BFM TV et l’info

Au cours des manifestations des “gilets jaunes”, les reporters de la chaîne d’info en continu ont été victimes d’agressions.

Sur un rond-point situé dans le Gard, Jérôme gratifie tout le monde d’un sourire bienveillant. Ce boucher affable, gilet jaune sur les épaules, est là depuis le début du mouvement. Il nous tend un gobelet fumant en éclatant de rire.

  • “Si vous aviez été BFM TV, le café je vous le jetais dessus.”
  • Nous, un peu surpris parce que cette violence ne sied pas au bonhomme : “Pourquoi ?”
  • Lui, encore plus étonné, puisque ça paraît évident : “Bah, c’est la chaîne de Macron, c’est des vendus.”
  • “En ce moment, ce n’est pas rare de voir un homme qui ressemble à ton père, sûrement sympa, te traiter d’enculé parce que tu bosses chez BFM TV, confirme tristement un journaliste de la chaîne du canal 15.
  • Ça fait bizarre.” Depuis le début de la mobilisation des “gilets jaunes”, alors qu’elle bat des records d’audience, BFM TV cristallise toutes les critiques et symbolise à elle seule la défiance des citoyens envers les médias.

Pourtant, seuls sur le terrain, les journalistes de BFM TV tentent de faire leur métier honnêtement. Sous couvert d’anonymat, “parce qu’en ce moment, c’est très tendu”, ils confient leur mal-être face à la défiance, voire la violence, qu’ils vivent au quotidien, mais aussi leur malaise par rapport au traitement du mouvement par leur chaîne.

Bonnettes de micro neutres et gardes du corps

“BFM collabo, BFMacron, BFMerdias, on l’entend tous les jours, soupire un journaliste reporter d’images (JRI). C’est pesant. A la rédaction, on ne parle que de ça. Tous les journalistes de terrain sont nerveusement fatigués.”

Depuis un mois, il arpente les ronds-points de France.  […]  Les réactions du public variant de l’insulte à l’intimidation musclée. Plusieurs JRI ont été frappés ou poursuivis. Dans des manifestations, on chercherait même BFM “pour leur casser la gueule”.

“Ça a commencé dès le début, quand on a donné les chiffres de la préfecture, les seuls disponibles. Chiffres du gouvernement, donc chaîne du gouvernement”, avance l’un d’entre eux. Le traitement en boucle et grossissant des événements, les succès d’audience et l’écho sélectif des réseaux sociaux ont fait le reste, renforçant une méfiance déjà bien ancrée.

En plus de s’équiper de bonnettes de micro neutres et d’être encadrés par des gardes du corps, les journalistes ont adapté leur façon de travailler. Ils vont à la rencontre des “gilets jaunes” sans caméra, pour discuter, et ne sortent leur matériel qu’après avoir obtenu l’accord de leurs interlocuteurs.  […] 

 […] “Les gens pensent qu’on tronque leur parole parce que dix minutes d’interview donnent lieu à un passage d’une minute. Ils n’ont aucune idée de comment se construit un reportage télé. Il y a un problème d’éducation aux médias. On doit expliquer.”

« On confond les avis d’éditorialistes et notre travail sur le terrain »

Pour nombre d’entre eux, l’une des raisons de la colère réside dans l’omniprésence des éditorialistes sur la chaîne, dont les propos desservent le travail des journalistes, voire sapent leurs efforts. “Ils font parfois preuve d’un mépris qui n’aide pas, déplorent-ils, fatigués. Ils sont estampillés BFM, les gens ne font pas la différence entre eux et nous.”

Régulièrement, on les tient pour responsables des petites phrases qui s’échangent en plateau, à mille lieues des ronds-points. “Du coup, on nous dit qu’on est déconnectés. Certains ‘gilets jaunes’ nous reprochent de ne pas leur donner la parole alors même qu’on est en face d’eux.” Autre critique essuyée, le traitement des manifestations des samedis.

