De Podemos à J-L. Mélenchon en passant par B. Hamon …

(…) …une Belge de 73 ans, dont les thèses – défense d’un populisme de gauche, nécessité de la conflictualité en politique, appel à « radicaliser la démocratie » – ont mis du temps à germer dans le débat public. Autrefois marginales, ces idées constituent désormais le socle idéologique du mouvement La France insoumise ou encore de Podemos en Espagne.

Mais qui est cette professeure de théorie politique à l’université de Westminster qui réarme intellectuellement une gauche que l’on croyait définitivement convertie au social-libéralisme ?

(…) … depuis la publication en France de L’Illusion du consensus, en mars 2016 : « Je l’ai publié en anglais il y a maintenant onze ans, mais tout le monde m’en reparle, s’amuse-t-elle. Il faut croire que le constat que je tirais est très actuel. Mon propre pays m’a découverte à la faveur de cette traduction ! »

Dans cet ouvrage paru chez Albin Michel, Chantal Mouffe qui fut l’épouse du philosophe Ernesto Laclau (décédé en 2014) analyse la montée de l’abstention et le succès des partis populistes de droite en Europe comme « la conséquence directe de l’absence d’un vrai débat démocratique », et plaide pour la « production d’une représentation conflictuelle du monde, avec des camps opposés auxquels les gens puissent s’identifier ».

(…) elle cosigne avec son mari,  un ouvrage majeur, Hégémonie et stratégie socialiste, en 1985. Traduit en français plus de vingt ans après sa parution en anglais, il a eu un impact déterminant sur les gauches européennes, traumatisées à la fois par l’expérience du « socialisme réel » et par l’agonie de la social-démocratie.

“Réussir à rassembler classe ouvrière et classes moyennes”

Pour la marraine de Podemos, la classe ouvrière seule ne peut plus être considérée comme le moteur de l’histoire. “Il y a dans nos sociétés une multiplicité de demandes démocratiques hétérogènes, analyse-t-elle. Il faut prendre en compte les demandes populaires de la classe ouvrière, laissées de côté par la social-démocratie, mais aussi les nouvelles demandes comme celles des classes moyennes. Une partie d’entre elles profitent de la mondialisation, mais d’autres en souffrent. Le véritable défi pour le populisme de gauche, c’est de réussir à rassembler les deux. Et ça, Jean-Luc Mélenchon l’a très bien compris en s’emparant du thème de l’écologie, un sujet qui affecte tout le monde.”

Le candidat de La France insoumise n’est pas le seul à se réapproprier ces conseils éclairés. Alors que le Parti socialiste traverse une crise idéologique et électorale (…)

Pour son premier grand meeting dans la course à la primaire de la Belle Alliance populaire, à Paris, Benoît Hamon a habilement cité la philosophe pour donner de l’épaisseur intellectuelle à sa candidature. Dans son QG de campagne, (…) le candidat de la gauche du PS, venu du rocardisme, entérine son diagnostic : “Elle a raison de dire qu’il faut assumer la conflictualité du débat, c’est vital pour la démocratie, de même qu’il faut assumer le clivage droite-gauche en construisant clairement deux projets de société antagoniques.”


David Doucet, Mathieu Dejean – Les Inrocks Source (petit extrait)


chantal-tt-width-400-height-608-fill-0-crop-0-bgcolor-eeeeeeL’Illusion du consensus, Albin Michel ,170 pages, 17,50 €, 2016.