En cette période estivale, de nombreux services virent au rouge. Si la canicule a pu aggraver la situation par endroits, les personnels hospitaliers estiment que le point de non-retour est déjà atteint depuis longtemps.
«Tout est parfaitement monitoré », lançait la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, début juillet. Faux ont rétorqué, excédés, médecins et personnels hospitaliers dans différents médias. […]
Depuis vingt ans, leur fréquentation est passée de 10 à 21 millions de personnes. Sans que les moyens suivent. Pour calmer le jeu, la ministre de la Santé a ressorti les statistiques, mettant en avant 78 ouvertures de services d’urgence en vingt ans. Dans les faits, une majorité d’entre elles ont été réalisées dans le secteur privé. . […]
1 – Abattage de consultations au Cap-d’Agde
Dans la célèbre station balnéaire, l’afflux de touristes se retrouve à l’hôpital du Cap-d’Agde (Hérault), passant de 30 000 habitants à parfois 300 000 au cœur de la belle saison, . […].
Le Dr Bertrand de Pontual, chef du service et délégué régional de l’Amuf (Association des médecins urgentistes de France), ne sait plus où donner de la tête : « Je vois de 40 à 45 patients par jour. Hier, j’ai commencé à 8 heures et j’ai fini à 21 heures, en prenant dix minutes pour manger. C’est de l’abattage ! »
Malgré la recrudescence estivale, il n’a bénéficié que d’un demi-poste d’infirmier en renfort. « On double les effectifs de police qu’on fait venir de Paris, on triple le nombre de pompiers, mais il y a zéro effectif en plus dans la santé », s’indigne le praticien. . […]
Dans l’Hérault, sur les 13 services d’urgence, 10 sont privés. . […]
2 – À Troyes, la valse sans fin des effectifs
L’hémorragie de praticiens vide le service des urgences de la préfecture de l’Aube. À la suite de la décision de fermer les consultations d’urgence pédiatrique, quatre médecins des urgences avaient démissionné en mai, entraînant une crise sans précédent. En guise de solution, la réserve sanitaire avait été déclenchée, avec l’arrivée temporaire de médecins à la retraite.
Trois mois plus tard, malgré quelques aménagements à la marge, la catastrophe continue : « Nous sommes nombreux, moi y compris, à partir travailler dans le privé à la rentrée après 20 ans dans le public, lance un des docteurs du service. Et il n’y a pas grand monde pour prendre la relève vu les conditions de travail. Cet été, on a un planning à trous, c’est de la gestion de la pénurie, les équipes sont à bout. On a eu de la chance que la canicule ne soit pas à la hauteur de celle de 2003. » . […]
3 – Bourges : bonnet d’âne pour le nombre de lits
Un été fébrile à l’hôpital de Bourges. Dans le « No bed challenge », lancé par le Samu, consistant en un classement des lits disponibles dans les urgences, la structure du Cher arrivait ces jours-ci en deuxième position des pires conditions d’accueil. En mars dernier, les agents s’étaient mobilisés face à l’engorgement du service. Ils exigeaient des renforts et des lits. À la place, ils ont dû se contenter d’une aide-soignante supplémentaire et de 15 lits de médecine générale (lits d’aval). . […]
Depuis deux ans, 70 lits ont été supprimés dans tout l’hôpital. À Bourges, les embouteillages sont désormais inévitables. . […] Des gens sont dans le couloir 24 heures sur 24. Imaginez-vous changé sur un brancard, devant 10 personnes. »
Découragés, 13 infirmières sur 50 ont déjà quitté le navire après la grève, remplacées pour certaines par des jeunes diplômés. […]
4 – Turnover permanent à Lariboisière
. […] … les besoins sont réels, en six mois, 313 missions de renfort ont été souscrites. Mais aucun médecin supplémentaire n’a été appelé cet été. Les fortes chaleurs se sont répercutées à la fois sur l’environnement de travail des soignants et l’attente des patients. « Un jeune médecin présent depuis novembre m’a raconté avoir travaillé 15 jours d’affilée. Il y a beaucoup de turnover, les jeunes diplômés restent deux-trois ans et s’en vont. Quand ils arrivent ici, ils savent que ça ne va pas être tranquille. Les arrêts maladie sont en hausse. La ministre de la Santé doit arrêter de dire que tout est sous contrôle. » . […]
5 – À Saint-Vallier, vide sanitaire en route
« Les urgences de l’hôpital seront fermées de jour comme de nuit. » Ce grand panneau blanc barre l’entrée du centre hospitalier de Saint-Vallier (Drôme). Pour la première fois, le service n’ouvrira pas ses portes en août. Déjà, en juillet, les horaires avaient été réduits avec un accueil uniquement de jour. . […]
Si le couloir rhodanien est très fréquenté en période estivale, avec l’autoroute A7 non loin, le service public semble, lui, aux abonnés absents. « Ils sont contraints d’aller à Romans, à 30 minutes de là, . […] ou à Valence qui est déjà saturé, il n’y a que cinq anesthésistes, les obligeant à déprogrammer les opérations les plus urgentes. Quand les patients viennent de la Drôme des collines, avec une route pas facile, cela peut leur prendre jusqu’à une heure. C’est de la non-assistance à personne en danger. » Pour les usagers de la commune semi-rurale, c’est la double peine. . […]
Cécile Rousseau – Source (Extrait)