Pourquoi Giuseppe Conte a-t-il renoncé à sa mission de Président du Conseil ?
Il ne s’est pas senti libre de négocier avec Sergio Mattarella au cours de la composition du gouvernement. Ce juriste de 53 ans était conditionné par les deux leaders des partis pour former la majorité, le M5S et la Ligue du Nord. Il y eu un veto de la part du président du président de la République sur la personne de Paolo Savona au poste de ministre de l’Économie. Sur ce point, Matteo Salvini, chef de la Ligue, n’avait pas l’intention de négocier.
Le président de la République avait proposé la nomination de Giancarlo Giorgetti, le numéro 2 de la Ligue du Nord qui a une grande expérience parlementaire sur les questions économiques. Pourtant, Salvini a refusé cette proposition. Il voulait absolument M. Savona à ce poste.
Pourquoi s’est-il montré inflexible ?
Il y a deux explications. La première est qu’il voulait rompre le contrat gouvernemental et précipiter un retour aux urnes. Tous les sondages le donnent désormais en tête. Peut-être a-t-il d’ailleurs utilisé le leader du M5S – Luigi Di Maio – qui avait proposé le nom de Giuseppe Conte initialement pour achever ce plan. L’autre explication est que Paolo Savona, même s’il est très âgé (82 ans, ndlr), a changé ces dernières années sa vision par rapport à l’Europe. Il a surtout participé à l’élaboration d’un plan pour que l’Italie sorte de l’euro. On a donc l’impression qu’il y avait un non-dit dans le contrat de gouvernement : celui de la sortie de l’euro. Et c’est sur ce point précis que le président Mattarella a posé son véto.
Cet épisode ne marque-t-il pas les limites de cette inédite « coalition jaune vert » entre les deux partis populistes ?
Ce n’est, en effet, pas du tout une coalition naturelle ; elle ne s’est formée qu’après les élections législatives de mars dernier. Or, on a observé que, bien que le M5S a recueilli presque le double de voix que la Ligue du Nord, c’est cette dernière qui vraiment marqué la ligne, la direction politique de cette coalition. Dans ce contexte, Salvini peut penser obtenir encore plus de force si les Italiens retournent aux urnes.
Se dirige-t-on vers de nouvelles élections de façon inéluctable ?
On ne voit pas comment ce ne pourrait être le cas. On parle déjà du mois de septembre. Matteo Salvini va-t-il enclencher une nouvelle coalition avec le M5S ou retourner à la vieille coalition avec le parti de Silvio Berlusconi ? On ne le sait pas encore. Dans l’hypothèse d’une nouvelle coalition avec le M5S, on peut d’ores et déjà imaginer que le poids de Salvini soit renforcé.
Silvio Berlusconi semble avoir pris du recul…
Oui. Hier soir, il a pris le parti de Sergio Mattarella en soutenant son choix. C’est désormais difficile d’imaginer une nouvelle coalition des droites avec l’ancien Président du Conseil.
Comment analyser l’annonce de Luigi di Maio d’engager une procédure de destitution du président de la République ? Est-ce un scénario crédible ?
C’est une procédure compliquée à mettre en place. Il faut pour cela prouver très précisément que Sergio Mattarella est coupable de haute trahison ou d’attentat à la Constitution italienne. De plus, cela ne nécessite pas seulement le vote du Parlement ; il y a aussi besoin d’un vote final de la Cour constitutionnelle. Cette annonce est davantage un « outil » en vue d’une future nouvelle campagne électorale.
Si les Italiens retournent aux urnes, une hypothèse des plus probables, il est difficile de penser que le résultat puisse être différent ? Ou au contraire, le légitimité des partis populistes pourrait être renforcée ?
C’est probable en effet, que le M5S et la Ligue du nord réunis comptabilisent plus de 50 % des voix. Les sondages du jour donnent la Ligue du Nord autour de 25 % et 30 % pour le M5S, ce qui donne un total de 55 %. Il est difficile d’imaginer un autre scénario tant siège le vide autour de ces deux partis en Italie. Silvio Berlusconi atteint difficilement la barre des 10 % ; le parti démocrate n’a pas encore accompli sa mue. On pense aujourd’hui qu’il se présentera aux élections guidé par le Président du Conseil sortant, Paolo Gentiloni.
