Les enfants plus perméables aux fausses nouvelles.

Pour les aider les enfants à décrypter ce nouveau mal que sont les « fake-news » ces Infos arrangées (selon la position politique, cultuelle, intellectuelle ou des intérêts personnels d’une personnalité d’un évènement d’un acteur), par les média ou de les organismes « de presses ou les attachés, habilités » qui les diffusent ; des sessions d’éducation aux médias sont organisés dans les écoles.

Au fond de la jolie salle de classe trône une affiche de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. On y retrouve des allégories et symboles incarnant la philosophie du texte fondateur de la République française : le bonnet phrygien, la lance des sans-culottes, une table de Loi, le tout surmonté d’un œil – la raison – lui-même encadré d’un triangle équilatéral – l’égalité.

Un jour, Géraldine Gythiel, enseignante dans cette école du XIe arrondissement de Paris, l’a montrée à ses élèves de CM2. “Ils m’ont tout de suite parlé des Illuminati pour évoquer l’œil, raconte-t-elle. Ils sont en plein dans les théories du complot, or ils n’ont que 10 ans ! Ça fait longtemps que j’ai des CM2, et ça, c’est un phénomène récent. Ça a été mon déclic pour débuter leur éducation aux médias.”

Les écoles sont invitées à participer à la Semaine de la presse et des médias dans l’école. Organisée tous les ans depuis 1983 dans les établissements scolaires par le Centre pour l’éducation aux médias et à l’information (Clemi), service rattaché au ministère de l’Education nationale, elle vise à sensibiliser les élèves, à développer leur esprit critique et à décrypter l’information.

Des enfants influencés par les réseaux sociaux

Un enjeu à l’acuité plus essentielle que jamais, à l’ère des fake news, des intox de la fachosphère et du complotisme – depuis quand des gamins d’à peine 10 ans sont-ils au fait de rumeurs conspirationnistes, qui se répandent aussi vite que l’encre sur leurs papiers buvards ? –, mais aussi de la multiplication des écrans dans les foyers et des bouleversements induits par les réseaux sociaux.

D’après une étude sur les habitudes des jeunes citée cette année dans le premier guide du Clemi destiné aux parents, très demandeurs de conseils, il y aurait chez les enfants “une montée en puissance des sites de réseautage social comme Facebook ou YouTube pour s’informer”. Géraldine l’a déjà constaté : “Certains n’utilisent qu’internet et YouTube, et prennent tout pour argent comptant. On a déjà fait un exercice pour savoir si des sources étaient fiables. Ils se trompaient.”

D’où vient l’info ? Voilà donc la question à laquelle doivent répondre par petits groupes Caspar, Amine, Joséphine, Anouk et leurs copains, via des exercices animés par des parents d’élèves… journalistes, ça tombe bien. L’un d’eux consiste à étudier comment une fausse info – la découverte d’une cité maya au Mexique – a pu se propager dans les médias, pourquoi, et ce qui aurait dû être fait pour l’éviter.

Une petite blonde au sweat à motifs emojis tente un “ça intéresse les gens”. Les journalistes, eux, expliquent qu’“il faut toujours vérifier l’information, la recouper” et que les médias l’ayant diffusée auraient dû la faire confirmer par des personnes compétentes. Qui donc auraient-ils pu contacter ? “Des journalistes du Monde ? De Libé ?”, s’interroge un petit garçon. “Hmm…” “Des descendants des tribus ?” “Hmm…” “Un géologue ?” “Ah, c’est intéressant, ça !”

Une éducation aux médias nécessaire dès l’enfance

Les enfants, à force de s’interroger, finissent par trouver eux-mêmes la bonne attitude à adopter face à une info peu fiable et, surtout, commencent à comprendre comment repérer une source qui ne l’est pas. Ils doivent d’ailleurs étudier un tweet du président américain, qui annonçait un (faux) attentat en Suède, le corrélant à l’accueil de migrants. Réaction première des écoliers : “Oh, Trump ! Il est pas beau !” L’un d’eux ajoutant qu’il “est tout rouge” – pas de doute, les enfants, eux, racontent la réalité telle qu’elle est.

Reste que “sur Twitter, il peut y avoir plein de mensonges”, comme le rappelle une des journalistes, qui leur demande pourquoi Trump fait cela. “Pour refuser des réfugiés”, clame un Caspar perspicace. “Oui, il essaie de faire passer une info fausse, car c’est dans son intérêt. C’est de la communication, pas de l’information.” Le message semble passé.

Pour Virginie Sassoon, responsable du pôle Labo au Clemi, “plus on commence tôt l’éducation aux médias, mieux c’est. Il est plus facile d’apprendre à un enfant les gestes simples à adopter que de le faire avec un ado qui croit dur comme fer que le site d’Egalité et réconciliation (asso fondée par Alain Soral, souvent taxée d’antisémitisme – ndlr) est fiable.”

En rupture de confiance avec les médias traditionnels

D’autant plus que “l’intérêt des jeunes est réel” – elle a raison : les questions fusent, les bras se lèvent, des discussions s’engagent. Et Virginie Sassoon d’ajouter que “les réseaux sociaux, s’ils sont aussi une chance énorme, ajoutent une complexité supplémentaire, d’où l’urgence encore plus forte de développer l’esprit critique des enfants. Au-delà de l’accès de plus en plus précoce au web, il y a eu une rupture dans la confiance en les médias traditionnels, notamment depuis les attentats de 2015.”

La preuve encore, s’il en était besoin, dans une autre classe de CM2 à Paris, dans le XVe arrondissement. A la question posée par leur instit Sophie Follioley – “C’est forcément vrai ce qu’il y a dans les journaux ?” –, des “oui” et des “non” émergent de la cacophonie. La professeure, ancienne journaliste, s’en inquiète. Concernant le complotisme, certains enfants, à l’instar de Charles, fan de foot devant l’éternel, ne savent pas ce que c’est. On lui explique.

Réaction : “Ah, en fait, ils nous induisent en erreur !” Ryan pense, lui, que “ces gens-là veulent créer une guerre, et (que) ça les amuse”. Lina, elle, semble imprégnée du contexte électoral actuel : “En présidentielle, on peut donner de fausses informations pour essayer de faire perdre son adversaire.” Face aux nombreux noms nous venant à l’esprit, on ne sait pas à qui elle fait référence.


Amélie Quentel  – Les Inrocks – Source