rappelons que les coûts de gestion de la Sécurité sociale représentent à peine 4 % des sommes gérées contre 15 à 20 % pour les organismes complémentaires d’assurance maladie. Par ailleurs ces derniers sont soumis aux directives européennes qui régulent le marché des assurances en modulant leurs tarifs en fonction des caractéristiques individuelles des adhérents, contrairement à la Sécurité sociale qui traite tous les assurés à égalité selon l’adage : « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Mais manifestement, la Sécurité sociale n’a pas d’autre valeur à vos yeux que de socialiser les dépenses de santé considérées comme non rentables et de constituer un filet de sécurité a minima pour les plus pauvres. Bien loin de sa vocation originelle…

Ensuite, vous avez nourri l’illusion que la main invisible du marché associée à la méthode Coué gouvernementale allait, comme par enchantement, faire aboutir un accord avec à la clé une réduction drastique du coût des prothèses et lunettes qui sont actuellement facturées à des tarifs libres et, disons-le, exorbitants.

Seconde erreur. Au lieu de baisse des prix, les professionnels de santé (dentistes et prothésistes qui défendent également leur rente de situation) ont accepté de jouer le jeu du RAC 0 uniquement sur un panier de soins totalement rabougri. De telle sorte que se juxtaposeront en réalité 3 paniers de soin distincts : un à reste à charge zéro pour les assurés, un à tarif maîtrisé avec des plafonds tarifaires et, un à tarifs libres. Bref, vous avez créé un système à trois vitesses accessible diversement selon les capacités contributives des assurés.

Plus grave, en revoyant à la baisse les plafonds de remboursement des contrats responsables des complémentaires sur les montures et prothèses du second panier (celui qui n’est pas réservé aux seuls « sans dents »), la mesure obligera les assurés à débourser en moyenne 50 euros de leur poche pour conserver des biens de qualité équivalente à ceux pour lesquels ils sont actuellement couverts par un contrat complémentaire. 

À moins que les complémentaires n’augmentent leurs tarifs pour prendre en charge les 50 euros de différence… De cela il ne saurait être question, car ce serait un « sabotage politique » rétorquez-vous. Non, Madame la Ministre, ce n’est pas un sabotage, mais une simple leçon d’économie de marché.

Plus que jamais l’UFAL dénonce la politique sociale gouvernementale en matière sociale et en appelle à l’instauration d’une véritable stratégie de santé publique fondée sur le 100 % Sécurité sociale. Voilà une mesure juste, économique et efficace, loin du bricolage social actuel qui vise à accroître le pouvoir d’achat des plus pauvres en soutirant de l’argent aux moins pauvres et aux retraités.


Olivier Nobile, Ufal – Source


 

4 réflexions sur “Santé – Protection sociale – Reste à charge zéro… mon œil …

  1. fanfan la rêveuse 14/01/2019 / 6h46

    Bonjour Michel,

    Ggggrrrr, je vais finir par sérieusement m’énerver, pas contre vous Michel contre la stupidité !
    Comment peut-on croire qu’ainsi le problème va être réglé, on le contourne encore une fois…
    Il faut stoppé le problème à la base, je m’explique, une monture à la base ne coûte au grand maximum 20€ et du même ordre pour les verres. Alors où est le souci.

    Je vous invite à visionner Envoyé Spécial Lunettes, lentilles: la guerre des opticiens. https://youtu.be/vkd6pbAlGYY

    Il faut impérativement mettre des limites aux opticiens, ils font littéralement ce qu’ils veulent, appliquant des tarifs gonflés sur les montures et verres, cette pratique est honteuse ! Quelque part nous sommes complice mais comment pouvons nous arrêter le processus sans l’aide de la sécu, nos mutuelles et le gouvernement ?

    Au final c’est toujours nous le dindon de la farce, car le montant des mutuelles grimpent…
    Bonne journée Michel !
    🙂

    • Libres jugements 14/01/2019 / 11h23

      Bonjour Françoise

      Vous avez parfaitement raison et votre ire bien légitime.
      comment pouvons-nous corriger cette anomalie issue du système libéral ? Sommes-nous prêts à accepter un système collectiviste (Marxisme) avec ses magasins d’État, un choix limité de montures, etc. ou encore en moindre mal, accepterions-nous de nous procurer à bas coup, des montures et des verres produits par des coopératives ouvrières ?

      Tant qu’il y aura des acheteuses ou acheteurs sensibles au fait de porter des montures griffées (Chanel, Dior, Ray Ban, etc.) qui constitue à leurs yeux une distinction, une hiérarchie dans l’ordre social, les opticiens auraient tort de se gêner en appliquant des prix leur permettant à la fois de rentabiliser un magasin en payant chichement leurs employés mais aussi, la plupart faisant parti d’une chaîne, remplir les poches de leurs associés.

      Encore une fois Françoise c’est bien le système économique libéral que vous dénoncez et par la même les options politiques prises pour une gestion économique en faveur des nantis. qu’on le veuille ou non cela s’appelle de la politique politicienne et pour corriger ce système le seul pouvoir que nous ayons – en dehors d’une révolution (toujours hélas plus ou moins sanguinaires) dont je déplorais l’avènement à cause des nuisances qu’elle induit – dans un système démocratique, lors des votes de nos représentants.

      En toute cordialité
      Michel

      • fanfan la rêveuse 14/01/2019 / 14h23

        Avant d’en arriver aux magasins d’état ou de continuer dans ce sens que vous me nommez « libéral », je crois qu’il y a une autre méthode.
        Effectivement il nous appartient de mettre tout en oeuvre afin de changer ce système qui détruit tout, hommes et planète, refusons de vivre ainsi tout simplement, tous ensemble.
        Je crois très sincèrement qu’il faut se battre pour un système qui tourne autour des valeurs fondamentales afin que notre société se porte au mieux sans oublier le respect envers toutes les personnes non autour du roi argent…
        Je veux croire en ce grand débat, en l’intelligence et la force que chaque être humain possède, car si celui-ci échoue l’issue sera chaotique pour tous.
        Très bonne après-midi à vous Michel ! 🙂

  2. jjbey 14/01/2019 / 23h52

    Le 100% de remboursement de sécurité sociale est le seul moyen de placer les citoyens à égalité devant leurs besoins de santé.
    C’est la suppression des mutuelles et du marché occupé sur ce terrain par les assurances.
    On n’y est pas ……
    Pour l’instant le 100% s’appliquerait sur certains appareils.
    Lidl en vend à 36€, pas sur que la qualité soit au rendez-vous…..

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