Barcelone, contre Madrid ou l’inverse !

Mises au point en vrac sur la « transition », la constitution espagnol de 1978, Rajoy, etc.

Franco meurt dans son lit le 20 novembre 1975. La droite franquiste tente de se recycler rapidement. L’anti-franquisme est puissant. Le 26 décembre 1978 se tient un référendum constitutionnel, l’Espagne a le statut de monarchie parlementaire, est définie comme un état non confessionnel (ce qui ne signifie pas laïque). Le processus de la « transition » est fait de compromis boiteux sous l’épée de Damoclès de l’armée.

La constitution prévoit 17 « communautés autonomes » et trois communautés dites « historiques » : Galice, Pays basque, Catalogne. (67,1% de votants, forte abstention en Galice, Pays basque, et moins en Catalogne.) La constitution fut l’œuvre de sept rédacteurs, franquistes recyclés, socialistes, et un communiste catalan du PSUC : Jordi Solé Tura.

En 1978, en votant la constitution, la majorité des Espagnols se prononçaient pour la démocratie, et peu avaient conscience de voter aussi pour la monarchie. Les dés étaient pipés. Or, dans la constitution, le roi n’est pas une potiche. Il commande les Armées, nomme le chef du gouvernement, et peut dissoudre les Cortes. La constitution est d’entrée marquée par le libéralisme et le néo-franquisme (insistance répétée sur « l’unité de l’Espagne », etc.)

L’article 38 prévoit que « la liberté d’entreprise est reconnue dans le cadre de l’économie de marché. Les pouvoirs publics garantissent et protègent son exercice. » Plus tard, la lutte contre les déficits fut inscrite comme une priorité dans le marbre constitutionnel.

Faut dire également que de 1939 à 1975, Franco gouverna sans constitution, légiférant par « fueros » arbitraires (lois organiques).

Le sinistre Tribunal d’Ordre Public (TOP), sa Brigade politico-sociale, qui ensanglantèrent l’Espagne de 1963 à 1977, ne furent supprimés qu’au cours de ce processus. Une partie des « compétences » du TOP furent transférées à l’actuelle « Audiencia nacional », la majorité des juges recyclés à l’ultra-conservateur Tribunal Suprême. De nombreux juges d’aujourd’hui, tout comme la majorité de la droite, n’ont pas coupé le cordon ombilical qui les unit toujours au franquisme. Dans ce contexte, peut-on donc parler de « démocratie solide » ? Le 12 mai 2015, l’ex-chef de l’Armée de l’air, le général González Gallarza, déclara que « Podemos’ aurait dû être interdit ».

Les Archives de la Phalange, des prisons, des « gobernadores civiles » (sorte de préfets) ont mystérieusement disparu. Le gouvernement espagnol reste insensible aux demandes faites par l’ONU de supprimer la loi d’amnistie (en fait d’impunité) de 1977. La dictature resta terriblement terroriste, jusqu’au bout. Le 27 septembre 1975 furent exécutés cinq militants du FRAP, condamnés à mort par le Tribunal militaire de Burgos.

La répression, la terreur, allèrent toujours de pair avec l’accumulation de richesses pour une étroite oligarchie, essentiellement des familles de banquiers et de financiers, qui dès le départ aidèrent Franco dans son putsch d’anéantissement des forces progressistes.

On me reproche parfois de traiter Rajoy de « néo-franquiste ». Au journal gratuit « 20 minutes », il déclarait le 20 février 2008 : « Je ne donnerais, en ce qui me concerne, pas un centime des finances publiques à ces effets (pour récupérer la mémoire historique) ». Dans la foulée, il supprima toute aide aux associations mémorielles et d’ouverture des fosses communes, et il ferma le 02/03/2012, le « Bureau des victimes de la guerre civile et de la dictature ». Ce centre ministériel avait déjà réalisé un travail de recensement considérable et permettait aux victimes et familles de victimes d’avoir des interlocuteurs, et d’avancer parfois dans les dossiers.

Voilà pourquoi je traite Rajoy de « néo-franquiste ». Parce qu’il l’est.


Blog de Jean Ortiz – Source


 

2 réflexions sur “Barcelone, contre Madrid ou l’inverse !

  1. bernarddominik 12/11/2017 / 11h32

    C’est tout à fait vrai. Il faut rajouter aux banquiers l’oligarchie terrienne qui avec l’église catholique possédait la plus grande partie du foncier, et surtout le foncier « utile ». Ils permirent à Franco de financer sa guerre contre la république.

    La constitution espagnole est loin d’être la plus démocratique du monde contrairement aux affirmations de Manuel Valls, d’ailleurs contredit par sa sœur qui n’a pas oublié qu’ils ont fui le franquisme.

    D’ailleurs les menaces des généraux contre Podemos ne sont pas à prendre à la légère, le roi Juan Carlos avait évité un coup d’état, parce qu’il connaissait bien les généraux ayant été coopté par eux et Franco, et élevé dans le sérail militaire, et ce qui a été promis en échange de l’arrêt du coup d’état est resté secret.

    En Espagne les franquistes tiennent toujours 2 leviers importants du pouvoir l’armée et la justice. Mais, pour moi, cela ne justifie pas l’indépendance de la Catalogne, qui n’a jamais constitué seule un état, elle a été partie du royaume d’Aragon, mais jamais seule, sinon comme marche sud du royaume des carolingiens.

    • Libre jugement 12/11/2017 / 11h54

      Il me semblait important de « sortir » cette information de la nuit ou elle est consciencieusement enfouie par le médias préférant a l’explication financière, linguistique, politique et historique, la diffusion de vastes plans des manifestants d’ici ou là sans explications véritables, évitant ainsi toutes prises de parti pris envers Madrid ou Barcelone.

      Quant a l’indépendance totale de la Catalogne je n’y crois pas un seul instant. De cette situation qu’en sortira-t-il ??

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