Va-t-on pénaliser les clients ?

Les camgirls « au travail » et leurs clientèles …

Selon la définition du mot ce n’est pas de la prostitution, mais …. Alors mesdames et messieurs les « biens pensants »… MC

Chaque matin, après avoir aidé ses enfants à se préparer pour l’école, Karine prend deux heures pour préparer son poste de travail. Maquillage, faux cils, lingerie, rangement, test du matériel informatique: elle devient ComtesseQc. Son job? Camgirl, soit faire des shows, du plus soft au plus hard, devant sa webcam pour des cybervoyeurs contre rémunération. Dans ce business, on trouve des hommes, des couples et des transsexuels mais la majorité de l’argent va aux femmes qui représentent environ 50% des modèles.

Cam-to-cam vs freemium

Dans le monde de la webcam porno, deux types de fonctionnement: le cam-to-cam et le freemium. Le premier est un show privé qui coûte entre 1 et 9 euros la minute au spectateur. Créé dans les années 90, le phénomène s’est développé en 2001 avec la création de LiveJasmin, le leader du genre. Depuis son arrivée, le second système a sérieusement concurrencé le premier. Le freemium, c’est la contraction de free pour gratuit et premium pour service haut de gamme. MyFreeCams est le premier site à le proposer en 2004. Depuis, Chaturbate, Cam4 et bien d’autres sont venus grossir les rangs du freemium. Les internautes peuvent ainsi se rincer l’œil devant des shows publics sans débourser un rond. Pour récompenser la prestation de la camgirl ou lui demander d’exécuter une action -déshabille toi ou plus si affinités-, il faut lâcher les tokens (Ndlr: les jetons) qui valent 10 cents l’unité. Comptez une centaine pour un flashtits (montrer ses seins). Le triple pour un “sextoy in pussy” ou bien plus pour d’autres prouesses corporelles à base de fruits et légumes. Sur ces plateformes, il est également possible de payer pour un show privé mais les autres tippers (payeurs) peuvent espionner ce show contre quelques deniers.

“J’ai fait des shows qui n’avaient rien de sexuel.”

Alors que le porno perd du terrain, la webcam grignote des parts du business du sexe. Les consommateurs sont friands de l’impression de proximité avec le modèle. À la différence des actrices porno bimbos et inabordables, les webcameuses sont des femmes de tous âges qui pourraient être la voisine, la boulangère ou une femme croisée dans la rue. “Le coté ‘girl next door’ fonctionne bien parce que les spectateurs arrivent à se projeter. C’est comme regarder par le trou de la serrure. Toutes les pornstars, sauf rares exceptions, se sont plantées en tentant la cam”, assure Stephen des Aulnois, fondateur du site consacré à la culture porno Le Tag Parfait.

“Devant un film, tu regardes, tu es très passif. Avec la cam, tu dois être actif pour qu’il se passe quelque chose.”

Dans un show public, la vidéo est associée à un chat. On y voit défiler les tokens et les messages directement adressés à la camgirl. Contrairement au porno, ils interagissent avec l’animatrice qu’ils regardent. “J’ai fait des shows en public qui n’avaient rien de sexuel, il y a beaucoup de rigolade et de discussions, c’est proche d’une soirée fun entre amis finalement, confie Carmina, 31 ans, qui décrit son activité comme du sexe intime partagé. Bien sûr, je peux me caresser et me faire jouir mais il n’y a pas que ça. L’échange est au centre de la cam, l’action sexuelle est presque secondaire.” À la différence du porno, les tippers sont impliqués personnellement. “Devant un film, tu regardes, tu es très passif. Avec la cam, tu dois être actif pour qu’il se passe quelque chose, il faut casser la barrière de l’écran, confirme Stephen des Aulnois. C’est pour cela que les sextoys connectés Ohmybod ont cartonné. Un token et l’objet vibre. L’interactivité est instantanée. C’est un artifice mais ça fonctionne très bien.”

“Ce n’est pas parce que le client paye que je vais le faire”

Cette activité offre une grande liberté d’emploi du temps aux pratiquantes. “Je n’ai de comptes à rendre à personne. Je suis libre de mes horaires, de mes tenues. Ça peut se faire de n’importe où, il suffit d’avoir un bon ordinateur, du son, un micro, une cam”, témoigne ClaraHot, cameuse gagnant jusqu’à 5000 euros par mois depuis plus de 10 ans. De quelques heures par mois au travail à plein temps, le modèle choisit sa durée de connexion. “Les patrons, c’est nous et c’est jouissif de gagner son argent en faisant exactement ce qu’on veut, quand on veut et d’y prendre aussi du plaisir”, renchérit Carmina qui dévoile sa vie de camgirl sur un blog.

En s’inscrivant sur une plateforme de webcam porno, la camgirl coche les prestations qu’elle accepte de réaliser. Mais payer ne veut pas dire imposer. “Ce n’est pas parce que le client paye que je vais le faire. C’est moi qui décide, insiste Carmina. D’ailleurs, les tippers payent pour récompenser ton show plutôt que pour demander des actions.” Contre quelques tokens de plus, certaines débutantes dépassent les limites qu’elles s’étaient fixées. “Il y a un risque de te laisser dicter ta conduite par les spectateurs, prévient Cali Cruz, camgirl depuis trois ans, celle qui se laisse emporter fait une grosse erreur et peut le regretter.”

