Certaines « résidences séniors » dans un racket organisé.

Jeune retraitée, elle était ravie d’emménager, il y a quelques années, dans cette « résidence senior avec services » à Paris, dans le XII’ arrondissement. « Je pensais poser mes meubles au paradis, c’est devenu un cauchemar. » La faute à 14 nouveaux résidents, qui ont déclaré la guerre aux 84 anciens.

« Ils les terrorisent de mille façons (insultes, bousculades, affichage de tracts vengeurs) et asphyxient financièrement les copropriétés en refusant de payer les charges ! » s’indigne Gilles Carlach, président de l’Association nationale des copropriétés avec services (ANCS), qui voit le phénomène se reproduire dans plusieurs des 35 résidences regroupées au sein de son mouvement.

A l’origine de cette castagne : de nouveaux occupants très agressifs, certains acculés par les dettes, d’autres poussés par l’appât du gain. Beaucoup, en effet, ont payé leur logement très au-dessous du tarif du marché : de 3 500 à 5 000 euros le mètre carré, quand le prix moyen du quartier avoisine les 8 500 euros.

Pourquoi ? Parce que ces résidences, destinées aux « plus de 55 ans autonomes », sont grevées de lourdes charges. Si elles offrent à tous des services mutualisés accueil, gardiens, restaurant, badges et alarmes de sécurité, personnel paramédical, aides à la personne, la facture atteint entre 7 000 et 8 500 euros par an ! Les « prédateurs », comme les appelle Gilles Carlach, cherchent donc à supprimer ces charges… afin de revendre leur bien avec un copieux bénéfice.

Parmi les copropriétaires les plus offensifs ? Les héritiers, détenteurs d’un bien leur coûtant une fortune, qui cherchent à s’en défaire au plus vite. Nombre d’entre eux animent l’Association de défense des victimes des résidences services seniors et tempêtent contre ces «pièges à cons » (les services) qui les « mettent sur la paille ».

Sévices compris

L’un de ces malheureux se plaignait, en 2013, dans le « Le Point ». Il a, depuis, acquis pour une bouchée de pain huit appartements dans ces résidences honnies. Serait-il devenu un « prédateur » ? D’autres ont acheté des deux-pièces pour 5 000 euros à Vannes et même… pour 1 000 euros à Tours !

En 2015, Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée des Personnes âgées, avait proposé, via la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, de « sécuriser » ces résidences services. Mais le texte recèle de nombreuses failles juridiques, tout comme les règlements de copropriété.

Parmi les arguments des plaideurs : « Réserver ces résidences à des gens de plus de 55 ans est illégal, selon la Cour européenne ! » Et, le restaurant, pourquoi le payer quand on n’y va jamais ? Et ces « services à la personne », ou «paramédicaux », ne seraient-ils pas « illégaux » au motif que « les résidences services n’ont pas le droit de pratiquer la médecine » ?

« Les actes essentiels de la vie quotidienne (aide aux soins, au ménage, à la toilette, aux courses) sont autorisés, réplique Gilles Carlach. Quelques résidences ont même gardé une infirmière pour faire de la coordination, c’est légal aussi ! »

N’empêche : à Paris XIIe, des propriétaires ont assigné la copropriété pour exercice illégal de la médecine. Ils lui reprochent, par exemple, la fourniture de Ventoline à un vieux monsieur pris d’une crise d’asthme en pleine nuit…

Attention les vieux !

Une résidente s’affole à l’idée que la suppression des services mutualisés à la personne soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine AG. « Ici, tout le monde n’est pas en état de se défendre… » Autres preuves de ce harcèlement : à Tours, des vendeurs qui, dans le hall, proposaient des vêtements, babioles, bijoux et autres parfums ont été chassés de la résidence. « C’était gai, et, pour ceux d’entre nous qui ne peuvent guère se déplacer, c’était formidable ! » déplore un pensionnaire. « C’était une occupation illégale des locaux », rétorque l’autre camp. Egalement bannis : les fauteuils sur lesquels on attendait confortablement l’ascenseur. « C’est très gênant, ces gens ont acheté à des prix très bas. Ils sont mal-aimables avec nous et font tout pour qu’on fiche le camp, tremblote une vieille dame. On finit par perdre le moral… »

Voire par abandonner. Il y a cinqans, de guerre lasse, les résidences de Nice et de Montrichard (Loir-et-Cher) ont totalement renoncé à leurs services à la personne. Les propriétaires sont-ils redevenus aimables ?


