Forêt obscure

Forêt pénétrable ou non reste qu’aucune clé ne vous sera donnée à vous d’analyser en toute conscience.

Ne lisant pas l’anglo-américain dans le texte, je ne saurais dire si le choix des mots francisés l’utilisation très précise de la langue française par la traductrice, est pour beaucoup dans la beauté du texte de ce roman. Certes l’auteur a conçu un de ces livres qui marque et reste en mémoire bien après sa lecture. Une narration complexe dans le cheminement des sentiments, des hypothèses d’analyses et de vie ; l’utilisation judicieuse des mots, la juxtaposition d’observations/évènements externes, des descriptions de l’action humaine et pour terminer, par ce qu’il laisse de doutes aux lectrices/lecteurs, des questions, sur sa vie personnelles son entourage communautaire et les liens avec le monde nous entourant.

C’est loin d’être un « roman de gare » …  ce que reprocherons certaines personnes !

MC


Extrait d’une interview de l’auteur paru dans les Inrocks réalisée par Nelly Kaprièlian –

[…] … nous vivons dans un monde de certitude absolue. Cette certitude nous apporte un certain confort et, en même temps, trahit notre vérité.

  • L’information factuelle, on en a fait une religion, mais à quel prix ?
  • Quel est le prix à payer pour tourner autant le dos à l’incertitude ?
  • Quand on contemple l’inconnu, qu’est-ce que cela nous apporte, comme merveille ou possibilité de transformation ?

[…]Le risque de l’incertitude, c’est d’entraîner le chaos et de menacer l’identité des protagonistes…

L’effondrement de l’identité ne m’intéresse pas autant que l’expansion du sens que nous avons de “qui” nous sommes. Très souvent, nous vivons selon des histoires qui ne sont pas forcément vraies et, pourtant, nous les croyons tellement qu’elles finissent par rendre nos vies plus étroites. Nous croyons tous à ces narrations de nous-mêmes, souvent dites par d’autres, nos parents par exemple, car elles nous aident à construire notre identité. Et pourtant, si nous étions plus conscients de cela, de la façon dont nous nous sommes construit un soi cohérent, est-ce que cela nous donnerait le pouvoir d’ouvrir nos vies à plus de possibilités, de nous libérer de cette prison de peurs dans laquelle nous sommes, sinon, piégés ? […]

[…] Utilisez-vous vos deux personnages comme miroir l’un de l’autre ou pour qu’ils se contredisent ?

Je les vois comme les deux parties d’une même pièce. Et, entre eux, c’est comme une conversation : ils font écho l’un à l’autre, non pas pour répéter quelque chose, mais pour en approfondir le sens. […]

[…] On peut interpréter votre livre comme une vaste métaphore : celle d’une renaissance, ou d’un cerveau en mutation… […]

[…] Pourquoi avoir appelé l’un des personnages Nicole et lui prêter autant de vos traits ?
Cela fait seize ans que j’écris des romans, et quand je suis seule dans mon bureau, je réalise que la vie a soudain d’énormes potentiels sur la page, que le soi est extrêmement flexible, que tout peut alors arriver – cette expansivité est presque une expérience spirituelle. Quand votre journée d’écriture se passe bien, c’est extrêmement libérateur. Lorsque je quitte mon bureau, je dois me replonger dans le quotidien, et aussitôt le soi redevient incroyablement rigide : vous êtes qui vous êtes, vous êtes ce que vous avez toujours été. […]

[…] On utilise nos souvenirs d’une façon créative pour dire cette histoire qui fait sens et nous constitue. Mais très souvent, les histoires restent fixes pendant trop longtemps, on n’en finit pas de se les répéter et elles finissent par nous emprisonner…  […]

[…] Nicole n’aime plus son mari. Vous-même avez divorcé d’avec l’écrivain Jonathan Safran Foer, divorce commenté dans les médias alors que vous avez toujours refusé de parler de votre vie privée en interview. Vous n’avez pas craint de trop vous exposer dans votre texte ?

J’écris de la fiction, c’est très important de le rappeler. Et je ne suis pas sûre de m’être exposée ici plus ou moins que dans mes précédents romans. Quand j’ai écrit La Grande Maison je me suis sentie écorchée, sans protection. Je peux faire cela, être dans l’intimité de mes émotions, à travers l’art, car c’est toujours transformé. […]

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Ce que disent les critiques en générale

Avec une grande maîtrise romanesque, Nicole Krauss explore les thématiques de l’accomplissement de soi, des métamorphoses intimes, et nous convie à un voyage où la réalité n’est jamais certaine, et où le fantastique est toujours à l’affût.

288 pages – 23,00 €

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Paule Guivarch.

2 réflexions sur “Forêt obscure

  1. Nanoucz 17/11/2018 / 11h45

    Roman que je viens de lire, relire et je ne sais toujours pas comment en parler !
    Après deux lectures, j’ai l’impression de n’avoir qu’effleuré le sujet, qu’il y a encore matière à creuser pour explorer toutes les pistes que pose Nicole Krauss sans toujours aller jusqu’au bout. Comme vous le dites, bien loin du « roman de gare » !

    • Libres jugements 17/11/2018 / 12h13

      Merci pour être passé sur ce blog et avoir exposé votre ressentiment après la lecture de ce livre.

      Cordialement
      Michel

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