La santé dans nos sociétés libérales mondialisées.

Nous sommes sur le point de franchir un virage en matière d’accès aux soins. Alors que la richesse mondiale s’accroît, l’ambition commune – qui mobilise les États, l’Industrie, les patients et les citoyens, – d’un accès aux médicaments montre paradoxalement des signes de faiblesse dans sa mise en œuvre. Avec une question corollaire : franchirons nous ce virage ensemble ou séparément ?

Note cet article a été posté sur ce même blog il y a tout juste un an, si je le remet aujourd’hui, c’est qu’il est de plus en plus d’actualité. Hélas. MC

Une ambition portée par les états pour l’horizon 2030

Noble ambition politique, enjeu industriel majeur, légitime aspiration des peuples, la prophétie de la couverture sanitaire pour tous a-t-elle un espoir de se réaliser ?

Pour apprécier la possibilité d’y répondre par l’affirmative, il semble important de revenir en premier lieu sur la vocation de la médecine. En effet, si l’objectif est de préserver et de restaurer la santé de chacun, pouvons-nous nous satisfaire de réduire les produits de santé-notamment pour les maladies principales-, à des biens de consommation courants (…). L’accès aux médicaments pour tous dépend de la sincérité de la réponse à cette question par chacun des partenaires de la santé.

La réalité du système

Tout le monde s’accorde à dire que si le prix des médicaments est un des leviers qui favorise l’accès aux traitements pour tous, force est de constater que les discussions sont, aujourd’hui, dominées par l’exigence de rentabilité des actionnaires. Bien évidemment, chacun s’efforce de justifier sa position mais ne lâche rien. Quand les traitements anciens ne sont plus rentables, l’industrie pharmaceutique abandonne leur production. Certaines molécules dont les brevets ont expiré sont rachetées et deviennent des produits de spéculation (2). D’autres en situation de monopole sont en position de force et permettent une augmentation de leurs tarifs (3). Enfin, quand de nouveaux traitements apparaissent, leur prix atteint des niveaux difficiles à justifier.

De fait, nous assistons à une inflation généralisée du coût des nouveaux médicaments. Préoccupation ancienne des pays en développement, ce sujet affecte désormais tous les pays : la pression budgétaire et financière sur les systèmes de Santé et sur l’assurance maladie, notamment tiré par le vieillissement de la population et la croissance démographique mondiale, est telle que des voix s’élèvent aux Etats unis (4), en Europe pour s’alarmer de l’augmentation sans précédent de la facture liée à l’introduction de certains médicaments et vaccins. De fait c’est un marché juteux pour l’industrie : les experts projettent un accroissement des dépenses de santé de 5,2% par année entre 2014 -2018 (5) quand la croissance mondiale plafonne à 2,5%.

L’appât du gain semble prendre le pas sur l’ambition d’un accès aux médicaments pour tous, laissant sur le carreau de nombreux patients en attente de traitement.

En 2013, l’arrivée sur le marché du premier traitement oral contre l’hépatite C – le Sofosbuvir (Sovaldi® (6)) a mis le feu aux poudres. Le coût du traitement est prohibitif : au gramme il est 67 fois plus cher que l’or ! Le coût d’un traitement de 12 semaines est de 84 000 $ aux USA et de 46 000 € en France. Il force les États à la mise en place de stratégies de rationnement alors que son coût de production par traitement (101$) est par ailleurs modeste.

L’escalade des prix s’impose petit à petit, elle touche aussi les traitements dits innovants contre le cancer où les médicaments orphelins. En France comme dans de nombreux pays certains médecins ont exprimé leurs préoccupations (7).

Pour de nombreux pays en développement, l’introduction de nouveaux vaccins dans le calendrier vaccinal – leur nombre a doublé entre 2001 et 2014 -a multiplié par 68 le coût d’immunisation d’un enfant. Résultat, les Pays doivent faire face à la double augmentation : de la demande de soins et du coût des médicaments. Ainsi en 2015, les ministres de la Santé ont soutenu une résolution qui fait état des problèmes rencontrés par les pays notamment sur le coût des vaccins et le manque de transparence dans la fixation des prix.

Bien sûr, ces stratégies ne sont pas sans conséquences sur la santé des populations. Selon leur capacité budgétaire, le choix laissé à certains gouvernements se traduit par la mise en place de stratégies de rationnement, ou à l’indisponibilité des nouveaux traitements dans le système de santé publique et d’assurance privée. Pour certains patients, l’endettement personnel (9) est bien souvent le dernier recours pour accéder à ces nouveaux traitements, et tenter de sauver leur vie.

Pour justifier ces prix, l’industrie invoque le coût élevé des investissements en Recherche et Développement (R&D) sans pour autant s’engager dans un effort de transparence sur le montant réel de ces investissements. Cet argument est contestable et largement contesté par de nombreux chercheurs qui démontrent que la fixation des prix procède plus d’une logique d’optimisation des revenus que d’amortissement des charges (10).

