Affaire Benzema : l’impasse identitaire

La pure logique sportive a été rattrapée par le prisme de l’identité, qui s’impose comme grille d’analyse générale et exclusive de la société.

Le sport en général et le football en particulier ne constituent pas des mondes coupés du monde. Non seulement, ils s’inscrivent pleinement dans le cadre imposé par la société du spectacle et les lois du marché, mais ils n’échappent pas aux batailles idéologiques qui traversent l’ordre politique. Ainsi, il y a, à travers l’affaire «Benzema», une remarquable illustration du piège ou de l’impasse identitaire.

D’un côté, il y a une part de cynisme et d’irresponsabilité dans l’attitude d’un sportif, qui n’hésite pas à mobiliser le seul argument du racisme pour expliquer sa non-sélection. De l’autre, il y a un déni de réalité de la part des élites médiatico-politiques à (vouloir) ne pas voir le poids du discours raciste qui a pesé dans la décision (non raciste) de ne pas le sélectionner.

Plus largement, la pure logique sportive a été rattrapée et absorbée par le prisme identitaire, qui s’impose comme grille d’analyse générale et exclusive. L’identité expliquerait tout, ou presque, y compris le fait d’être sélectionné ou non, de chanter ou pas la Marseillaise, etc.

La catégorisation communautaire de l’équipe de France fait écho à la représentation fragmentée de la société française. La communautarisation ethno-raciale et/ou ethno-culturelle de la représentation de l’équipe de France conforte le doute sur ce qui unit la société elle-même. Le prisme purement identitaire sape la cohésion nationale. Ce système communautaire constitutif de l’ordre identitaire entretient un climat de méfiance et de suspicion généralisé.

Comment en est-on arrivé là ?

Dès lors que les traditionnelles identités et solidarités de classe – encore partiellement pertinentes – ont été érodées, on a assisté à un glissement de la lecture sociale (par classe) à une représentation identitaire (par groupe) d’une société perçue comme «black – blanc – beur» pour mieux neutraliser la question des classes et inégalités sociales. Cette tendance aboutit à un mode de pensée qui culturalise la société comme le sport, sans pour autant neutraliser tout risque de réactiver la «guerre des races».

Non seulement les citoyens sportifs sont renvoyés à une identité présumée par un regard culturaliste et/ou essentialiste, mais ils se trouvent réduits à une appartenance particulière, constitutive à elle seule de leur propre identité. La bataille culturelle et idéologique lancée par les identitaristes a envahi le champ du politique, bien au-delà des frontières de l’extrême droite. Cette dynamique est source de reconfiguration du système des partis et affecte les traditionnels clivages extrême droite – droite – gauche.

Des digues cèdent, des frontières s’effacent, des jonctions s’établissent. L’entreprise a ceci de pervers que les tenants de l’«identité nationale française» n’hésitent pas à se parer des valeurs de la République pour se prémunir contre toute critique. (…)


Dernier ouvrage paru : la République identitaire, préface de Michel Wieviorka, éd. du Cerf, mars 2016.


Béligh Nabli – Libération – Un article relayé par IRIS, Source

Une réflexion sur “Affaire Benzema : l’impasse identitaire

  1. Honorat 14/06/2016 / 9h15

    L’assassinat d’un couple de policiers le 13 juin révèle bien une fracture importante dans la société. Un certain nombre de français se déclarant musulmans et au nom de cette religion, fait la guerre à notre façon de vivre et de penser. Notre démocratie est mal armée face à une armée anonyme dans la société comme un poisson dans l’eau. Comment se défendre? Notre justice paraît bien naïve et nos lois et le ministère de l’intèrieur bien inéficaces. Face à ce défit le refuge sur l’identité nationale, et donc désigner l’adversaire comme un traitre, apparaît comme la seule solution, ce qui mène à une guerre intèrieure c’est à dire des lois d’exception L’autre étant de transformer la France en état islamiste et y appliquer la charia. A moins de suivre Olivier Besancenot et le NPA et supprimer toute religion par la méthode soviétique, qui a effectivement éradiqué l’islamisme radical en Asie centrale.

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