Revoir les relations entre partenaires européens ou mondiaux …

Pour une mondialisation solidaire des échanges

A gauche, nous n’avons guère de mal à nous mettre d’accord pour fustiger le libre échangisme commerciale. La tâche devient, en revanche, plus complexe lorsqu’il s’agit de s’entendre sur le type de régulation progressiste des échanges à promouvoir. Certains débats, aussi vifs que contradictoires, sur le « protectionnisme » illustrent parfaitement cette difficulté. Rappelons donc quelques repères de base favorisant entre nous une confrontation d’idées claire et sereine.

Une première idée est évidente, mais, par les temps qui courent, mieux vaut la rappeler explicitement : les discours protectionnistes à teneur xénophobe, raciste, identitaire que véhiculent les discours de l’extrême droite comme de la droite extrême appellent de la part des progressistes une riposte radicale dénuée de toute ambiguïté.

Une autre idée peut facilement nous rassembler : le combat contre tout mécanisme de mise en concurrence des peuples est le b.a.ba des forces de gauche dignes de ce nom. L’actuelle Union européenne (UE) fourmille de dispositions de ce type qui n’engendrent en réalité que des perdants par m i les travailleurs qu’elles cherchent à opposer. C’est pourquoi la rupture avec ces règles perverses doit, dans toute la mesure du possible, faire l’objet de luttes communes, par-delà les frontières. C’est le cas de la compétition fiscale entre États membres (pour attirer les entreprises au détriment du voisin) qui va en général de pair avec un droit du travail « compétitif », c’est-à-dire au rabais (voir l’Irlande). Cela vaut également pour le système dit des « travailleurs détachés » (pour tirer vers le bas les conquêtes sociales des uns et maintenir au plus bas niveau possible le « coût du travail » des autres). Nos actions ne doivent pas viser les travailleurs « détachés » mais le système qui les manipule.

D’une façon générale, l’action, on ne peut plus légitime, en faveur de « protections » des droits des Français doit veiller à n’être pas « récupérable » par les pêcheurs en eau trouble. La réaffirmation systématique de l’objectif de faire converger vers le haut les droits sociaux dans l’ensemble de l’UE est, à cet égard, indispensable. Le même esprit solidaire s’applique naturellement à l’international, particulièrement envers les pays en développement ou émergents : si nous voulons agir pour la mise en place d’une sorte de « visa » d’accès au marché européen pour les entreprises (exigeant de leur part le respect de normes sociales et environnementales minimales), cela doit aller de pair avec une politique de coopération très ambitieuse avec les pays du Sud favorisant leur capacité à satisfaire à ces exigences.

Bref, loin de nous barricader derrière nos frontières, nous considérons le « développement humain durable » comme un objectif universel. En vertu de ce choix, nous demandons le respect du droit de chaque pays, s’il le souhaite et le peut, de réserver une partie de son marché intérieur à ses productions nationales. Et nous appelons de nos vœux, dans le même temps, la promotion d’échanges – tant à l’intérieur de l’UE qu’avec les autres régions du monde -, mais qui soient régulés de façon à proscrire les dominations. Ce devrait même devenir l’une des raisons d’être d’une Europe « refondée » que d’user de son poids pour impulser ce type de mondialisation solidaire. On aura compris que le terme de « protectionnisme », parce qu’il renvoie à un système fondé sur une approche crispée et unilatérale des enjeux de notre temps, me paraît inapte à traduire une vision progressiste des relations internationales.


La chronique de Francis Wurtz, député honoraire du Parlement européen. Source