Valls et les promesses faites au Medef.

Manuel Valls a annoncé que le taux de l’impôt sur les sociétés (IS) serait ramené, en 2017, à 28 % pour les PME en fonction de l’importance du bénéfice taxé. Aujourd’hui, nous avons un système à deux étages.

Le taux de l’IS est actuellement de 15 % sur les bénéfices jusqu’à 38 000 euros. Mais l’entreprise doit faire un chiffre d’affaires inférieur à 7,6 millions d’euros. Il est de 33,3 % au-delà de ce seuil. Le nouveau dispositif comprendra une tranche d’imposition intermédiaire à 28 % qui devrait bénéficier à plusieurs centaines de milliers d’entreprises de taille moyenne. Matignon précise, comme cela avait été promis au MEDEF dans le cadre du pacte de responsabilité, qu’il s’agit là d’un nouveau pas vers un passage à un taux de 28 % en 2020 pour toutes les entreprises.

On peut légitimement s’interroger sur la pertinence de la mesure pour 2017, comme de l’objectif 2020. Certes la compétition à la baisse du taux de l’IS entre pays européens bat son plein. En 15 ans, le taux moyen de l’impôt sur les bénéfices des sociétés a diminué d’un quart en Europe. Le mouvement avait été entamé par l’Allemagne au début des années 2000. Mais il s’est interrompu outre-Rhin avec la crise de 2008.

  • Le Royaume-Uni a pour sa part utilisé massivement ce levier de baisse de l’imposition pour attirer des investisseurs et serait tenté d’aller plus loin à la suite du Brexit.
  • L’Espagne s’est à son tour lancée dans la compétition, programmant le passage à un taux de 25 %, en baisse de 5 points.
  • Le Luxembourg annonce quant à lui un taux à 18 % pour 2018.
  • L’Irlande, enfin, bat tous les records avec un taux d’IS de 12,5 %, au point d’être considérée comme un paradis fiscal.

Mais ces taux affichés cachent la réalité. Chacun sait que l’imposition, ce qui compte finalement, est le résultat d’un taux appliqué à une assiette. Le taux de l’IS peut ainsi être élevé mais s’appliquer à un bénéfice fiscalement imposable réduit grâce à différents dispositifs : régime favorable d’amortissements, large gamme de provisions, régime extensif de charges déductibles… La France a choisi ce modèle et applique un taux plutôt élevé à une assiette étroite. Le rendement de l’IS y est beaucoup plus faible qu’ailleurs dans les pays développés, 2,5 % du PIB contre une moyenne de 2,9 %, selon l’OCDE.

Le problème des entreprises françaises n’est pas le montant de leurs bénéfices mais le fait qu’elles préfèrent distribuer des dividendes plutôt que d’investir.

Au deuxième trimestre de cette année, elles ont distribué à leurs actionnaires 35 milliards d’euros, un montant supérieur de 10 % à celui de l’année passée, performance que seuls les Pays-Bas et la Corée du Sud ont surpassée. Une étude rendue publique par l’AGEFI souligne qu’en quinze ans le volume des investissements relativement aux profits distribués a été divisé par deux.

La cupidité des actionnaires l’emporte sur le devenir des firmes !

Dans ces conditions, baisser l’IS est une erreur. C’est céder à la logique actionnariale. Il vaut mieux que l’argent demeure dans les caisses publiques plutôt que de gonfler la rémunération des financiers. Il faudrait en réalité un impôt sur les sociétés sélectif, favorisant le réinvestissement des bénéfices. Pourquoi pas un taux d’IS progressif qui soit plus faible lorsque l’entreprise fait un usage utile de ses ressources et qui soit plus élevé si elle spécule ou ne se préoccupe pas d’investir ?


Jean-Christophe Le Duigou (Économiste). Titre original : «  Baisser l’impôt sur les sociétés, une erreur improductive » Source