Mother

Passe le temps, défilent les jours, heures, minutes, dans un monde solitaire excluant  la fratrie. De temps à autre en de rares moments sortent d’intelligibles mots d’un noir d’encre : j’en ai marre, vite suivit de bredouillages inaudibles. Puis le vent passe et un silence emplit de fantômes, se réinstalle.

Jacqueline Clemenceau-Cabrit. 1922-2020.

Collection personnelle – Reproduction strictement interdite sous peine d’action juridique. Photo MC

Les minutes s'égrènent
Mes heures et mes semaines
Filent en fumée
Faudrait que j'me souvienne
Je ne peux plus m'arrêter d'oublier
J'ai oublié l'adresse
De ma maison
J'ai oublié ma veste
À la réflexion
J'ai peur qu'il ne me reste
Qu'un prénom

Je m'appelle Marguerite
Mais quel est ce village
Que je traverse
Je vais marcher plus vite

J'ai peur qu'le gros nuage
Échappe une averse
J'ai rencontré deux ou trois inconnus
Des petits effrontés qui m'ont dit : « Salut »
Est-ce que j'les connaissais je n'sais plus

Je regarde de loin
Le soleil se coucher
Je n'sais plus mon chemin
Je me sens fatiguée
Si je me rappelle bien
Quand l'ciel est tout rosé
C'est qu'y fera beau demain
J'voudrais en profiter
Mais j'ai de l'esprit en absence
J'ai plus d'amis j'ai plus d'enfance


Mes heures s'entretuent
Mon cœur a des secrets
Qui me tenaillent
Mon corps ne sait même plus
Si quelqu'un a germé dans ses entrailles
J'ai perdu la notion du temps qui passe
J'me mire dans une vitrine
Comme dans une glace
J'ai pas trop mauvaise mine
Mais hélas
J'ai les cheveux en bataille
J'ai oublié de soigner ma coiffure
J'ai même pas mon chandail
J'ai qu'une chemise de nuit en pleine nature
Mais qui donc est cette femme d'âge mûr
Qui s'dépêche à descendre d'une voiture
Qui m'agrippe le bras et murmure


« Ne vois-tu pas de loin
Le soleil se coucher
Il est tard allez viens
T'es sûrement fatiguée »
Elle me dit : « Regarde bien
Le ciel est tout rosé
Il fera beau demain
Faudra en profiter
Je t'ai retrouvée t'as de la chance
Mais faudrait pas que tu recommences »

Elle m'a inventé toute une enfance
Là sur la banquette
Elle m'a ramenée à la résidence
À ma chambre et enfin de ma fenêtre

On a r'gardé de loin
Le soleil se coucher

On parlait un peu moins
On était fatiguées
On a dit : « Regarde bien
Le ciel est tout rosé
Il fera beau demain
Faudra en profiter »
Et là je l'ai reconnue je pense
Ma bonne et seule amie d'enfance

Les minutes s'en vont
Prennent mes souvenirs comme en otage
J'ai l'sommeil d'un poupon
Mais la nuit noire blanchit mes images
J'me réveille une photo entre les mains
Deux petites filles qui courent au bord d'un jardin
Mais qui sont ces enfants ?
C'est fou c'que ma mémoire a foutu l'camp


J'entends glisser dans le corridor
De molles chaussures
Et comme une vie sur mon cerveau mort
Y a la voix de cette femme qui murmure

« On regardera encore
Le soleil se coucher
Et si jamais tu t'endors
Si t'es trop fatiguée
J'te dirai : Regarde bien
Le ciel est tout rosé
Il fera beau demain
Faudra en profiter
Mais tant qu'tu pars pas dans l'silence
J'vais t'remémorer ton enfance »

« Tu t'appelles Marguerite
J't'appelle encore la voisine d'en face
Quand on était petites
Tu étais la plus jolie de la classe »

Paroles Linda Lemay –Titre « Je m’appelle Marguerite » extrait de l’album : Ma Signature – Année de sortie : 2006


4 réflexions sur “Mother

  1. Libre jugement 01/02/2018 / 11h12

    AVIS,
    Cet article a été « posté » avec intention … il se veut être un appel pour une personne toujours présente qui vie chaque minute de biens longues journées même si ce n’est plus hélas qu’une enveloppe charnelle, elle ne mérite pas que la fratrie l’abandonne.

    Pour cette raison amies-amis blogueurs qui passé sur ce blog et cet article, je vous demande d’éviter de porter un commentaire, merci d’avance

  2. tatchou92 01/02/2018 / 16h17

    Respect…

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