LA SANTÉ POUR TOUS !

Clé de voûte de nos sociétés, une promesse en danger ?

Nous sommes sur le point de franchir un virage en matière d’accès aux soins. Alors que la richesse mondiale s’accroît, l’ambition commune – qui mobilise les États, l’Industrie, les patients et les citoyens, – d’un accès aux médicaments montre paradoxalement des signes de faiblesse dans sa mise en œuvre. Avec une question corollaire : franchirons nous ce virage ensemble ou séparément ?

Une ambition portée par les états pour l’horizon 2030

Adopté en septembre 2015, lors de la 70ème session de l’Assemblée Générale des Nations unies, par les Chefs d’États, le programme de développement durable dans le cadre de l’objectif (1) vise à apporter une couverture universelle au plus grand nombre.

Noble ambition politique, enjeu industriel majeur, légitime aspiration des peuples, la prophétie de la couverture sanitaire pour tous a-t-elle un espoir de se réaliser ?

Pour apprécier la possibilité d’y répondre par l’affirmative, il semble important de revenir en premier lieu sur la vocation de la médecine. En effet, si l’objectif est de préserver et de restaurer la santé de chacun, pouvons-nous nous satisfaire de réduire les produits de santé-notamment pour les maladies principales-, à des biens de consommation courants tels que machine à laver, téléphone etc. L’accès aux médicaments pour tous dépend de la sincérité de la réponse à cette question par chacun des partenaires de la santé.

La réalité du système

Tout le monde s’accorde à dire que si le prix des médicaments est un des leviers qui favorise l’accès aux traitements pour tous, force est de constater que les discussions sont, aujourd’hui, dominées par l’exigence de rentabilité des actionnaires. Bien évidemment, chacun s’efforce de justifier sa position mais ne lâche rien. Quand les traitements anciens ne sont plus rentables, l’industrie pharmaceutique abandonne leur production. Certaines molécules dont les brevets ont expiré sont rachetées et deviennent des produits de spéculation (2). D’autres en situation de monopole sont en position de force et permettent une augmentation de leurs tarifs (3). Enfin, quand de nouveaux traitements apparaissent, leur prix atteint des niveaux difficiles à justifier.

De fait, nous assistons à une inflation généralisée du coût des nouveaux médicaments. Préoccupation ancienne des pays en développement, ce sujet affecte désormais tous les pays : la pression budgétaire et financière sur les systèmes de Santé et sur l’assurance maladie, notamment tiré par le vieillissement de la population et la croissance démographique mondiale, est telle que des voix s’élèvent aux États unis (4), en Europe pour s’alarmer de l’augmentation sans précédent de la facture liée à l’introduction de certains médicaments et vaccins. De fait, c’est un marché juteux pour l’industrie : les experts projettent un accroissement des dépenses de santé de 5,2% par année entre 2014 ‐2018 (5) quand la croissance mondiale plafonne à 2,5%.

L’appât du gain semble prendre le pas sur l’ambition d’un accès aux médicaments pour tous, laissant sur le carreau de nombreux patients en attente de traitement.

En 2013, l’arrivée sur le marché du premier traitement oral contre l’hépatite C – le Sofosbuvir (Sovaldi® (6)) a mis le feu aux poudres. Le coût du traitement est prohibitif: au gramme il est 67 fois plus cher que l’or ! Le coût d’un traitement de 12 semaines est de 84 000 $ aux USA et de 46 000 € en France. Il force les États à la mise en place de stratégies de rationnement alors que son coût de production par traitement (101$) est par ailleurs modeste.

L’escalade des prix s’impose petit à petit, elle touche aussi les traitements dits innovants contre le cancer où les médicaments orphelins. En France comme dans de nombreux pays certains médecins ont exprimé leurs préoccupations (7).

