Gattaz, Medef – Martinez, CGT : la guerre est déclarée

“Il faut sortir de l’omerta sur les actes répréhensibles qu’ont pris l’habitude de commettre une poignée de syndicalistes extrémistes” Pierre Gattaz

  • Atlantico : Dans un mail adressé aux chefs d’entreprise et aux organisations professionnelles, vous leur conseillez de porter plainte contre les syndicats qui enfreindraient la loi au cours de leurs blocages. Même si cela serait sans doute parfaitement justifié, les entreprises n’ont-elles pas plutôt tendance, dans un tel contexte, à faire profil bas en attendant un retour au calme ?

Pierre Gattaz : Tout le monde souhaite évidemment un retour au calme rapide. Mais je pense qu’il faut aujourd’hui montrer notre détermination à sortir de l’omerta qui consiste à fermer les yeux sur les actes répréhensibles qu’ont pris l’habitude de commettre une poignée de syndicalistes extrémistes.

Les entreprises souhaitent que l’Etat de droit soit respecté afin de travailler, c’est une évidence. Mais pour cela, il faut dénoncer sans faiblesse les actions violentes qui bloquent les entreprises et paralysent leur activité. Actions qui passent bien souvent par des tentatives d’intimidation. Ces méthodes illégales de la CGT et de ses satellites sont une atteinte à la liberté de travailler du chef d’entreprise et des salariés et une atteinte à la liberté tout court. D’où notre appel aux chefs d’entreprise afin qu’ils portent plainte au titre de l’article 431-1 du Code pénal qui prévoit le délit d’entrave à la liberté du travail.

Cet article de loi est clair. Il suffit de le faire appliquer : « Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations au sens du présent code, l’exercice d’une des libertés visées à l’alinéa précédent est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende ». Il ne s’agit pas de remettre en cause le droit de grève, mais de rappeler à ces organisations que le droit doit être respecté dans notre pays. Nous ne devons pas nous laisser faire.

Ces actions illégales vont beaucoup plus loin qu’une simple opposition syndicale à la loi El Khomri. Ce à quoi nous assistons et ce que nous subissons n’est ni plus ni moins qu’une volonté de déstabilisation économique. Nous ne permettrons pas que l’on saborde l’économie française, donc que l’on affaiblisse notre pays, en s’attaquant aux entreprises.

  • Quelles sont les raisons du silence observé par les entreprises face aux actes répréhensibles perpétrés par certains syndicalistes ? A quoi est due cette peur qui semble les tétaniser ?

Le vrai problème aujourd’hui est que toutes les personnes ayant des mandats syndicaux se sentent toute puissantes et intouchables. Notre système a dérivé et on est passé d’une protection normale et saine de l’activité syndicale à un statut qui rend les délégués syndicaux pratiquement intouchables. Encore heureux, l’immense majorité des délégués syndicaux ne sont pas dans cette dérive et veulent juste exercer leur mandat honnêtement et dans le respect du droit. Il ne faut pas caricaturer. Mais quand on a des irresponsables aux commandes cela donne ce qu’on vient de vivre à Saint-Nazaire avec une coupure de courant qui affecte 125 000 personnes et de nombreuses entreprises pour « protester », sans se préoccuper qu’il aurait pu y avoir des morts, des personnes en difficulté, sans parler de l’activité économique.

Les responsables de cela seront-ils poursuivis ? Il le faut, sinon c’est à nouveau l’encouragement au n’importe quoi. Enfin, ce qui décourage les chefs d’entreprise, c’est aussi la crainte de voir leur activité entravée, désorganisée longuement, des commandes qui ne peuvent pas être honorées… Lorsqu’une organisation comme la CGT cible une entreprise, elle peut avoir un pouvoir de nuisance très fort. La CGT ne s’intéresse pas aux conséquences économiques et sociales de ses actions, et ça, c’est très grave. Regardez ses leaders qui veulent « entraver l’activité économique ». Ils veulent donc créer du chômage. Et on les laisse dire ! Enfin, il faut le rappeler, les chefs d’entreprise n’ont pas la culture de la violence, du conflit.

Contrairement à ce que l’on prétend, il y a une vraie culture du dialogue social dans les entreprises, que ce soit en direct, par l’intermédiaire des élus ou des délégués syndicaux. Ainsi, 36 500 accords ont été signés en 2014. Il existe chez les entrepreneurs une volonté insubmersible de continuer à développer leur entreprise quoiqu’il arrive. Le chef d’entreprise français, il faut le dire, a une capacité de résilience hors du commun parce que soumise à rude épreuve entre les décrets inapplicables, comme ceux concernant le compte pénibilité, les normes stupides et pléthoriques, la lourdeur et l’instabilité fiscale… S’il baisse les bras, il le sait, il met l’entreprise et les salariés en danger.

