Brésil : Une élection et plein de questions

Jair Bolsonaro, candidat de l’extrême droite, a été officiellement déclaré dimanche soir [28 Oct 2018] élu à la présidence du Brésil. En dépit d’un recul de dernière minute dans les intentions de vote, le candidat du Parti social-libéral s’impose au second tour face à Fernando Haddad, son adversaire du Parti des travailleurs (PT).

 […] …Dans ses premières déclarations, [le nouveau président] Jair Bolsonaro, 63 ans, a annoncé qu’il gouvernerait la quatrième démocratie la plus peuplée au monde en s’appuyant sur la Bible et la Constitution. Il a également déclaré que toutes ses promesses de campagne seraient tenues. Lui qui a été élu à sept reprises au Congrès et a adhéré à neuf partis différents au cours de sa carrière politique, a promis de réprimer la criminalité en accordant plus d’autonomie et de liberté aux forces de police, qui seraient autorisées à tirer sur les criminels. Il propose aussi d’assouplir les lois sur le contrôle des armes afin de permettre à ses compatriotes de se défendre par eux-mêmes.

Secteur par secteur, voici à qui profite l’élection de Bolsonaro au Brésil.

  1. Les secteurs agricole, minier et de l’infrastructure Les ruralistas, la branche la plus conservatrice de l’agrobusiness, sont derrière Bolsonaro. Son discours radical, notamment contre les droits des peuples indigènes « qui n’auront plus 1 cm de terre », fait mouche. […]

… au-delà de l’aspect légal, les grilheiros, les voleurs de terres publiques, et les madeireiros, les trafiquants de bois, « vont penser avoir le feu vert pour multiplier leurs actions mafieuses. La violence dans les campagnes va exploser ».

Bolsonaro qualifie le MST (Mouvement des sans-terres) de « terroriste » et appelle les propriétaires terriens à tirer sur ses militants.

Il veut aussi alléger la réglementation relative aux études d’impact environnemental.

  1. La Bourse et les intérêts privés Dès l’annonce du succès probable de Bolsonaro, la Bourse est à la hausse. Mais pour Carlos Pinkusfeld, économiste à l’UFRJ (université fédérale de Rio de Janeiro), « la Bourse ne s’intéresse pas aux intérêts du pays. Le “marché” est composé d’opérateurs financiers qui cherchent à réaliser de grands profits à court terme ». L’économiste souligne également que le PT (le Parti des travailleurs) sert d’épouvantail pour ces acteurs, malgré des profits records durant la période pétiste, « pour une question d’idéologie primitive ». […]

Sur l’éducation, sa mesure phare consiste à généraliser l’enseignement à distance. Elle lui a été soufflée par le probable ministre de l’éducation, à la tête d’une entreprise d’enseignement à distance.

Les actions de Taurus, le fabriquant d’armes, sont à la hausse, stimulées par la perspective d’une libéralisation de l’accès aux armes pour la population. […]

un système fiscal qui contribue déjà à renforcer les inégalités, le fossé entre riches et pauvres devrait se creuser. […] « …les réformes annoncées  […]  devraient entraîner une augmentation du marché informel, les entrepreneurs auront à disposition une main-d’œuvre meilleur marché, alors que les mouvements sociaux seront persécutés. Une sorte de paradis patronal. »

  1. Les évangéliques Mille trois-cents Églises existent au Brésil, détaille Christina Vital, professeur de sociologie à l’université fédérale Fluminense (UFF). « Difficile de parler d’un intérêt commun. Mais l’Assemblée de Dieu et l’Église universelle du royaume de Dieu (IURD) se distinguent. » La très puissante Église universelle du royaume de Dieu a tout misé sur Bolsonaro en le soutenant directement via son réseau d’églises et de médias. Elle espère un retour sur investissement, […]
  2. Les militaires […]  La question est de savoir comment s’établiront les relations institutionnelles entre son gouvernement et l’armée. Plusieurs généraux de réserve vont en tout cas intégrer son gouvernement et 72 militaires ont également été élus à des postes de députés fédéraux et d’États. Le retour des militaires au pouvoir est bien perçu par une partie de l’armée, mais d’autres sont plus réticents, craignant que l’image très positive de l’institution ne se dégrade si le gouvernement Bolsonaro est un échec. […]

La réforme des retraites annoncée par Bolsonaro devrait exclure les militaires. […]  Finalement, les militaires devraient goûter au pouvoir, mais l’obsession qu’a le nouveau président de chercher des solutions militaires à tous les problèmes entraînera fatalement une surcharge de tâches pour l’armée.

  1. La police […] « même si sa proposition de donner carte blanche aux policiers pour tuer ne va pas plus loin, il a déjà montré clairement qu’il ne prétend pas améliorer les mécanismes de contrôle de l’activité policière. » Or, la police brésilienne est déjà la plus violente du monde, tuant plus de 5.000 personnes par an. […]
  2. La milice […] Si Bolsonaro accorde des pouvoirs d’exception à la police, notamment carte blanche pour tuer, ses membres vont en profiter pour assassiner impunément et constituer une structure mafieuse encore plus puissante  […] La milice est impliquée dans le trafic de drogue et exécute quiconque contrarie ses intérêts, notamment Marielle Franco, probablement assassinée sur son ordre.
  3. Les États-Unis « Sans aucun doute, ce seront les principaux bénéficiaires de la politique extérieure de Bolsonaro », […] Les États-Unis pourront tirer parti d’un allié primordial et particulièrement fidèle en Amérique du Sud, […]

Jean-Mathieu Albertini, Médiapart – Titre original : « Brésil: à qui profite l’élection de Bolsonaro » – Source (Extrait très partiel)

2 réflexions sur “Brésil : Une élection et plein de questions

  1. jjbey 31/10/2018 / 08:44

    Les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent quitte à s’en mordre les doigts quand ceux-ci tiennent les ficelles.

  2. tatchou92 02/11/2018 / 10:16

    Annonce aujourd’hui, du transfert de l’Ambassade du Brésil à Jérusalem…

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