Autre réalité, à l’échelle mondiale, les patients ne sont pas égaux, le prix d’un médicament est fixé selon le niveau de richesse des pays bien que dans nombreux cas les pays à revenu intermédiaires paient plus cher leurs médicaments que les pays riches (11). En transposant cette logique à un bien de consommation, c’est un peu comme si le prix d’achat du smartphone dernier cri variait en fonction du revenu annuel des acheteurs.

Un autre obstacle à l’accès aux médicaments se niche dans les négociations en cours de certains accords de commerce(12) qui poussent entre autres pour l’abaissement des critères de brevetabilité ce qui aura pour conséquence de retarder l’arrivée de versions génériques abordables et largement utilisées par les pays en développement.


Nathalie Ernoult, lu dans le blog IRIS -Titre original de l’article « la santé pour tous, clé de voûte de nos sociétés, une promesse de danger ? » Source (Extrait)  – Voir les 6 pages du dossier en fichier PDF- ATTENTION VOUS PASSEZ PAR « TELECHARGEMENT » ET DEVREZ OUVRIR LE FICHIER AVEC UN LOGICIEL TYPE « ADOBE pdf » GRATUIT OU AUTRE  la-sante-pour-tous_-6-pages-pdf


  1. SDG 3 : Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bienêtre de tous à tout âge. et sous objectifs 3.8 sur la couverture universelle et 3b.
  2. Affaire Martin Skhreli, et plus récemment
  3. EpiPen de Mylan dont le prix à augmenter de 450% entre 2004 et 2016.
  4. Rapport des Senateurs Wyden & Grassley sur la fixation du prix du Solvadi® par Gilead. (Dec 2015)
  5. Deloitte global health care outlook 2015
  6. Produit par Gilead.
  7. En France 100 cancérologue et hématologues ont lancé un appel et une pétition contre le prix exorbitant des médicaments.
  8. Page 9 http://www.msfaccess.orgisitesidefault/files/MSF_assets/Vaccines/Docs/VACieport_TheRightShot2ndEd_FR_2015 .pdf
  9. Aux Etats unis 30% des patients qui ont survécu s’endettent et 3% se déclarent insolvables
  10. https://www.researchgate.net/publication/289712197_Rapid_reductions_in_prices_for_generic_sofosbuvir_and_da clatasvir_to_treat_hepatitis_C
  11. Selon les classifications de la banque mondiale (Revenu National brut)
  12. Accord de commerce : TransPacific Partnership (TPP), Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP)

5 réflexions sur “La santé dans nos sociétés libérales mondialisées.

  1. bernarddominik 13/11/2017 / 11h50

    Ma mère suite à une transfusion a eu l’hépatite C (1984).

    Nous avons commandé au Cameroun Hepazor pour un prix tout a fait raisonnable (3 mois 500 francs). Au bout de 3 mois l’amélioration était très importante. On a commandé un second traitement et ma mère a été totalement guérie, à la grande surprise de son médecin.

    J’ai appelé le labo à Douala et demandé pourquoi il ne demandait pas un agrément en France, on m’a répondu qu’en France les labos sont une mafia soutenue par l’état et qu’un petit labo ne peut pas se faire agréer. Voilà pourquoi guérir l’hépatite coûte si cher.

    • Libre jugement 13/11/2017 / 11h58

      Merci pour ce témoignage. I
      Il eut été aussi très important de nous dire comment vous avez contacter ce labo, par qui avez-vous eut ce renseignement et enfin qu’en a-t-il été vis a vis de la SS.
      Juste a titre d’infos pouvant servir a d’autres patients et compléter votre témoignage, aucun jugement, toutefois, libre a vous de fournir ou pas ces renseignements.
      Cordialement

  2. bernarddominik 13/11/2017 / 15h58

    J’ai eu le nom du labo par une amie qui connaissait des missionnaires qui ont exercé au Cameroun et lui avaient parlé de ce médicament.
    Le laboratoire hepasor est à Douala j’avais eu son téléphone par les renseignements internationaux.
    Sur google il faut chercher « hepasor douala « .

    Une précision: la sécurité sociale ne rembourse pas ce médicament, pour elle il n’existe pas

    • Libre jugement 13/11/2017 / 15h59

      Grand merci d’avance pour ceux qui en auraient le plus grand besoin.
      Cordialement.

  3. fanfan la rêveuse 14/11/2017 / 7h31

    Merci bernarddominik de nous donner la preuve que tout ceci est une histoire d’argent. Inconcevable qu’on puisse jouer avec la santé, la vie des gens à ce point…
    Merci à vous Michel de nous transmettre ces informations.
    Bonne journée à vous !
    🙂

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