Paris : Défauts de stationnement et les « verbalisants » privés

 Les sociétés privées chargées des contrôles risquent de lourdes pénalités si elles ne tiennent pas leurs objectifs.

Sacrément divertissantes, les clauses du contrat signé par la Mairie de Paris avec Streeteo et Moovia ces deux boîtes privées qui collent à tour de bras des prunes (pardon, des FPS, ou « forfaits de post-stationnement ») aux automobilistes !

« Le Canard » s’est procuré ce document, et il éclaire bien les raisons de la grosse triche de Streeteo, révélée la semaine dernière par le Palmipède. Depuis le 1er janvier, la fraude consistait à bidonner des milliers de « contrôles ». La lecture du chapitre « pénalités » explique cette fièvre verbalisatrice (voir ci-après). Sous peine de sanctions financières, la Mairie impose à Streeteo (deux tiers des arrondissements parisiens) un minimum de 51.564 contrôles quotidiens, et 23.346 à Moovia. Soit un total de 74.900.

Facile de tenir les objectifs !

Méchants coups de Rapo

Quant aux FPS, les deux sociétés jurent sur leur site « ne pas être rémunérées au nombre » de contredanses infligées. Sauf que, si elles ne respectent pas un « nombre de FPS nécessaire », la punition (financière) tombe !

Le passage qui « amusera » plus encore les conducteurs concerne les contestations qu’ils peuvent opposer aux prunes abusives. Les mécontents déposent un « recours administratif préalable obligatoire » (Rapo). Noir sur blanc, le contrat précise qu’ « un nombre de Rapo gagné par les usagers trop élevé » entraîne une sanction pécuniaire.

En clair, il ne faut pas donner raison aux usagers, ou le moins possible ! Il s’agit donc de les décourager.

Une avocate, Alexandra Peyron, en a fait l’expérience au nom de ses clients loueurs de véhicules. Pour tenter d’échapper aux contraventions, ces derniers s’exaspèrent à faire tourner leurs bagnoles dans Paris — c’est bon pour la pollution !

« La Mairie de Paris n’a pas prévu de tarif spécial, ils doivent payer 35 euros par véhicule toutes les six heures. Moovia les taxe sans arrêt, et pas toujours à bon escient. »

L’avocate trouve des failles, proteste à coups de Rapo… En vain.

« Le 20 février 2018, Moovia m’envoie un mail m’indiquant qu’il manque un document et que je dispose de quinze jours pour régulariser. »

Le 28 février à 10 h 05, elle retourne le dossier complété. La « réponse automatique » tombe quinze minutes plus tard. Recours rejeté. « A-t-il été instruit, en si peu de temps ? J’en doute! » conclut l’avocate. Un de ses confrères, Eric Morain, a aussi testé le système Rapo et accuse les sociétés privées et la Mairie d’avoir mis en place un « recours impossible » en cas de contestation.

Verbalisations illégales

Les deux avocats ont donc décidé de pourfendre le système, en attaquant notamment la légalité de certains éléments du marché. Ils vont également s’intéresser aux « agents non assermentés » de Streeteo qui, comme l’a révélé « Le Parisien » ont déposé des FPS sur les pare-brise en toute illégalité.

Deux courriels, en possession du « Canard », adressés en janvier par un chef à toutes ses équipes l’attestent : « Je vous confirme que les agents non assermentés font du FPS sur le terrain. »

Les conducteurs n’ont pas fini d’en baver. Et la Mairie de Paris d’en entendre parler…

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Un barème pour des prunes

Pour chacun de leurs « manquements au contrat », Streeteo et Moovia se voient infliger des pénalités financières par la Mairie de Paris. Laquelle applique un barème compliqué, où les sanctions s’échelonnent de 10 à 10.000 euros (hors taxes).

Exemple : le « non-respect du délai de réponse » en cas de contestation vaut 100 euros « parfait constaté ». Même tarif pour l’« absence à une réunion » ou pour le « défaut de tenue des agents ».

Quant au crime de « contrôles minimum journaliers non atteints », il se paie d’un mystérieux « montant forfaitaire de niveau A », que la Mairie de Paris s’est révélée incapable de chiffrer quand « Le Canard » l’a consultée…


Dominique Simonnot – Le Canard Enchaîné  – Mercredi 14 mars 2018 – Titre original :« L’ubuesque contrat qui piège les usagers parisiens du stationnement »


 

3 réflexions sur “Paris : Défauts de stationnement et les « verbalisants » privés

  1. tatchou92 19/03/2018 / 14h29

    Plusieurs villes limitrophes de Paris et la mienne (impactée par le prolongement de le ligne 4 du métro, la nouvelle ligne 15 (sous mes fenêtres) adoptent aussi le stationnement payant pour évacuer les voitures ventouses et les épaves, éviter que les habitants des autres villes usagers du RER ne continuent à occuper tous les emplacements disponibles.. Si le périmètre est pour le moment limité au Centre ville, à 3 avenues, et la nationale 20, il comporte le voisinage de l’HDV dont la petite place située devant le cimetière… la gestion est confiée là aussi à une société privée. Abonnement annuel 150€ pour les habitants (15€x 10 mois). Le projet a été présenté en réunion publique d’information et la gratuité accordée le 1er mois..

    • Libre jugement 19/03/2018 / 19h33

      Aurais-tu tendance a dire que c’est bien Danielle ???

  2. jjbey 19/03/2018 / 19h19

    Remplacez l’état dans ses fonctions régaliennes par des entreprises privées revient à ouvrir grand la boite à verbaliser. Faut que ça rentre, que ça paie….. outre le stationnement ce sont les voitures banalisées qui vous flasheront…Que du bonheur….

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