  • Au-delà des efforts consentis par le gouvernement depuis fin 2012 avec le CICE, les relations entre les entreprises et l’administration se sont-elles vraiment améliorées ? La formule du Premier ministre, qui avait déclaré « j’aime l’entreprise » a-t-elle permis d’améliorer les relations entre les différentes administrations et les entreprises ?

Le CICE et le Pacte de responsabilité sont une bonne chose parce qu’ils permettent aux entreprises françaises de compenser à la marge les prélèvements exorbitants qu’elles subissent depuis 2011, de diminuer légèrement le coût du travail et de réduire le différentiel avec l’Allemagne. La France n’en est toujours pas moins vice-championne des prélèvements obligatoires des pays de l’OCDE (45,2 % du PIB contre 34,4 % dans les 29 autres pays de l’OCDE) en deuxième position derrière le Danemark (50,9 %). Et la frénésie législative et normative concernant les entreprises n’a pas diminué pour autant : devoir de vigilance, compte pénibilité, action de groupe pour discrimination, etc. Les déclarations d’amour font toujours plaisir à condition qu’elles dépassent le stade de la rhétorique et se traduisent en actions. Et c’est le problème, on a des actes contradictoires. Il faut cesser de faire des entreprises un objet politique et les considérer pour ce qu’elles sont : le lieu de la production de richesses.

  • Quelles sont vos propositions pour que les entreprises puissent cesser d’avoir peur ?

Nous demandons le respect de l’Etat de droit garant de la liberté de travailler et de s’exprimer. Je pense notamment au recours au chantage – une méthode de voyou ! – exercé à l’encontre de la presse par le syndicat du livre-CGT pour la contraindre à publier une tribune du secrétaire général de la CGT. Nous attendons que le gouvernement fasse preuve de fermeté. Intimidation, violences, confiscation des moyens d’expression… Il faut stopper cette glissade dangereuse et réaffirmer nos principes démocratiques de respect, de dialogue, d’échanges et de confrontation en dehors de la violence et de l’intimidation qui sont la caractéristique des sociétés autoritaires. C’est la première étape. On ne peut pas discuter, négocier, échanger dans ce climat. Moi, je crois à la confiance. C’est indispensable pour avancer.

Nos organisations syndicales sont encore dans la culture du rapport de force, et dans le cas de la CGT, c’en est même caricatural. Or, dans le rapport de force, on ne construit rien de durable, on a des petites « victoires » qui au final peuvent se révéler être mortifères pour toute l’entreprise, donc pour tout le monde, et en premier les salariés. Je crois en l’intelligence collective et au débat serein si on est en confiance et qu’on partage des objectifs communs. Il ne faut pas caricaturer – l’entreprise, ce n’est pas le monde des Bisounours, et on peut avoir des conflits. Mais si on a su créer une culture de confiance, on peut dépasser les crises sans trop de casse. Sinon, on se radicalise et là ça finit mal


Atlantico – Source


La position de la CGT

Face à l’intransigeance du gouvernement, la centrale syndicale a choisi de montrer à son tour les muscles : depuis plusieurs jours, elle est à la manœuvre des blocages de raffineries et dépôts de carburant. Pourquoi avoir choisi cette stratégie ?

  • Parce que c’est son dernier espoir pour contrer la loi Travail

Une pétition signée 1,3 million de fois et près d’une dizaine de journées de mobilisation n’ont pas suffi à enterrer la loi Travail. Difficile pourtant d’affirmer que le mouvement « s’essouffle », tant les chiffres de la participation aux manifestations en France sont variables. Il y a certes eu un pic de mobilisation, le 31 mars, avec 1,2 million de manifestants dans toute la France selon les organisateurs (390 000 selon la police), mais les autres dates n’ont jamais rassemblé plus de 500 000 personnes, même selon les estimations hautes des syndicats. Le dernier rendez-vous, le 17 mai, a réuni tout au plus 220 000 opposants à la loi El Khomri, 68 000 selon le ministère de l’Intérieur. Et les syndicats opposés au texte appellent à de nouvelles journées de grève.

