Je ne vois pas en quoi la loi travail, est positive pour l’emploi

Une affirmation de François Hommeril,  CFC-CGC (*) dans une interview.

  • Vous succédez à la tête de la CFC-CGC à Carole Couvert qui vous avait soufflé la place de numéro un en 2013. Alors rupture ou continuité ?

Je défendais à l’époque le rassemblement de l’organisation et c’est toujours le cas. Au congrès de Saint-Malo, Carole Couvert l’a emporté. Je suis retourné à mes activités professionnelles dans le groupe Altéo et j’ai continué à militer dans mon entreprise, dans la Fédération de la chimie et dans la confédération. Je n’aurais pas été candidat si Carole Couvert s’était représentée. Il se trouve que la Fédération de l’énergie dont elle vient ne l’a pas souhaité. La confédération a essayé de voir s’il était possible de contourner ce veto ; cela n’a pas été possible. Elle en a pris acte. Maintenant, mon objectif, comme en 2013, est de rassembler.

  • Quel est votre programme ?

Il n’y a aura pas de rupture avec le mandat précédent. La CFE-CGC revendique une participation active au dialogue social. Plus on respectera les acteurs sociaux, plus on leur fera confiance, meilleur sera le résultat.

La CFE-CGC n’a pas vocation à être un toutou qui salue toutes les réformes.

Il faut respecter l’esprit de la loi Larcher, qui prévoit que ce sont le patronat et les syndicats qui ont le premier mot sur les réformes qui touchent à l’emploi et au travail. François Hollande et Manuel Valls n’auraient pas dû l’oublier.

  • La CGC est-elle un syndicat réformiste ?

La formule me met mal à l’aise, car, aujourd’hui, réforme égale simplification, or je ne crois pas que le progrès aille vers la simplification. Au contraire, on est engagé dans un mouvement de complexification. Il suffit pour s’en convaincre de regarder un microprocesseur. Notre organisation n’a pas vocation à être un toutou qui salue toutes les réformes. Nous sommes pragmatiques. La société évolue et il faut s’adapter, mais le progrès de tous ne peut pas être la somme des régressions de chacun.

  • Faut-il que la CGC syndique tous les salariés sans ­exception comme la CGT ou la CFDT ?

Non, s’il y a des exceptions dans certaines branches, la CFE-CGC a en principe vocation à syndiquer les techniciens, les agents de maîtrise et les cadres. Ça ne l’empêche pas de peser lourd dans certaines entreprises. La BNP, Renault et beaucoup d’autres… Nous sommes le premier syndicat dans de nombreuses grandes entreprises toutes catégories de salariés confondues. D’ailleurs, lors des prochains résultats de représentativité, en mars 2017, notre progression va être marquée.

Pourtant, même là où nous représentons plus de 10 % de la totalité du personnel, on nous impose de ne signer des accords qu’au nom des techniciens, agents de maîtrise et cadres. Même dans les entreprises où nous représentons un salarié sur deux, on nous dénie ce droit, alors que, dans les branches, on nous le reconnaît déjà ! Le législateur doit reprendre la main sur ce sujet. C’est trop tard pour le faire dans la loi travail et puis c’est un sujet qui ne doit pas être l’otage des passions politiques. Mais il faut le traiter.

  • La loi travail, justement, la CGC est-elle pour ou contre ?

La CFE-CGC est contre la loi travail. Le problème est déjà dans le titre : je ne vois pas ce qu’elle apporte de positif pour l’emploi. Ce n’est pas avec le compte personnel d’activité qu’on va faire baisser le chômage. En outre, je ne vois pas en quoi cela va améliorer la situation d’ensemble des entreprises. Et ce qui infuse partout dans cette loi, c’est une culpabilisation permanente des personnes qui travaillent. C’est exaspérant. La CFE-CGC sera toujours là pour démonter ce genre de discours.

  • Où sont les problèmes dans la loi travail ?

Il y en a de nombreux. Prenons les heures supplémentaires : les détaxer est une action anti-économique à tous points de vue. En permettant de baisser leur majoration dans l’entreprise, on crée les conditions d’un dumping social, on encourage les distorsions de concurrence. D’ailleurs, la CGPME est foncièrement contre. C’est la branche qui doit décider. Nous sommes contre l’inversion de la hiérarchie des normes.

  • Pourquoi alors n’êtes-vous pas dans la rue ?

Ce n’est pas dans les habitudes de la CFE-CGC. Mais il n’est pas vrai que nous soutenons cette loi comme le font la CFDT et la CFTC. Le gouvernement a pris l’affaire à l’envers avec le résultat que l’on voit. Et maintenant il ne sait plus comment s’en sortir.

  • Demandez-vous comme la CGT que le gouvernement ouvre des discussions ?

Le gouvernement devrait avoir le courage politique de faire marche arrière. Je veux négocier avec les employeurs. Il faudrait donc que l’exécutif ait la sagesse d’accepter de mettre de côté le projet qu’il a fait à l’envers et renvoie le sujet à la négociation entre les partenaires sociaux, en s’engageant à en accepter le résultat.


Leïla de Comarmond – Les Echos – Source


(*) Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFECGC)