Parmi les éléments indispensables à la vie individuelle et collective des humains depuis les origines connues, il y en a un que l’on évoque rarement en tant que tel et qui est pourtant essentiel.
On parle beaucoup, à juste titre, d’environnement, de géopolitique, de ce qui concourt à maintenir l’être humain en vie […]. Mais l’élément que l’on omet régulièrement de mentionner, tant l’habitude nous pousse à croire qu’il appartient à une catégorie différente, c’est l’art.
Non l’art au sens que l’on donne habituellement à ce mot en l’affublant parfois d’un A majuscule […] car, pour la doxa occidentale moderne, celui-ci ne peut être vraiment approprié que par une minorité de la population. […]
Alors, de quoi parlons-nous ? […]
Le travail de l’art, parfois secrètement mais fondamentalement collectif, nous apprend à regarder différemment. […]
Les œuvres qui nous traversent, chacun en a fait l’expérience intime […], remplissent, lorsqu’elles le font, un rôle d’apprentissage.
Elles agissent réellement sur nous, en éveillant, en inscrivant en nous et en nous enseignant, une façon de percevoir où la sensibilité et l’intellect sont indissolublement liés, qui ne peut se réduire à la seule compréhension et qui s’adresse autant à une personne qu’à l’ensemble du groupe culturel auquel elle appartient. Un mode de perception qui tire sa force et sa faiblesse de ne pas être balisé par des catégories utilitaristes.
Pourquoi s’agit-il d’un apprentissage, et d’un apprentissage de la vie elle-même ?
Parce que ce regard neuf qui s’ouvre et se découvre peut ensuite être porté sur tout autre chose, sur chaque chose. […] C’est pourquoi nous parlons d’une fonction anthropologique majeure qui participe de la construction de l’être. Cette fonction, présente à l’état latent chez chacun, peut soit être développée, soit s’atrophier sous l’effet conjugué d’un manque de capacité d’attention […], d’un manque de temps […], de la raréfaction des espaces réels propices aux échanges, d’un usage immodéré de la communication informatique et d’une baisse de l’importance accordée dans cette civilisation à la pensée comme, de façon globale, aux éléments immatériels dépourvus de valeur monétaire, ou plus généralement, |…], quantitative.
[…]
Nicolas Roméas – Fondateur de la revue Cassandre/Horschamp. Source Le Blog Du Monde Diplomatique – (Extrait)