(…) un long cheminement parlementaire attend encore la loi, qui ne devrait pas être promulguée avant fin août. (…)

La CGT prend donc le risque de se mettre à dos une partie de la population, pourtant majoritairement opposée à la loi Travail, en fermant le robinet d’essence. « Pour que le gouvernement nous entende, il faut qu’on touche au porte-monnaie », estime Franck Barbay, secrétaire du comité central d’entreprise de la Compagnie industrielle du Havre (CIM), interrogé par Le Journal du dimanche. Sur la seule plateforme Total de Normandie, plus grande raffinerie de France, la cessation d’activité représente 2 millions d’euros de pertes par jour. « Ça va coûter des points de croissance », reconnaît Thierry Defresne, délégué CGT, toujours dans Le JDD.

  • Pour tenter de fédérer ses troupes

La centrale de Montreuil n’est pas épargnée par la crise du syndicalisme : alors qu’elle comptait plus de 3 millions d’adhérents en 1953, la CGT ne comptabilisait en 2014 qu’à peine plus de 680 000 membres [mais restait la première union syndicale de France]. (…)


France TV Info, (Extrait) – Source


Gattaz, Valls et Hollande divisent la société française.

Pierre Gattaz, patron du Medef utilise « Une stratégie d’injures et de calomnies pour ne plus parler du contenu de la loi El Khomri et de tous les « avantages qu’il a déjà obtenu ». Dans un entretien publié dans le journal « Le Monde », Pierre Gattaz se livre à une charge d’une brutalité inouïe contre le mouvement social en général et plus particulièrement contre les militants et responsables syndicaux mobilisés contre la loi El Khomri.

Un tel niveau d’injures et de calomnies n’est pas qu’une simple « ortie de route » du président du MEDEF mais bel et bien une stratégie qui vise, dans un moment décisif, à ne plus parler du contenu d’un texte, rejeté par les salariés, le parlement et l’opinion publique.

Souffrance GattazSi Pierre Gattaz a basculé dans un registre de guerre civile, c’est qu’il voit bien que le « compromis historique » signé avec Hollande et le gouvernement est contesté de partout.

Ces arrangements patronats gouvernement ont provoqué d’immenses dégâts sociaux et économiques en accentuant les inégalités, instituant la précarité et qu’il est donc urgent d’allumer des contre-feux.

Plus que jamais, le patronat, Medef en tête, doit rendre des comptes sur l’utilisation des 40 milliards d’€ du CICE (*). Mais le Medef en arborant le Pin’s (promettant 1 million d’embauches), en laissant les grands patrons et actionnaires, se gaver en salaires et attributions annuels diverses, ou avalisant des parachutes dorés hors de propos, contribue à déstabiliser la société

(*) Lire Savez-vous combien coûte l’aide aux entreprises via le CICE et les autres exonérations ?

4 réflexions sur “Gattaz, Medef – Martinez, CGT : la guerre est déclarée

  1. Honorat 06/06/2016 / 9h09

    La CGT n’est pas un syndicat sur le modèle allemand ou anglo-saxon. Sa stratégie s’inscrit dans le refus du modèle capitaliste. On comprend alors que le Medef ne l’aprécie guère. Cependant sa stratégie jusqu’auboutiste n’a pas toujours eu des résultats positifs: les chantiers navals de la Ciotat en sont morts, la SNCM aussi, quant à la SNCF la fin de son monopole risque de lui être fatale, des régions passées à droite ont déjà annoncé être prêtes à signer les contrats des TER avec d’autres entreprises de transport. Le modèle d’entreprise d’état se distingue, en France, par ses dérogations au droit commun, il en résulte des syndicats accrochés à des privilèges et à des mides de fonctionnement incompatibles avec la libre concurrence, credo capitaliste. Lorsque les salariés du privé ne paieront plus pour ces privilèges, et l’UE en fait son cheval de bataille, ce système s’écroulera. La gauche est devenue minoritaire elle ne pourra pas résister. Il aurait fallu amender notre système social , mais est ce possible dans un pays qui vote à droite?

    • Libre jugement - Libres propos 06/06/2016 / 12h04

      En accord avec bon nombres des arguments développés … J’en ajoute un : en aucun cas la faute provient des gréves des syndicats. Les destruction de services est de la seule volonté des divers gouvernements – droite comme gauche -.

  2. Honorat 06/06/2016 / 12h30

    Les chantiers navals de la Ciotat et la SNCM sont morts pas l’abus de la grève et du « retrait » . J’ai assisté à leur agonie en voisin: grève pour des douches faisant fuir le dernier gros client Norvégien pour l’un, fuite des clients de la SNCM vers Corsica Ferries devant l’incertitude de pouvoir partir ou revenir de Corse sans compter la saleté à bord des bateaux de la SNCM. Ce sont bien certains syndicats qui ont conduit à ces fermetures.

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