La médecine malade du « Numerus clausus »

 […] Le Centre libre d’enseignement supérieur international (Clesi), à Béziers, donne accès aux études de santé (Paces) pour devenir médecin, dentiste, pharmacien, sage-femme et désormais masseur-kinésithérapeute – est une telle « machine à produire de l’échec », selon les mots de président du Syndicat des jeunes médecins généralistes, Théo Combes, qu’un nombre toujours plus important d’étudiants tâche de la contourner grâce aux accords de mobilité au sein de l’Union européenne. […]

[…] Pour échapper à cette broyeuse de vocations, un nombre croissant d’aspirants s’échappent de l’Hexagone. Direction des établissements moins sélectifs et surtout membres de l’Union européenne, jusqu’à la fin du second cycle (la sixième année), avant de revenir effectuer leur internat en France. Deux cent quatre-vingt-seize étudiants, dont on ne sait s’ils sont tous Français, sont ainsi venus en France passer l’internat de fin de sixième année, en hausse de plus de 30 % […].

Les filières permettant d’échapper à la sélection française sont de plus en plus connues, et le mouvement promet de s’amplifier dans les années à venir. À Cluj-Napoca, en Roumanie, où les cours sont en français, près de 500 étudiants de l’Hexagone sont inscrits en médecine, et autant dans d’autres filières de santé, et l’objectif d’un retour au pays pour l’internat.

La forteresse du numerus clausus se fissure de partout. De Lettonie et nouvellement de la Croatie arrivent de futurs médecins, d’Espagne viennent des dentistes. En maïeutique, « près de 20 % des sages-femmes nouvellement inscrites à l’ordre ont fait leurs études à l’étranger. […]

[…] Originellement, le numerus clausus était censé fixer le déploiement de praticiens selon les besoins des populations et limiter une trop vive concurrence. Néanmoins, sans restriction à la liberté d’installation, les déserts médicaux se sont développés. […]

[…] Les professionnels de la santé s’accordent pour estimer que le numerus clausus a changé de rôle. Aujourd’hui, « il sert à limiter le nombre d’étudiants car les capacités de formations sont saturées », résume froidement le docteur Théo Combes. « Faute de moyens, nous sommes obligés de conserver un filtre pour maintenir la qualité des formations », confirme Claude Leicher, président du syndicat de médecins MG France.

Chaque pays n’a pas les mêmes exigences en matière de formation

Pour pallier le manque de soignants sur les territoires ruraux ou périurbains les plus désertés par les professions médicales, « le recrutement de médecins étrangers ou formés à l’étranger peut être une solution transitoire », admet le docteur Combes, « même si le problème est aujourd’hui celui de la répartition entre les spécialités. Il faut revaloriser celle de médecin généraliste ».

Les soignants qui ont évité la sélection de la Paces sont-ils aussi bien formés que ceux qui ont suivi leur cursus en France ? Lors de l’épreuve classante nationale […], qui donne accès l’internat, « un étudiant formé à la faculté de Cluj-Napoca a terminé 180e sur environ 8 000, ce qui le classe parmi les meilleurs », pointe Patrick Bouet, président du Conseil national de l’ordre des médecins. […]

[…] Le ministère déclare au Monde.fr qu’il condamne « ces formations privées qui n’ont jamais reçu les agréments d’ouverture et qui font payer des étudiants pour suivre des formations qui ne donnent accès à aucun diplôme reconnu ». En attendant que les actes succèdent aux mots, les étudiants et leurs familles continuent de payer, et d’espérer. […]

[…] En attendant, cette possibilité de voir disparaître le numerus clausus est saluée par l’Unef, qui réclame une telle décision depuis des années. « Le concours de première année est une véritable boucherie, une compétition stressante pour les étudiants qui favorise ceux qui peuvent se payer des prépas privées », souligne Lilâ Le Bas, la présidente du syndicat. Même satisfaction pour l’Association des usager·e·s et du personnel de la santé, composée de diverses professions du secteur. Mais elle reste prudente néanmoins. « Certaines universités ne disposent pas aujourd’hui de moyens humains et financiers suffisants pour accueillir plus d’étudiants en médecine et leur trouver des stages, note son porte-parole. Quelle marge de manœuvre y aura-t-il si l’on reste dans le climat d’austérité actuel ? » […]


Eric Nunès  – Le Monde.fr  – Titre original : « Médecine : les stratégies des étudiants pour contourner le  » numerus clausus  » » – Source (Extrait)

2 réflexions sur “La médecine malade du « Numerus clausus »

  1. jjbey 12/09/2018 / 17h25

    Non seulement le numerus clausus est une erreur mais rien ne changera tant que la profession ne sera pas sectorisée. Toutes le professions médicales le sont, les dernières à s’y mettre sont les infirmières mais l’ordre des médecins s’y oppose farouchement. Dans ces conditions il n’y a rien d’étonnant à voir les populations aisées largement pourvue et celles qui le sont moins désertées. Les effets de ces modifications ne se feront sentir que dans une dizaine d’années. Encore faut-il les décider.

  2. tatchou92 12/09/2018 / 23h04

    déserts aussi dans nos banlieues…

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