Avec l’impression que BFM en fait trop sur les débordements. Cet aspect, la plupart des journalistes interrogés le comprennent, voire le partagent. Ils s’en sont plaints à la direction. “Les deux premiers samedis, on avait des équipes en régions, on n’a vu aucune de leurs images, on n’a montré que Paris qui brûlait. En interne, les reproches ont été unanimes. On a un peu rectifié le tir sur les autres manifs.”

Beaucoup assurent que la direction est à l’écoute des salariés. Mais également qu’elle a les yeux rivés sur les audiences. Or elles n’ont jamais été aussi bonnes. Pas de quoi motiver un changement.

 […] 


 

Pierre Bafoil –  Les Inrocks – Titre original : « Comment BFM TV est devenue la bête noire des “gilets jaunes” ». –Source (Extrait)


6 réflexions sur “BFM TV et l’info

  1. marie 10/01/2019 / 13h57

    Mon sentiment personnel est premièrement que les gilets jaunes incapables de se structurer « me sortent par les yeux » deuxièmement les chaînes d’infos en continue donne trop d’importance à ce mouvement qui a mon avis est tout sauf (a-politique) et surtout méfiance à l’égard des réseaux sociaux et des vidéos amateurs qui sont sorties de leur contexte, pour moi je dis que le grand débat finira en grand foutoir, il y a une démocratie des personnes ont été élues, bien ou mal mais c’est ainsi, il faut se donnez rendez-vous dans les urnes, de toute façon que l’on tourne ou qu’on vire, de l’argent il y a belle lurette qu’il n’y en plus, je pourrais écrire un roman de ce que je pense mais ce serait trop « barbant » c’était mon opinion et je l’assume, bon après-midi Amicalement MTH

    • Libres jugements 11/01/2019 / 10h36

      Bonjour Marie,
      J’approuve votre commentaire.
      De par son développement, il s’adresse directement à la Ve constitution et au système libéral. Je convient du bon droit de cette analyse, oui mais alors comment faire pour que change la constitution et le système actuel libérale privilégiant qu’une partie des concitoyens ?
      Car, oui les urnes peuvent changer la donne, mais encore faut-il s’accorder sur un choix de vote, sur sa rédaction, sa portée et que cesse les egos des partis politiques exigeant sur la place de la virgule et celle ou celui chargé-e de le faire …
      Pas si simple tout cela

      Cordialement
      Michel

  2. fanfan la rêveuse 10/01/2019 / 19h16

    Bonsoir Michel,
    Je vais essayer d’être le plus neutre possible afin de réagir au mieux à cette publication. C’est hélas une réalité, un air de violence s’installe sur la France. Je ne valide pas du tout cela pour autant je l’explique, le comprend.

    Il y a une telle désillusion ainsi qu’un non respect de par certains agissements de nos dirigeants dans ce malaise, qui perdure depuis beaucoup trop de temps, qu’il devient difficile de gérer les débordements. Ne nions pas non plus la présence de personnes qui n’attendent que cela.

    BFM tv n’est pas toujours juste et ne délivre pas forcément les bonnes informations. J’ai pu à plusieurs reprises constater cela, détournant les faits afin de jeter le discrédit sur les gilets jaunes. L’exaspération est à son sommet, la violence ne demande qu’à s’installer…

    Aussi questionnons nous, qui est responsable alors, les gilets jaunes ou la chaine de télé, ou bien notre gouvernement qui laisse pourrir la situation ? A chacun de faire son petit bonhomme de chemin afin d’analyser la situation.

    Une réalité, les gilets jaunes défendent les intérêts de la population et ose tenir tête à nos dirigeants qui n’appliquent pas une politique transparente et positive pour notre pays, ceci depuis beaucoup trop d’années. Lorsqu’on creuse le sujet sérieusement nous découvrons des situations, des décisions qui ne vont pas du tout dans le bon sens, cela en est écœurant et révoltant…

    Comment peut-on dire aux français sur bien des sujets qu’ils sont responsables ? !

