Coupables jeux comptables

Selon un rapport d’Oxfam, de 2009 à 2016, les sociétés du CAC 40 ont versé 67,4 % de leurs bénéfices sous forme de dividendes contre 5,3 % sous forme de primes aux salariés (intéressement et participation). Les faits ayant conduit à l’arrêt de la Cour de cassation du 24 mai 2018 sont une illustration de cette recherche du profit au détriment des salariés.

En l’espèce, le groupe Legris Industries, deux ans après avoir acheté par LBO les huit sociétés du groupe Ceric (devenu Keyria), a décidé de « vider les réserves et la trésorerie de ses filiales françaises en faisant remonter des bénéfices, pour obtenir “gratuitement”, par des opérations comptables, la propriété des titres de filiales étrangères, dans le cadre d’un dispositif qui a laissé les filiales démunies face à une crise cyclique inhérente à ce secteur d’activité, tout en préservant les sociétés étrangères ».

Cette « remontée des bénéfices » avait conduit à la cessation d’activité des huit filiales françaises et par enchaînement à un licenciement collectif au sein de la société SAS Keyria.

Des salariés licenciés ont saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître que le motif économique invoqué résultait d’une faute ou à tout le moins d’une légèreté blâmable de leur employeur dès lors qu’il avait accepté et participé à la remontée des dividendes.

La Cour de cassation relève que « (…) ces remontées importantes opérées par l’actionnaire, réduisant considérablement les fonds propres et les capacités d’autofinancement de ces sociétés filiales, ont provoqué leur difficulté financière et par voie de conséquence celle de la société Keyria, dont l’activité était exclusivement orientée vers les filiales ; qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel a pu considérer que les difficultés économiques invoquées à l’appui du licenciement résultaient d’agissements fautifs de l’employeur, l’employeur allant au-delà des seules erreurs de gestion, et en a exactement déduit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ».

La Cour de cassation sanctionne donc des décisions prises par la société mère dans son seul intérêt au détriment des filiales du groupe, considérant qu’il ne peut s’agir d’une erreur de gestion mais bien d’une décision prise en toute connaissance de cause.

Cour de cassation, chambre sociale, 24 mai 2018, n° 17-12.560.


Aline Chanu Avocate au barreau de Paris – Titre original : « Une remontée des bénéfices coupable » – Source


 

 

4 réflexions sur “Coupables jeux comptables

  1. bernarddominik 05/06/2018 / 17h24

    Classique, Bernard Tapie pratiquait la même méthode: racheter pour pas grand chose et vider les actifs. Un vieux procédé enfin condamné par la justice. Mais je pense que l’expert comptable qui a validé les comptes devrait être aussi poursuivi

    • Libre jugement 06/06/2018 / 10h08

      Est-ce que ce classicisme frauduleux doit être applaudit ?
      Venerer le Nanard n’a jamais été ma tasse de thé … d’ailleurs j’aime pas l’Thé

  2. fanfan la rêveuse 06/06/2018 / 7h07

    Bonjour Michel,
    Il est évident que fonctionner ainsi n’est pas possible. Je ne comprends pas les actionnaires qui tuent les entreprises en agissant de la sorte et donc leurs gagne pain…La bêtise humaine est à son paroxysme.
    Espérons que la justice se positionnera favorablement plus d’une fois pour le bien être de nos entreprises…
    Bonne journée Michel !

    • Libre jugement 06/06/2018 / 9h58

      La cupidité des actionnaires n’a pas de limite

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