Pour de nombreux pays en développement, l’introduction de nouveaux vaccins dans le calendrier vaccinal leur nombre a doublé entre 2001 et 2014 ‐a multiplié par 68 le coût d’immunisation d’un enfant (8

Bien sûr, ces stratégies ne sont pas sans conséquences sur la santé des populations. Selon leur capacité budgétaire, le choix laissé à certains gouvernements se traduit par la mise en place de stratégies de rationnement, ou à l’indisponibilité des nouveaux traitements dans le système de santé publique et d’assurance privée. Pour certains patients, l’endettement personnel (9) est bien souvent le dernier recours pour accéder à ces nouveaux traitements, et tenter de sauver leur vie.

Pour justifier ces prix, l’industrie invoque le coût élevé des investissements en Recherche et Développement (R&D) sans pour autant s’engager dans un effort de transparence sur le montant réel de ces investissements. Cet argument est contestable et largement contesté par de nombreux chercheurs qui démontrent que la fixation des prix procède plus d’une logique d’optimisation des revenus que d’amortissement des charges (10).

Autre réalité, à l’échelle mondiale, les patients ne sont pas égaux, le prix d’un médicament est fixé selon le niveau de richesse des pays bien que dans nombreux cas les pays à revenu intermédiaires paient plus cher leurs médicaments que les pays riches (11). En transposant cette logique à un bien de consommation, c’est un peu comme si le prix d’achat du smartphone dernier cri variait en fonction du revenu annuel des acheteurs.

Un autre obstacle à l’accès aux médicaments se niche dans les négociations en cours de certains accords de commerce (12) qui poussent entre autres pour l’abaissement des critères de brevetabilité ce qui aura pour conséquence de retarder l’arrivée de versions génériques abordables et largement utilisées par les pays en développement.

Réformer notre approche

L’expression de l’ambition des Chefs d’État dans la formulation des objectifs de développement durable est compromise par la multitude des stratégies qui entérinent une logique de profit plus que de partage. Faute d’un véritable dialogue, tout le monde se perd dans une foule de négociations sans fin pour tenter par la force et la ruse de trouver une clé de voûte qui immobilise les positions. Dans ce jeu-là tout le monde veut sortir seul et vainqueur. A ce rythme, nous sommes condamnés à la vie à la mort, au combat.

Si l’humanité est une utopie alors poursuivons là, sortons de la logique de nos écosystèmes pour tenter un instant d’entrevoir la possibilité d’une issue gagnant-gagnant.

Repensons la question de l’accès aux médicaments, du financement de la Recherche et du Développement, posons un cadre qui permette aux états, aux patients et à l’industrie d’être solidaires et gagnant. Si l’ambition d’un accès pour tous est bien la finalité des parties, nul doute que nous trouverons les réponses et les moyens de l’atteindre. Les États parce qu’ils portent la responsabilité du collectif sont en position de leadership pour poser les termes du débat. L’intervention publique y compris financière (subventions, avantages fiscaux, facilités de marché) est sans aucun doute une des clefs qui permettra de garantir un résultat collectif durable.

Plusieurs initiatives œuvrent dans ce sens comme le Panel de Haut niveau sur l’accès aux médicaments (13) qui a rendu son rapport public mi‐septembre. Portée par le Président François Hollande, la question du prix des médicaments et de l’innovation mise à l’ordre du jour de la réunion des chefs d’états du G7 en mai dernier. Il Reste maintenant aux ministres de la Santé à développer une feuille de route qui permette à tous les partenaires de la santé de contribuer à la mise en place de nouvelles stratégies.

Il est temps d’avoir le courage de repenser nos modèles, l’ambition des objectifs de développement durable nous y engage.


Nathalie Ernoult, chercheuse associée à l’iris, septembre 2016 – Rubrique « Humanitaire et développement ».


