Officiellement, Emmanuel Macron veut avancer à pas comptés vers la prochaine réforme des retraites qui sera arrêtée en 2019, et prendre le temps, une fois n’est pas coutume, de la concertation.
Prenant la parole pour la première fois, à l’occasion d’un entretien avec Le Parisien, depuis qu’il a été nommé au poste de haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye y insiste longuement : sa mission est précisément de prendre le temps de l’échange et d’organiser un vaste débat public, donnant la parole aux partenaires sociaux et même aux citoyens, avant toute décision.
Pour autant, à découvrir le propos de l’ancien président du Conseil économique et social, chargé par l’Élysée de déminer ce dossier explosif, on devine qu’il y a une bonne part d’hypocrisie dans cette présentation car la philosophie de la réforme est dès à présent arrêtée. Et elle fait craindre le pire, car c’est un véritable big-bang qui est en gestation – un big-bang qui mettra en cause le vieux système français par répartition, au profit d’un système par points, et même par capitalisation pour les plus riches.
Dès à présent, on peut donc en prendre les paris : les gagnants en seront les cadres ; et les perdants les ouvriers et les précaires.
L’idée, qui est centrale dans le projet, de faire migrer tous les régimes de retraite, publics et privés, vers un système par points : « Dans un monde qui bouge à toute vitesse, il s’agit de bâtir un nouveau système le plus adaptable au parcours de chacun. Le système par points permettra de le rendre plus lisible, plus juste et adapté à la société de demain. Le revenu donnera un droit à points, vous aurez une portabilité des droits quels que soient le type d’employeur et le secteur. L’objectif est qu’à carrière identique, revenu identique, la retraite soit identique. Aujourd’hui, si vous avez un parcours dans la fonction publique ou dans le privé, vous n’avez pas la même retraite. Cela concourt à un sentiment d’inégalités profondes dans la société française. Si nous pouvons bâtir un régime dans lequel sont englobés tous les salariés du privé et du public, en faisant en sorte que chacun ne se sente pas lésé, cela renforcera une solidarité et la solidité du système », explique le haut-commissaire en charge de la réforme.
Mais voilà !
Il n’est en effet guère difficile de comprendre qu’il existe entre le système actuel de retraite par répartition et le système de retraite par points auquel songe Emmanuel Macron des différences majeures. Dans le premier système, une fois que la retraite a été liquidée par un salarié, le montant de la retraite est garanti – et les seules mauvaises nouvelles possibles pour le retraité concerné sont les modalités d’indexation de sa pension. Mais dans le système de retraite par points, cette garantie minimale de maintien du pouvoir d’achat de la pension n’est pas garantie, puisque la valeur du point peut changer. La porte ouverte aux retraites par capitalisation Or, cela change évidemment tout, car dans un régime de retraite par points, les retraités peuvent connaître une baisse, même brutale, du pouvoir d’achat de leur pension.
Si la masse salariale nationale se réduit à cause du chômage ou si l’espérance de vie augmente plus vite que prévu, les pensions baissent automatiquement. C’est ce qui s’est produit au moment de la crise économique mondiale des années 2008-2009. » Du même coup, on comprend donc bien les autres changements que le basculement de la retraite par répartition vers un système par points induit : beaucoup de garanties légales auxquelles est adossé l’actuel système par répartition deviendraient purement formelles dans le nouveau. C’est par exemple le cas des âges légaux de 62 ans pour le départ à la retraite, ou de 67 ans pour le départ sans décote. Dans le système par points, ces cliquets tombent automatiquement parce que ce qui compte, ce sont les points accumulés, et seulement eux. Jean-Paul Delevoye l’admet d’ailleurs sans la moindre gêne : « Dans un système à points, la notion de durée disparaît. C’est votre nombre de points qui vous permet un arbitrage personnel : j’ai assez de points, ma retraite me paraît suffisante, donc je pars. À l’inverse, je n’ai pas assez de points, je reste. » Dit autrement, le très vieux débat sur l’âge de la retraite serait une bonne fois pour toutes définitivement enterré.
Mauduit Laurent, Médiapart – Titre original : « Macron veut dynamiter les retraites par répartition » – Source (extrait très partiel)
Merci pour ces bonnes explications…compréhensibles.
Un point, c’est tout!
Delevoye est « en piste » et promet d’écouter mais l’âge de départ n’est pas négociable et même si on a accumulé un nombre de points substantiel il faudra attendre d’avoir l’âge requis et déterminé par le pouvoir en place pour bénéficier de sa retraite.
On écoute mais on n’entend pas.
La différence qu’il y a entre une dictature et une démocratie c’est que dans la premier cas c’est « ferme ta gueule » et dans la deuxième « cause toujours » (Coluche).
Que du bonheur!