Rail : Ne rien céder disaient-ils en cœur …

Le vieux truc du canardage des prédécesseurs a encore servi, vendredi 25 mai, à Matignon. « On va mettre fin à trente ans de non-décision sur la dette », a plaidé Edouard Philippe devant les syndicats de cheminots. Son mentor, Alain Juppé, a dû apprécier. Philippe a écorné deux des mesures phares des ordonnances Macron – qu’il a pourtant signées.

Premier coup de canif : l’ordonnance du 22 septembre avait fondu en un comité social et économique unique toutes les institutions représentatives du personnel. Du passé : le Premier ministre a annoncé la création d’une instance supplémentaire qui « cimentera le groupe SNCF ». Les syndicats s’y verront dotés de « moyens nouveaux ». De quoi fluidifier les relations sociales.

Deuxième abandon : l’échelon de la branche professionnelle, mis au rebut par les ordonnances, ressuscite pour sauver la réforme. Le but : élaborer, entre patrons et syndicats, une convention collective qui sera aussi généreuse pour les futurs embauchés que le statut de cheminot.

Ces largesses devraient être accordées malgré les appels à la modération lancés par le pédégé, Guillaume Pepy, à ses futurs concurrents du privé, qu’il côtoie au sein de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), le syndicat patronal du rail.

Son nouveau président, Thierry Mallet, envisage en effet une augmentation des salaires. « Nous avons besoin de la compétence des « cheminots », claironne-t-il.

En clair, la convention collective traitera ces derniers aussi bien, voire mieux, que les titulaires du statut.

Les concurrents de la SNCF lors de l’ouverture du marché des lignes régionales estiment que des salariés bien payés représenteront un atout dans les appels d’offres face au mammouth du service public. « Nous aurons moins de frais de structure, et c’est ce qui nous fera creuser la différence avec la SNCF », ajoute Mallet. Petit détail : il est aussi le pédégé de Transdev – filiale de Veolia et de la Caisse des dépôts -, qui entend bien rafler la mise.

Le forcing du patron de la SNCF pour empêcher ce scénario est à l’origine de la haine de SUD-Rail. « On n’a plus confiance en Pepy », a vitupéré, vendredi, Eric Meyer, le porte-parole du syndicat. « Nous avons conscience qu’il est un élément de gêne », a volontiers admis Elisabeth Borne.

L’« élément de gêne » a été traité comme tel. Un quart d’heure avant le point-presse que Philippe devait tenir dans la foulée des entretiens, Pepy, qui s’était invité à Matignon par une porte dérobée, s’est rapproché du micro. Objectif : apparaître sur la photo finale.

Informé que l’intervention de Philippe était reportée de deux heures, l’infortuné Pepy est reparti, en empruntant la courette affectée aux poubelles. […]

  • Pour Laurent Brun (CGT), les annonces du gouvernement, notamment la reprise d’une partie conséquente de la dette par l’Etat et l’organisation d’une table ronde début juin, sont à mettre, évidemment, au crédit de la lutte en cours.

La réforme de la SNCF, une conquête sociale ?


Le Canard enchainé – Mercredi 30 mai 2018


 

6 réflexions sur “Rail : Ne rien céder disaient-ils en cœur …

  1. bernarddominik 01/06/2018 / 16h21

    Tout celà conforte mes précédents commentaires: le véritable enjeu c’est la convention collective de la branche. Mais n’oublions pas que les lois Macrons permettent à l’entreprise d’y déroger. Actuellement E Philippe fait donc des concessions qui « in fine » ne seront pas contraignantes. C’est la suite de la partie « poker menteur ». Transdev, mais pas qu’elle , est à l’affut, et de ne pas avoir défendu un vrai service public, les employés de la SNCF vont être bien seuls faces aux requins du capital, la nouvelle convention collective sera une bien piètre consollation quand il faudra choisir entre l’anpe et un contrat de travail rédigé pour un patron.

    • Libre jugement 01/06/2018 / 17h02

      N’est-il pas (un peu, beaucoup, a la folie, pas du tout) réducteur de suggérer que les grévistes n’ont obtenus que des miettes ???
      C’est juste une question que je pose et me garderais bien d’affirmer quoique ce soit n’etant pas au fait des contrats de travail

  2. bernarddominik 01/06/2018 / 17h22

    Je ne vois pas ce qu’ils ont obtenu à part ce que l’état, garant de la dette, était obligè de faire: payer les dettes inrecouvrables. La future convention du travail est en devenir, et grâce aux lois El Khomri et Macron elle n’engage pas un patron. Ceux qui ont perdu, mais c’était déjà perdu depuis longtemps, ce sont les usagers du rail, car personne ne s’est battu pour le service public. Quant aux cheminots, n’ayant pas défendu le service public, leur destin dépendra du marché du travail ferroviaire. Bon courage messieurs!

  3. jjbey 01/06/2018 / 23h46

    Je lis le socle unitaire des organisations syndicales de cheminots, autrement dit ce que l’entreprise doit négocier pendant la période de préavis pour éviter une grève. Ce qu’elle ne fait d’ailleurs pas.
    Il comporte huit points :dette et financement, relance du transport marchandises par fer, statut de l’entreprise qui doit rester une EPIC, propriété de la nation, réorganisation de la production le cloisonnement actuel rendant ingérable l’entreprise, ré-internalisation de la charge de travail en réintégrant des activités confiées au privé dont le coût est excessif et les résultats dangereux pour l’entreprise, refus de l’ouverture à la concurrence, maintien du statut des cheminots outil d’équilibre entre les droits et devoirs liés au service public et augmentation générale des salaire et pensions, Garanties sociales liées à la convention collective pour empêcher le patronat de renforcer le dumping social entre public et privé ……Les cheminots se battent pour empêcher les libéraux de saccager leur outil de travail, bien commun de la nation. La lutte n’est pas terminée et l’annonce concernant la dette n’est pas un maigre succès mais insuffisant au regard des besoins immédiats de l’entreprise. On ne peut ainsi dire que les cheminots ne défendent que leurs intérêts de privilégiés comme l’on hurlé certains. Ce juste combat doit être soutenu par tous ceux qui refusent que la gangrène du capital vienne polluer les services publics. EDF, La poste, la Santé, la sécurité sociale, le système de retraite……..Pas un secteur qui échappe à la voracité de requins du capital.

  4. bernarddominik 02/06/2018 / 22h33

    Le problème c’est bien l’équilibre entre droits et devoirs.

    On voit beaucoup de demandes sur les salaires les retraites ainsi que des propos très généraux mais rien sur les engagements du service public: dessertes, continuité du service, régularité …
    Étrange conception du service public, au service de qui?
    En 43 ans d’usage journalier du train j’en ai tellement lu des tracts et vu la réalité qu’aujourd’hui je suis blasé pour ne pas dire écœuré

  5. tatchou92 04/06/2018 / 16h34

    il y a aussi des usagers qui se battent contre l’absence de personnel dans les gares, contre la suppression des trains de nuit, les menaces de fermeture de petites lignes « non rentables »… A ma connaissance un service dit public ou au public n’a pas vocation à être rentable mais utile. Valable pour les transports, la poste, les hôpitaux, l’énergie, l’enseignement,..

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