    Ce qui est ennuyeux vis-à-vis des gilets jaunes c’est leur problème de structuration. Je pense que beaucoup aimeraient devenir le chef, voila bien le gros souci de ce rassemblement spontané.

    Bonne soirée Michel !
    🙂

    • Libres jugements 11/01/2019 / 11h19

      Bonjour Françoise et merci pour ce commentaire au combien descriptif de la situation.

      Oui le « merdouillage » constitutionnel, le tripatouillage électorale aidé par les médias aux mains de capitaines d’industries influençant les électeurs, l’édictions des lois que les instances judiciaires traduisent selon le gousset du prévenu, les ponctions récurrentes sur les déjà démunis de pouvoir d’achat, les 10% de la population au chômage, le nombre hallucinant de personne en contrat précaire ne pouvant prétendre a prendre location d’appartement ou achat différés, les délocalisations, les fuites fiscales, les retraités abandonnés condamnés a partir de plus en plus âgés a la retraite et pourtant face a cette liste grandissante et hélas non restrictives des méfaits d’un système libéral, font la situation actuelle et l’impasse de ce gouvernement.

      Nous partageons votre phrase : « Comment peut-on dire aux français sur bien des sujets qu’ils sont responsables ? ! » et permettez moi d’ajouter ou plutôt préciser que c’est par leur vote ou leur absence de vote (le plus souvent de 30 à 40% d’abstentions) qu’elles, ils sont responsables de ce pataquès actuel … et de se demander ce que fera de plus dans les propositions de votes, la constitution en ou de parti-s politique-s certains « Gilets Jaunes ».

      Nous le disons depuis quelques années, cette grogne était latente et devait éclater un jour. Si il faut condamner les dégradations de monuments, de lieux institutionnels, de commerces, avec vigueur et que des jugements sévères interviennent, posons nous aussi le rôle de certains appartenant aux services d’ordres et ceux qui les commandes en premier un « Castaner ».

      Bonne journée
      Cordialement
      Michel

      • fanfan la rêveuse 11/01/2019 / 15h27

        Votre vision de la responsabilité est une partie des raisons de ce grand bazar.

        Lorsque les candidats se présentent pour une élection, il nous incombe de creuser son programme, de méditer longuement. Ce que je fais sans tenir compte du partie politique, car il me semble que ce n’est pas de cela qu’il est question avant toute chose, mais de programme et de qualité de personne. Vous pouvez répondre de quelqu’un que vous ne connaissez pas ? Moi non !
        Je ne vous rejoins pas Michel, nous ne sommes pas responsables de la duperie de ces personnes. Voila des années que je le dis « Argent et pouvoir rendent idiot ! », et je suis polie…
        Les années passant, je peux comprendre qu’il y ai désintéressement pour ce sujet et puis une autre réalité Michel, suivre la vie politique n’est pas à la porté de tous.

        La plus grande responsabilité reste celle de nos politiques, qui une fois au pouvoir, perdent la mémoire et se vautrent dans le confort, et cerise sur le gâteau, année après année s’octroient de plus en plus de privilèges sur le dos de la population, et donc de la France, ne faisant pas leur travail (je vous en fait encore le partage cette semaine).
        Une petite phrase m’a marqué il y a quelques années, celle de Mr Ayrault quittant son poste de 1er Ministre, ce Mr à dit aux journalistes « je retourne dans la vraie vie ! ». cette petite phrase en dit très très long…

        Bonne après-midi à vous Michel !

  3. jjbey 10/01/2019 / 23h49

    Les gilets jaunes sont porteurs des revendications des salariés et retraités, de tous ceux qui vivent mal les cadeaux aux ultra riches et qui ne peuvent vivre dignement du fait de l’indigence de leurs revenus.

    La violence discrédite ce mouvement et est largement utilisée par le pouvoir en place.
    C’est dans ce cadre que BFM qui passe en boucle ces images de violence -et consacre moins de temps aux doléances des manifestants pacifiques- se fait des ennemis parmi eux.

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