Voilà l’avis d’un syndicaliste nouvellement élu à FO. Marchera-t-il comme ses nombreux confrères, a côté du gouvernement ou agira-t-il pour le bien des salariés, à travers cet article quelques éléments de réponses … MC
Pascal Pavageau, 49 ans, nouveau secrétaire général de Force ouvrière depuis deux mois défend la ligne d’action de son syndicat : être un trait d’union avec les autres centrales pour peser sur le gouvernement, à la fois dans la rue mais aussi autour de la table de négociation. Il reçoit ce lundi au siège de sa centrale la direction de la CGT.
- Vous espérez une rentrée offensive. Comment faire descendre plus de monde dans la rue ?
Les mobilisations en cours ont des points communs : le refus d’une mauvaise répartition de la richesse produite, de la modération salariale, de l’individualisation et de la casse des droits collectifs. Des sujets transversaux, comme les retraites, vont aussi prendre corps. Notre responsabilité, c’est de communiquer auprès des travailleurs. Mais nous ne sommes pas à leur place. A eux de faire leur choix.
- Philippe Poutou, du NPA, évoque un «climat terrible de résignation». Vous partagez ce constat ? […] Vous craignez une radicalisation des formes d’action ?
Absolument. Elle est alimentée par un gouvernement qui se fiche des organisations syndicales. Résultat, certains, y compris des syndiqués, ne veulent plus de formes traditionnelles et encadrées de mobilisation.
- Comment veulent-ils agir ?
C’est bien ça qui m’inquiète. Demain, ce ne sera pas une chemise arrachée…
- Que leur dites-vous ?
A FO, un groupe de travail réfléchit à de nouvelles formes d’action. Quand une organisation syndicale déclenche une mobilisation, elle le fait démocratiquement, pacifiquement et dans le respect des valeurs républicaines. Et non par plaisir de «mettre le bordel». Mais quand un gouvernement donne l’impression que les syndicats ne servent plus à rien, cela peut se traduire autrement. Dans les urnes, mais aussi dans une radicalité des formes d’action. Des fonctionnaires hospitaliers ont dû faire quinze jours de grève de la faim pour obtenir 30 postes parce qu’on avait refusé de les écouter ! C’est quoi, ce délire !
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Je suis secrétaire d’une organisation syndicale, rien que cela. Nous, ne demandons pas la démission du Président ou du gouvernement.
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- Quel bilan tirez-vous du conflit à la SNCF ?
Je regrette le passage en force. […] … j’ai beaucoup parlé avec mes camarades italiens. Le fait d’avoir été méprisés, dénigrés par les gouvernements classiques précédents a conduit aux résultats actuels sur le plan démocratique.
- Sur la réforme de la fonction publique, l’exécutif propose un an de concertation. Comment abordez-vous ce dossier ?
[…] Son objectif n’est pas de supprimer 120 000 postes – ils savent que c’est impossible -mais, comme à la SNCF, d’utiliser la dépense publique comme prétexte pour casser le cadre collectif de 5,4 millions de fonctionnaires.
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- Sur les minima sociaux, êtes-vous favorables à une réforme ?
Nous sommes, depuis des années, pour une loi contre les inégalités incluant la question de la répartition de la richesse produite et celle de l’efficacité des aides. Mais dans ce cas-là, examinons aussi les 150 milliards d’aides aux entreprises que l’Etat accorde chaque année sans contreparties ni compensations !
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- Sur le sujet des retraites, le gouvernement veut mettre en place un régime universel, par points. Qu’en dites-vous ? Une discussion a été ouverte, elle doit durer toute l’année 2018 et FO y participe…
Oui, mais on y discute, pour l’instant, de principes généraux. Il faut maintenant être concret. Prenez le sujet des pensions de réversion : que deviendraient-elles dans un système par points ? Est-ce que seulement 60 % du montant de ma retraite, comme aujourd’hui au régime général, partira à mon veuf ou ma veuve ? Ou est-ce que, comme aujourd’hui avec mes points Agirc-Arrco [la complémentaire des salariés du privé, ndlr], ce sont 100 % de mes points qui lui bénéficieront ? Si c’est ça, c’est chouette ! Mais, je ne sais pas pourquoi, je pense que le gouvernement ne fera pas ce choix-là.
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- Pour résumer, vous estimez avoir la bonne méthode pour […] continuer à peser sur le gouvernement…
Elle me semble être la meilleure pour FO et convient aux camarades. J’entends les critiques. Mais, je le redis : FO ne sombrera pas dans la radicalité. Je ne suis pas entré dans le syndicat pour arracher des chemises, brûler des palettes et attendre un appel à manifester pour user mes godasses dans la rue.
J’y suis pour être constructif, obtenir des droits nouveaux et du progrès social.
Aujourd’hui la radicalité, c’est celle du gouvernement. Nous, syndicats, tentons de construire un barrage démocratique pour empêcher la radicalité de l’emporter. Le gouvernement joue avec notre modèle social et nos valeurs républicaines.
Un jour ou l’autre, nous le paierons tous.
Lilian Alemagna et Amandine Cailhol – Libération – Titre original : « Pascal Pavageau : «Démocratiquement, le gouvernement joue avec le feu» » – Source (Extrait)