« J’al téléphoné hier au président du Sénat pour lui rappeler que la Constitution impose les principes de la séparation des pouvoirs et de la présomption d’innocence. » C’est par ces mots qu’Emmanuel Macron a ouvert, le 12 septembre, le Conseil des ministres. Une manière de valider l’offensive des siens contre la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla.
Le matin même, Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, avait fustigé l’ « ambition politique personnelle » de Philippe Bas, président de ladite commission et ancien collaborateur de Chirac.
Deux jours plus tard, Christophe Castaner, secrétaire d’État et délégué général d’En marche ! lui emboîtait le pas. « Si certains pensent qu’ils peuvent s’arroger un pouvoir de destitution du président de la République, s’emportait-il en conférence de presse, ils sont eux-mêmes des menaces pour la République ! »
« Destitution » ?
Le mot est mal choisi et laisse à penser que l’affaire est gravissime. Le lendemain, dans une tribune au « Monde », Nicole Belloubet en remet une couche et rappelle que « le principe de séparation des pouvoirs interdit au Parlement d’empiéter sur le domaine judiciaire » et qu’« une immixtion du pouvoir législatif dans une procédure judiciaire serait choquante »
Aussi « choquante » que l’ « immixtion » du gouvernement dans la procédure parlementaire…
La leçon de Larcher à Macron
« C’est une initiative qui m’a stupéfié », a réagi, en petit comité, le président du Sénat, Gérard Larcher, à propos du coup de fil que lui a passé Macron sur le cas Benalla.
« C’est contre-productif pour l’exécutif a-t-il ajouté, car les Français sont curieux de savoir ce qu’il s’est passé. Et, dans cette affaire, ils sont plus du côté du Sénat que de [celui de] Benalla ou de Macron. »
Conclusion du président du Sénat : « L’exécutif a perdu les pédales et se fait du mal tout seul. » Tout seul ?
Les amis de Larcher sont à la manœuvre depuis le début pour pousser l’exécutif à la faute. Une bonne nouvelle, cependant, pour ledit exécutif : selon le président du Sénat, la commission d’enquête clôturerait ses travaux le mois prochain, après trois ou quatre nouvelles auditions, et non pas au mois de février 2019, comme elle en a le droit. Ouf !
Lorsque P. BAS, Président de la commission d’enquête du Sénat sur l’affaire Benalla, se disait « très déterminé », le 18 septembre devant ses amis, à la veille de l’audition de Benalla. « Pourquoi Macron, le gouvernement et tout l’exécutif montent-ils autant au créneau ? » s’interrogeait-il, sans cacher sa jubilation. « Je vais faire du droit, ajoutait-il. Nous poserons des questions qui n’auront rien à voir avec l’instruction en cours mais qui seront ciselées et auront un grand retentissement »
Philippe Bas, qui n’en revient pas d’être « au coeur d’une procédure gui attire énormément de regards », a donné un exemple de ce qu’il appelle une question ciselée : « Pourquoi Benalla a-t-il fait disparaître le coffre de chez lui au nez et à la barbe des policiers chargés de l’enquête ? »
Selon des proches de Benalla, ce dernier avait l’intention de répliquer par une question également « ciselée » : « À quel titre Philippe Bas utilise-t-il pour ses déplacements une voiture à deux tons et gyrophare ? »
Avant d’accuser mieux vaut être inattaquable!
Article non signé – Lu dans « Le Canard Enchainé » 19/09/2018
Le parlement est dans son rôle lorsqu’il enquête sur les dysfonctionnements des services de l’Etat. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur le comportement brutal de Benalla ni de dédommager les victimes. Comment ce triste sir a-t-il pu se trouver là affublé des signes distinctifs d’un officier de police? De quel droit ? La commission d’enquête nous le dira….peut être.