  1. SDG 3 : Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge et sous objectifs 3.8 sur la couverture universelle et 3b.
  2. Affaire Martin Skhreli, et plus récemment
  3. EpiPen de Mylan dont le prix à augmenter de 450% entre 2004 et 2016.
  4. Rapport des Senateurs Wyden & Grassley sur la fixation du prix du Solvadi® par Gilead. (Dec 2015)
  5. Deloitte global health care outlook 2015
  6. Produit par Gilead.
  7. En France 100 cancérologue et hématologues ont lancé un appel et une pétition contre le prix exorbitant des médicaments.
  8. Page 9 http://www.msfaccess.org/sites/default/files/MSF_assets/Vaccines/Docs/VAC_report_TheRightShot2ndEd_FR_2015.pdf
  9. Aux Etats unis 30% des patients qui ont survécu s’endettent et 3% se déclarent insolvables
  10. https://www.researchnet/publication/289712197_Rapid_reductions_in_prices_for_generic_sofosbuvir_and_daclatasvir_to_treat_hepatitis_C
  11. Selon les classifications de la banque mondiale (Revenu National brut)
  12. Accord de commerce: TransPacific Partnership (TPP), Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP)
  13. http://www.unsgaccessmeds.org/final-report/

6 réflexions sur “LA SANTÉ POUR TOUS !

  1. fanfan la rêveuse 11/12/2016 / 9h21

    L’argent pourrit tout, avec les mentalités actuelles, voilà un duo explosif…L’attitude des labos et des actionnaires est honteux… La prise de conscience est pour quand ? Lorsqu’il sera trop tard ! Dans quelle société nous vivons…

    • Libre jugement 11/12/2016 / 11h16

      Les infos sélectionnées sur ce blog, n’ont qu’un but : Informer.
      En aucun cas elles sont destinées à ne voir en elles qu’un pessimisme français ou international sans solution; bien au contraire c’est en sachant que la population peut agir.

  2. fanfan la rêveuse 12/12/2016 / 8h00

    Je note !
    Simplement il est une réalité, en France nous râlons beaucoup assis bien au chaud dans notre petit confort qu’il ne faut surtout pas toucher. Forte de ce constat, je vous souhaite une très bonne journée Michel

    • Libre jugement 12/12/2016 / 10h25

      l’Union fait la force …
      Amitié de blogueur et bonne journée Françoise

  3. fanfan la rêveuse 12/12/2016 / 10h08

    Neo-nutrition : La lettre de la nutritherapie
    Chère lectrice,
    Cher lecteur,

    Je pensais qu’on avait touché le fond…

    Mais là, ça dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer.

    Avec 20 dollars, des lycéens australiens sont parvenus à répliquer le principe actif du Daraprim, un médicament vendu 35 000 dollars !!! Soit 32 000 euros.

    Bien entendu, peu de patients paient cash leur Daraprim à 35 000 dollars…

    La somme est en général prise en charge par les assurances santé.

    Mais que ces assurances soient publiques ou privées, ce sont au bout du compte les citoyens qui payent, et la collectivité qui s’appauvrit – mis à part les labos.

    Toujours les mêmes qui paient

    Ce système magique permet aux labos de s’arranger avec les fonctionnaires de la santé pour leur vendre des médicaments tout bêtes à des prix… délirants.

    Et je mâche mes mots, car la boîte de Daraprim est en réalité vendue entre 35 000 et 110 000 dollars [1] !

    Je crois que l’expression qui qualifie ce genre de pratiques est « détournement de fonds publics », ou plus crument « racket organisé ».

    Le médicament répliqué en classe de chimie

    Le Daraprim est utilisé pour combattre la toxoplasmose (infection liée à un parasite) ou prévenir la toxoplasmose chez les patients atteints du VIH. Dans certains cas, on l’utilise en combinaison pour soigner la malaria [2].

    Certes, les lycéens ont mis quelques mois pour produire 3,7 g de pyriméthamine (substance active du Daraprim) pour 18 euros.

    Mais il existe un médicament générique imitant le Daraprim qui est vendu 1 dollar le comprimé. Problème : il n’est pas approuvé par toutes les agences du médicament.

