Guillaume Le Blanc – Nous avons vraiment perçu le caractère intolérable de la crise migratoire, notamment avec les événements de Sangatte. L’amplification de la crise nous a poussés à entrer dans l’analyse presque malgré nous (…) d’où l’idée de faire un “reportage d’idées”(…).
On est attachés à cette philosophie sous forme d’enquêtes de terrain, en considérant que les idées ne naissent pas seulement dans les livres, [les reportages et analyses diverses realisés par l’ensemble des médias] mais aussi dans la tête des gens, et sont liées à des événements, à des lieux : il fallait aller les voir de près pour mieux comprendre où l’on en était de l’hospitalité aujourd’hui en Europe.
Quel impact votre enquête de terrain a-t-elle eu sur votre réflexion historique et philosophique ?
Guillaume Le Blanc – Elle a été fondamentale. Le livre (1) est nourri de ce qu’on a pu voir sur différents terrains, des gens que nous avons rencontrés. Nous sommes allés de manière plus ou moins anonyme dans différents endroits, car nous ne voulions pas rentrer au nom d’une association particulière. Selon les cas, il n’était pas toujours facile de pénétrer dans les camps.
A Grande-Synthe, à Calais, dans la “jungle”, ça a été très difficile, comme à Tempelhof à Berlin. Mais il était très important de traverser ces zones d’hostilité pour tenter de comprendre ce que pouvaient ressentir les demandeurs de refuges, pour être confronté à la géographie des camps, ces hors-lieux.
Fabienne Brugère – Le projet était de passer par une philosophie sensible, de voir un certain nombre de choses, sans avoir pour autant la naïveté de croire que ce qu’on allait observer pouvait tout expliquer. Nous voulions trouver une manière d’écrire, puis la lier à des textes de philosophie et de littérature qui nous paraissaient particulièrement importants sur cette question de l’hospitalité.
Guillaume Le Blanc – (…) Aujourd’hui, il y a une tentation de considérer, au mieux, le migrant comme une victime, donc sur un mode compassionnel, au pire de le voir comme un barbare, un envahisseur. Alors que lorsqu’on discute avec un demandeur de refuge, on est confronté à une très grande intelligibilité de sa migration, il y a une rationalité évidente des raisons de partir, de ce que ça implique, de ce qu’on attend ailleurs, et cette rationalité doit être restituée. (…)
Vous appelez à un “réalisme de l’hospitalité”. Comment le définissez-vous ?
Guillaume Le Blanc – Sur le plan philosophique, le réalisme de l’hospitalité suppose de critiquer un modèle seulement éthique de l’hospitalité fondé sur l’idée que l’hospitalité est seulement domestique. On ouvre sa porte et on laisse entrer quelqu’un. Il ne s’agit pas de critiquer cette hospitalité mais seulement de souligner qu’elle ne peut pas tenir lieu de programme politique. On plaide pour un modèle politique qui consiste à dire qu’il n’y a pas d’hospitalité sans la création d’un dispositif, d’un lieu de refuge. Et c’est à la création durable de dispositifs qu’il faut politiquement œuvrer. (…)
L’hospitalité, n’est-ce pas finalement une manière de défendre le socle d’une pensée politique progressiste globale ?
Fabienne Brugère – Nous défendons les logiques d’inclusion parce qu’elles donnent la possibilité d’un monde ouvert, ce qui ne veut pas dire un monde ouvert à tout-va. Il faut penser la possibilité que se constituent de nouvelles pratiques politiques. Et c’est pour ça que nous défendons aussi un modèle de la participation en politique. L’hospitalité, c’est aussi être hospitalier à ce que les citoyens peuvent apporter. Il existe, de ce point de vue, une véritable inventivité d’une partie de la société. (…)
Propos recueillis par Fanny Marlier et Jean-Marie Durand – Les Inrocks – Source (Extrait)
- La Fin de l’hospitalité – Lampedusa, Lesbos, Calais… jusqu’où irons-nous ? de Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc (Flammarion), 240 pages, 18 €
le vocabulaire est important : on parle de migrants, ces hommes, ces femmes leurs enfants qui auraient voulu rester chez eux, car majoritairement ils n’ont pas choisi de partir, ils essayent de sauver leur peau, et ont été doublement victimes.
En d’autres temps, nos parents ont fui devant l’envahisseur, jetés sur les routes, nos ainés s’en souviennent, mon frère avait 4 ans.
alors que la justice ne condamne pas ceux qui aident, qui hébergent et offrons leur des conditions d’accueil dignes, ne construisons pas de murs, jetons des ponts,