Y-a-t-il si loin de l’immense scandale des Paradise Papers à l’alarme sonnée par 15 000 scientifiques de 184 pays sur l’état funeste de la planète ? Ces deux phénomènes sont-ils si éloignés que certains le prétendent ? L’exploitation accélérée du travail humain est en réalité indissociable de l’exploitation de la planète et des ressources qu’elle contient.
Propriétaires de la force de travail, les « multinationales » agissent tout autant « en propriétaire à l’égard de la nature, cette source première de tous les moyens et matériaux de travail » […]
Si rien ne bouge, et qu’au contraire le désastre environnemental s’accélère, malgré le verdissement [écologique et de façade] des multinationales […] c’est parce que les objectifs sociaux et environnementaux, conjointement nécessaires pour conjurer le péril climatique et écologique, sont autant de freins à l’extension de la sphère marchande et financière. C’est pourquoi mettre en avant ces objectifs et leur donner une traduction concrète, dans les municipalités, collectivités ou associations, devient tout autant une nécessité d’ordre civilisationnelle qu’un acte proprement révolutionnaire.
Car que disent ces scientifiques ? Que la dégradation de l’environnement poursuit une trajectoire extrêmement inquiétante et qu’aucune politique n’a jusqu’ici permis de freiner cette course à l’abîme.
Qu’au contraire, l’aveuglement des financiers à l‘égard des besoins humains, devient un problème. Ils appellent en creux à une planification des politiques économiques décidées en fonction d’objectifs définis répondant de la défense d’un intérêt général humain.
[…] Le coup de poignard de la nouvelle administration américaine qui a quitté l’accord sur le climat agit comme un puissant frein à toute avancée supplémentaire alors que l’urgence frappe aux portes. La responsabilité de M. Trump devra être jugée devant l’histoire avec toute la sévérité qu’elle requiert.
Dans un tel contexte, le gouvernement français devrait se donner comme mission de se projeter en première ligne de cette bataille d’ordre civilisationnel en prenant, fort des conclusions de la conférence de Paris, la place abandonnée de locomotive mondiale, en lien étroit avec les Nations Unies.
Le faire réclame de donner ici-même l’exemple :
- investir massivement dans le ferroviaire,
- développer le fret de marchandises,
- moderniser le tissu productif au lieu de délocaliser nos productions dans des conditions sociales et environnementales ineptes,
- impulser un nouveau mode de consommation,
- inventer un nouveau mode de production agricole et agroalimentaire à partir des expériences déjà en cours avec l’agro-écologie,
- réduire les inégalités sociales,
- enjoindre les grandes entreprises de l’énergie à investir dans les énergies renouvelables pour développer un mixte énergétique intelligent.
Les scientifiques s’inquiètent également d’une croissance démographique appelée à perdurer jusqu’en 2100. Cet enjeu ne peut trouver de solutions acceptables sans un effort financier colossal pour l’éducation, le respect et l’émancipation des femmes, des plannings familiaux et des politiques sociales partout dans le monde.
Il devient aussi indispensable de socialiser la richesse produite par les sociétés pour des investissements que le marché se révèle incapable de réaliser, et dont les thuriféraires déplorent en permanence, comme s’en étonnait déjà Bossuet, les effets dont ils chérissent les causes : assèchement budgétaire, dettes phénoménales de pays pauvres […], voulues par les possédants pour maintenir leurs dominations deviennent autant d’arguments pour empêcher les investissements publics nécessaires, particulièrement pour les économies en transition et les pays les moins développés.
Tout nous ramène à la nécessité d’un monde de coopération tournant le dos à celui de la concurrence, ce mot qui n’est que le paravent de la guerre économique.
« Tout nous ramène à la nécessité d’un monde de coopération tournant le dos à celui de la concurrence, ce mot qui n’est que le paravent de la guerre économique. »
La messe est dite !