    Des prix à la tête du client

    Est-ce que ce générique vendu 1 dollar est un médicament low cost ?

    Pas particulièrement, car en 2009 le Daraprim coûtait lui-même 1 dollar le comprimé [3].

    Puis en 2014 son prix est passé à 13,50 dollars le comprimé.

    En 2015, après le rachat du fabricant, son prix est passé à 750 dollars le comprimé !

    Enfin, en 2016, son prix a été ramené à 375 dollars le comprimé – conséquence du scandale.

    Pire même, le prix du Daraprim est resté bas dans de nombreux pays. En Australie, il coûte simplement 2 dollars le comprimé.

    Tout est à la tête du client.

    Et ce n’est qu’un scandale parmi tant d’autres qui n’ont pas encore éclaté…

    Des abus en tous sens

    On ne compte plus les médicaments dont le prix a augmenté, voire quadruplé ces dernières années :
    Le géant Mylan a fait passer de 57 à 500 dollars le prix de son médicament EpiPen contre les allergies [4].

    Pfizer et Flynn Pharma ont changé le nom de leur médicament anti-épilepsie, Epanutin, et en ont profité pour augmenter son prix de 2 600 % [5]. C’est-à-dire que l’Epanutin qui coûtait environ 40 Livres Sterling, coûte à présent 1 000 livres – bah voyons…

    En 2000, une cure contre le cancer coûtait en moyenne 1869 dollars par mois [6]. Quatorze ans plus tard, ces nouvelles cures coûtent en moyenne 11 325 dollars par mois !

    Un exemple parlant est celui du médicament Imatinib (connu sous le nom de Gleevec). Lancé en 2001, il était vendu 3346 dollars par mois. En 2014, le même médicament est vendu 8479 dollars par mois !

    Le laboratoire Gilead vend son médicament contre l’hépatite C (Solvadi), 84 000 dollars pour un traitement de 12 semaines [7]. Or le même traitement Solvadi coûte 900 dollars au Brésil, en Inde, et en Iran…

    Sans parler des astuces des grands labos pour préserver leur monopole sur les ventes. Par exemple, modifier légèrement leurs molécules pour prolonger leurs brevets. Comme quoi la sortie d’un nouveau médicament n’est pas toujours le signe que la médecine progresse.

    Que pouvons-nous faire ?

    C’est le combat de David contre Goliath.

    Les lobbys et les gouvernements complices poussent leurs pions toujours plus loin.

    Ils tentent des trucs toujours plus gros. Et ça passe presque à chaque fois !

    Entre parenthèses, ils doivent être surpris de la docilité des populations.

    Le problème est que, face à ce genre de scandales, nous ne savons généralement pas comment réagir de façon concertée et efficace.

    Pour moi, la seule organisation en France qui ait la force de frappe pour réagir et faire entendre la voix des patients et citoyens est l’IPSN – Institut pour la Protection de la Santé Naturelle.

    Ils organisent constamment des rencontres, congrès, actions publiques… Je vous les relaye parfois mais sachez qu’ils ont une lettre d’information gratuite fort bien faite, qui est une mine d’informations sur tout ce qui compte, tout ce qui bouge dans la santé naturelle.

    Vous pouvez vous inscrire en un clic à leur lettre grâce au lien suivant.

    Vous serez ainsi toujours parmi les premiers à être informé de leurs actions :

    Je souhaite recevoir la lettre d’information gratuite de l’IPSN (Institut pour la Protection de la Santé Naturelle) – un clic suffit pour vous inscrire.

    Merci de votre engagement.

    Bien à vous,

    Eric Müller

    • Libre jugement 12/12/2016 / 10h32

      Tout comme l’article, nous rentrons là dans des infos que seuls des pro peuvent vérifier. N’étant pas qualifié ne sous-entend pas qu’il faut pas en tenir compte. Tout comme l’article, nous rentrons là dans des infos que seuls des pro peuvent vérifier.

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