Dominique Simonnot – Le Canard Enchainé – Mercredi 23 mai


 

9 réflexions sur “Certaines « résidences séniors » dans un racket organisé.

  1. marie 27/05/2018 / 17h16

    Bonsoir, je ne pensais pas que l’en vieillissant et dans de bonnes conditions on pouvait devenir aussi méchant!!! Amitiés MTH

    • Libre jugement 27/05/2018 / 18h27

      Pour sortir d’une résidence ou est ma mere atteinte d’Alzheimer, (96 ans) je puis dire que plus personne dans cette environnement ne sais ce qu’est la méchanceté pas plus que la tendresse, le rire, l’expression, la reconnaissance, il faut s’y faire … mais c’est très-très dur. J’en ressort détruit.

  2. leblogdunejuriste 27/05/2018 / 17h45

    Démarchée par un fonds d’investissement, j’ai pu en visiter une flambant neuve. C’était très joli ; ça ressemblait à une maison de poupée. Mais sincèrement… drôle d’ambiance. Pas un bruit… les personnes âgées chuchotaient au lieu de converser à voix haute. Restaurant vide alors qu’il était à peine plus de 9 heures. J’ai d’ailleurs interrogé mon guide : « faut-il déjeuner tôt le matin ? » « Et bien… il ne faut pas faire la grasse matinée » m’a-t-il répondu.
    J’ai bien compris que c’était un bizness. Que le directeur de l’établissement veillait à ce qu’il n’y ait aucun gâchis et que tout soit bien organisé…
    Un peu refroidie, je n’ai pas donné suite à la proposition d’investissement. Aujourd’hui, on me dit que c’est très rentable.

  3. tatchou92 27/05/2018 / 18h02

    Merci Michel, nous avions été saisis, il y a quelques années d’un problème similaire survenu dans une résidence service « haut de gamme » sur les hauteurs d’une ville réputée du pays basque.. les héritiers ont contraint les résidents présents depuis plus de 10 ans, à fermer 1) l’infirmerie de 5 IDE, service assuré la nuit aussi, 2) le restaurant, 3) le gardiennage 4) les prestations d’animation. Une réelle détresse pour les parents et les enfants. C’est vrai qu’il s’agit d’un piège à c… pour les héritiers qui veulent limiter les charges de fonctionnement.
    Je me souviens que les enfants résistaient et étaient très inquiets pour leurs parents vieillissants, complétement désarmés. Nous leur avions donné des pistes.
    Cette formule semble alléchante, car protectrice, mais danger absolu pour la suite..

  4. jjbey 27/05/2018 / 21h42

    Ces résidences genre « Sénioriales » sont conçues pour un public âgé mais surtout fortuné. Dès lors que les héritiers ne sont pas solvables, ils laissent le bien à minima, c’est à dire sans utiliser aucune des prestations dédiées aux anciens et refusent de régler les charges communes. La copropriété devient vite dans l’incapacité de régler les prestataires de service, y compris médicaux. Elle s’endette et ceux qui y restent doivent payer en attendant qu’une décision de justice qui traine beaucoup trop longtemps s’agissant de problèmes de copropriété conjugués avec l’incompétence crasse d’un grand nombre d’avocats en l’espèce.

  5. fanfan la rêveuse 28/05/2018 / 7h12

    Triste constat de nouveau !
    L’argent pourrit tout ce qu’il touche mais à qui la faute ? L’Homme ! 😦

    • Libre jugement 28/05/2018 / 11h36

      L’homme (L’humain) ne dépend-t-il pas de la société dans lequel il vit et la société est bien ce que l’humain en fait

      • fanfan la rêveuse 28/05/2018 / 11h57

        L’Homme dépend des choix qu’il fait dans la société, une nuance qui n’est pas négligeable, de ce fait il fait la société. Nous sommes tous acteurs de notre société et ne devrions jamais être spectateur.

        • Libre jugement 28/05/2018 / 12h02

          Pas faux !
          Bonne journée

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