80 km/h, une brimade de plus

L’opposition à la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires, effective dimanche, émane surtout des habitants des campagnes vivent cela comme une brimade de plus.

[…] … en juger par le concert de protestations d’élus, de manifestations, de critiques soulevées depuis l’annonce faite en janvier par le premier ministre, Édouard Philippe, cela fait du monde ! […]

Approximations et demi-mensonges volontaires

Dans son principe, la mesure est inattaquable. « Plus grande est la vitesse, plus il est difficile d’éviter l’accident et plus les conséquences sont graves », […] Autre argument indiscutable : il faut 13 mètres en moins pour freiner à 80 km/h par rapport à 90 km/h, ce qui en soi, mécaniquement, sauvera des vies.

L’honnêteté oblige tout de même à noter que, selon les propres chiffres de la sécurité routière, si les quelque 400 000 km de routes concernés représentent « 20 % du réseau mais 55 % des tués », ces routes ne présentent aucune « surdangerosité » : ce sont juste les routes… où l’on roule le plus.

Mais ces approximations et demi-mensonges volontaires ne disent pas pourquoi cette mesure, incontestablement bénéfique, fait l’objet d’une telle protestation. Le directeur de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), Cédric Szabo, nous livre une première clé : « Il y a un problème de méthode, celui d’une décision unilatérale, prise d’en haut, en flagrante opposition avec l’accord de méthode passé entre le gouvernement et les collectivités locales. »

Surtout, il y a un problème de contexte.

On n’envisage pas la route de la même manière quand on est un pur Parisien qui peut se permettre de vivre confortablement sans avoir le permis de conduire ou un rural contraint de posséder une voiture et de l’utiliser pour pouvoir accomplir chaque acte de sa vie quotidienne – ou presque.

Pas besoin d’aller chercher plus loin les raisons de l’opposition massive à cette mesure qui s’est exprimée en provenance du monde rural et de ses relais. […] … la voiture, ce n’est pas juste un moyen de transport pour aller chercher le pain : c’est un outil de travail. Celui qui demain va perdre son permis pour avoir roulé à 85 km/h va perdre son travail. » […]

L’accès au travail n’est pas le seul enjeu. Depuis des années, une politique constante – et poursuivie par l’actuel gouvernement – vide le monde rural de ses services. Et pas seulement dans les villages : les villes, petites et moyennes, sont également concernées. Aujourd’hui, pour emmener ses enfants à l’école (souvent celle du village voisin) et les ramener, pour les emmener faire du sport aux quatre coins de l’intercommunalité, pour aller chez le médecin puis chez le pharmacien, pour aller à la poste, à Pôle emploi, au Trésor public, à la gendarmerie, pour acheter le journal, le pain, se rendre au bar-tabac, aller faire les courses… il faut faire des kilomètres. Toujours plus de kilomètres, à mesure que la fermeture l’un après l’autre des services publics, au nom de l’impérieuse nécessité de réduire les dépenses publiques, entraîne la perte d’activités et la baisse d’attractivité de ces « territoires », comme on les appelle.

Les habitants des zones rurales subissent ainsi des déplacements fortement contraints, de plus en plus longs et nombreux, de plus en plus coûteux avec la hausse des prix des carburants – pour des populations économiquement fragiles. L’allongement des temps de transport qui va découler de la nouvelle limitation, ajouté à l’impossibilité de dépasser les camions ou autres obstacles en toute sécurité sans enfreindre la loi, n’arrangera rien. Et tout cela sur des routes de plus en plus dangereuses, car de moins en moins entretenues

La mesure s’applique à partir de ce dimanche 1er juillet, à minuit, sur toutes les voies bidirectionnelles sans séparateur (murets, glissières…) central. Sur les 2×2 voies sans séparateur, la limite reste fixée à 90 km/h.

Sur les trois voies, la limite reste à 90 km/h dans le sens dédoublé, mais passe à 80 km/h dans le sens qui reste à une seule file.

Concrètement, la chose se traduira dans l’immédiat par… la disparition ou le masquage des actuels panneaux « 90 » : faute de moyens et de personnel pour le faire, les panneaux « 80 » arriveront… plus tard, progressivement.


Olivier Chartrain – Titre original : « 80 km/h : le monde rural refuse de tomber dans le panneau » – Source (Extrait)


 

2 réflexions sur “80 km/h, une brimade de plus

  1. tatchou92 30/06/2018 / 15h54

    Excellente analyse. Rappelons qu’il existe une route RCEA dite (Centre Europe Atlantique) accidentogène, à 2voies, empruntée essentiellement par les routiers, (je la connais particulièrement). Le départements Allier et Saône et Loire demandent en vain depuis des années sa mise à 2 fois 2 fois. Les locaux l’appellent « la route de la mort » et l’empruntent très peu.. Qui s’en soucie ?? elle présente bien sûr un intérêt pour les camions, puisqu’elle est gratuite.. Nos vies, celle de nos proches ne méritent-elles pas mieux ? Qu’attendent-ils pour agir ?

  2. fredonnezmoi 01/07/2018 / 16h53

    mais… 80 km/h sont d’accord si vous ne conduisez que en marche arrière 🙂

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