Printemps 1871, durant 72 jours …

On peut s’étonner de l’extraordinaire postérité de la Commune, de sa présence dans des cultures révolutionnaires différentes, même conflictuelles, surtout au regard de sa limitation dans le temps […]

La Commune fut un « Melting pot » : elle était antimilitariste et patriotique à la fois ; les héritiers des traditions révolutionnaires françaises, mais aussi les anarchistes proudhoniens et les Inter­nationalistes s’y retrouvèrent, parfois s’y affrontèrent. Cette complexité favorise une plasticité mémorielle et explique que la Commune puisse être mobilisée par de nombreuses familles de la gauche, l’extrême droite tentant régulièrement une captation. Il n’y a pas une mémoire, mais bien des mémoires de la Commune.

Bien que profondément républicaine, la Commune peine à s’intégrer au récit national que fabriquent les républicains au pouvoir à partir des années 1880. Même s’ils ont pu imputer à l’assemblée monarchiste versaillaise la responsabilité du massacre de la Semaine sanglante, c’est bien sous une République proclamée le 4 septembre 1870 qu’il a été perpétré.

Longtemps, le monde et le mouvement ouvrier ont nourri leur rejet du régime de la mémoire du sang versé.

La Commune n’est ni plus ni moins que l’affrontement séculaire entre les deux Républiques, la sociale et la libérale. Et c’est cette dernière qui l’emportait à l’aube des années 1880. […]

Les anarchistes ont en effet rapidement salué dans la Commune la révolte contre l’État, l’armée, l’Église et le capital. Ils en célébraient les expériences de démocratie directe, d’associations des travailleurs, marques de l’influence en 1871 des héritiers de Proudhon.

De nombreux communards ont ensuite rejoint le mouvement anarchiste […].

Dominés en 1871 par les démocrates sociaux bercés par les souvenirs de 1793 ou de 1848, et coincés par le courant anarchiste français, les internationalistes marxistes auraient pu laisser passer la mémoire. Mais c’était sans compter sur Karl Marx.

Certes, il jugeait la Commune (…), trop modérée, mais, dans La Guerre civile en France (juin 1871), voici qu’il la présente comme le « gouvernement de la classe ouvrière […La forme politique enfin trouvée de l’émancipation du travail». Mieux encore, il en fait l’aurore des révolutions à venir, « le glorieux fourrier d’une société nouvelle».

L’Internationale Socialisme français s’approprie alors les hommages aux victimes, Après 1920 et la scission : parti socialiste, parti communiste, c’est ce dernier qui perpétuera la mémoire de la commune.[…]

Certes, depuis les années 1970,1a mémoire de la Commune a pu sembler s’effacer dans l’affaiblissement général de la culture […] Et pourtant son réveil […] ne saurait surprendre. […]


D’après Mathilde Larrère Maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-Est-Marne-la-Vallée


 

2 réflexions sur “Printemps 1871, durant 72 jours …

  1. jjbey 14/02/2018 / 0h31

    Il serait ici trop long pour faire la liste des avancées de la Commune mais en cette année saluons les droits civiques accordés aux deux sexes sans distinction de fortune. Monsieur Thiers fut l’exterminateur de ce mouvement de classe et la bourgeoisie brisa cet élan dans le sang. Pour ma génération, les plus de 70 ans, il est ahurissant de constater que nos livres d’histoire n’en faisaient même pas mention alors que pratiquement chaque ville de France avait une rue Thiers……….
    Où va se nicher la haine de classe!

  2. tatchou92 14/02/2018 / 18h10

    « il y a cent ans comme un comme une
    comme un espoir mis en chantier
    ils se levaient pour la Commune
    en écoutant chanter Pottier
    ………………

    il y a cent ans comme un comme une
    comme une étoile au firmament
    ils s’éteignaient pour la Commune
    Ecoute bien chanter Clément »

    Paroles de Georges Coulonges, Musique de Jean Ferrat 1971.

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