Où en est Matteo Renzi ? Le désamour est-il trop important entre la population italienne et lui ?
Oui. Même s’il garde le contrôle de la majorité du parti, il est en train de perdre des forces – des dissidents ont formé le parti Libres et Égaux. Il n’est pas possible de penser à lui comme le leader démocrate tant il a brûlé chaque occasion qu’il a eue. Sa cote de popularité est au plus bas ; ce serait pour le PD un suicide de choisir Matteo Renzi pour mener la campagne.
Assiste-t-on actuellement à la crise politique la plus grave qu’ait connue l’Italie depuis la proclamation de la République ?
Absolument, il s’agit de la plus grave crise qu’on ait connue. Il y a eu une grave crise entre 1992 et 1994 mais de nouvelles forces politiques en sont issues. Aujourd’hui, on ne voit pas avec quoi on pourrait sortir de cette crise. De plus, la contraposition entre le président de la République et les deux partis populistes est incroyable. Il n’y a jamais eu de conflit si fort. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’un président de la République conseillait un autre nom pour occuper un ministère aussi important. Par exemple, c’est l’ancien président Giorgio Napolitano qui avait proposé Pier Carlo Padoan à Matteo Renzi qui avait finalement accepté. Aujourd’hui on voit à l’œuvre la croissance d’une façon populiste de faire de la politique.
Comment s’illustre-t-elle ?
Dimanche soir par exemple, les trois leaders populistes italiens – Giorgia Meloni, Matteo Salvini et Luigi Di Maio – se sont exprimés sur Facebook dans un modus operandi bien particulier. On voyait leur visage en plein écran avec un ton et un vocabulaire agressif. Ce fut particulièrement le cas pour Matteo Salvini dont on peut avoir l’impression qu’il a dévoilé sa vraie nature.
C’est à dire ?
Jusqu’à présent, on l’a surtout vu comme un leader populiste mais aussi « pop ». Il essayait, dans les talk show, de se montrer sympathique, empathique et de cacher son agressivité. Mais derrière les mots qu’il utilise désormais, on a l’impression qu’il dévoile son vrai visage. On peut dire qu’il a perdu sa parole de talk show qui était quelque fois agréable. Ce n’est plus du tout le cas désormais.
Les deux partis de la coalition populistes vont-ils selon vous chercher à s’entendre ou risque-t-on d’assister à une escalade des deux ?
C’est encore difficile de répondre à cette question. Un accord entre les deux partis n’est pas improbable ; Luigi Di Maio et le M5S ont défendu la position de Matteo Salvini sur Paolo Savona. Ils sont même devenus presque plus radicaux en demandant la destitution de Sergio Mattarella. Le fait aussi que Silvio Berlusconi ait pris une position plus modérée rabat les cartes. Comment Matteo Salvini pourrait-il faire alliance avec lui ? Tout peut se passer dans les mois qui viennent.
Julien Rebucci – Les Inrocks – Source
Il est difficile de croire que les électeurs de M5S, surtout issus du sud de l’Italie puissent approuver une alliance avec la ligue du nord, opposée aux aides au sud. Dans ces conditions le retour aux urnes semble la seule solution. L’Italie encore plus endettée que la France aura beaucoup de peine à trouver un arrangement abec ses prêteurs qui ont déjà placé leurs taux à 3% au dessus de ceux de l’Allemagne, Matarella a suivi les banquiers . Et on voit trés bien comment, avec l’euro, les gouvernements ne sont plus que des gestionnaires du compte débit/crédit, est c’est bien là le point faible du programme de la FI et des économistes atterrés: une forte dette en monnaie forte c’est par là que l’UE nous tient. Quitter l’euro c’est devoir rembourser au prix fort la dette et renoncer à bien des espérances. Y rester c’est passer sous les fourches caudines de la BCE