Commissions et proxénètes 2.0

La camgirl reste dépendante du site sur lequel elle pratique. Pour utiliser un service clé en main, elle reverse entre 30 et 75 % des sommes qu’elle gagne lors de ses sessions. Ce (gros) pourcentage comprend les coûts d’hébergement, de bande passante du site ainsi que leur commission. “Ils mettent à notre disposition une plateforme webcam dont ils gèrent tout le fonctionnement de A a Z, explique ClaraHot. Ils assurent la publicité à leur charge pour faire venir les clients donc je comprends vraiment que leurs commissions soient importantes, concède-t-elle.

“Il existe des usines à cam en Europe de l’Est et en Amérique du sud avec des proxénètes 2.0 dans lesquelles les filles travaillent pendant des heures non-stop.”

Mais les camgirls ne sont pas toutes aussi libres. “Il existe des usines à cam en Europe de l’Est et en Amérique du sud avec des proxénètes 2.0 dans lesquelles les filles travaillent pendant des heures non-stop, dénonce Stephen des Aulnois. La conversion dollar/monnaie locale est hyper intéressante mais ils prennent d’énormes commissions.” Si les femmes gagnent plus que le salaire moyen de leur pays, elles restent exploitées. En Europe de l’est, particulièrement en Roumanie où il y aurait plus de 700 studios, le modèle enchaînerait les heures dans un décor de chambre pour moins de 1 000 euros par mois tandis que les gérants se remplissent les poches.

Le business de la webcam serait en train d’influencer le monde du porno. Depuis quelques mois, une tendance sévit chez les webcameuses: les filles enregistrent des shows qu’elles vendent sur des sites comme Clips4sale ou ManyVids. “Les camgirls ont popularisé l’idée de faire du porno en contrôlant leur image et leurs vidéos, affirme Stephen des Aulnois. Quand on est dans du porno classique, la production va tout faire pour que ça soit vu par tout le monde en exploitant au maximum la vidéo. En indé, on choisit le scénario et le type de diffusion de cette vidéo qu’on a fait de chez soi. On est dans le vrai porno amateur initié par les camgirls. Le futur du porno se trouve là.”


Garance Renac – les Inrocks – Source


Larticle a été publié initialement sur Cheek Magazine. – Titre original sur Les Inrocks « Les camgirls sont-elles en train de prendre le contrôle du porno ?

3 réflexions sur “Va-t-on pénaliser les clients ?

  1. fanfan la rêveuse 12/05/2016 / 8h14

    N’est-ce-pas une vulgarisation du sexe ? ! Car il faut bien parler là de sexe et de rien d’autre.
    L’image de la femme et de la mère ne va t-elle pas être vulgarisé. La femme en règle générale, ne va t-elle pas perdre le respect de l’homme ? ! Quel image donne t’elle à ses enfants ? !
    N’est-ce-pas une façon de gagner de l’argent facilement ? !
    Cette nouvelle version du commerce du sexe, précédemment découverte via une émission de télévision m’a très sérieusement interpellé.
    La simple ménagère peut alors faire concurrence à ces dames de petites vertus, n’avez vous pas le sentiment que tout ce mélange et comment alors s’y retrouver ? !
    Cela ne va t-il pas créer un peu plus de délinquance sexuelle ?
    Plus encore, comment alors se respecter ?
    Honnêtement ce type de « travail » me choque, me dépasse…Comme si cette attitude était normal…

    • Libre jugement - Libres propos 12/05/2016 / 11h09

      Je suis d’accord sur la mauvaise image créée-laissée sur la femme marchandise-objet sexuelle … reste que la question je la pose en terme de législation comme il est fait des clients des prostituées Car il y a des clients sinon il n’y aurait pas de prostituées de prostitution, de souteneurs ….Dans le cas « Webcam » est-ce de la prostitution où du voyeurisme ? De l’autre coté de l’écran, c’est quoi, une cliente, un client que je met a égalité d’utilisatrice-teur ? Et alors celle-celui qui visionne un DVD X est-elle/il une/un client « pénalisable » ?
      Afin d’ôter tous les doutes je ne suis pas « utilisateur » des travailleuses (ou travailleurs) du sexe …. mais j’admets que certaines personnes femmes tout comme les hommes d’ailleurs, est besoin de recourir a ces professionnels … et que dire de certaines personnes H ou F qui pratique les sexe « bourgeois » contre avantages … avec vues sur l’avenir !

      • fanfan la rêveuse 12/05/2016 / 11h59

        A partir du moment, je pense, ou il y a un tarif, c’est un service, donc nous pouvons parler de commerce et puisque l’objet de ce commerce est le corps de la femme, cela rapproche dangereusement de la prostitution. En effet ces dames choisissant jusqu’où elles iront, ne l’oublions pas..
        Donner du plaisir ou se donner du plaisir via un écran contre rémunération, est bel et bien un « travail », à mon sens.
        Pénaliser !
        Voilà bien un débat qui perdure depuis trop longtemps.
        Je crois qu’il faut arrêter de faire les prudes. Les métiers de prostitution ont toujours existé ainsi que ses dérivés. Il y a effectivement une réelle demande, pourquoi donc le pénaliser ? Je pense qu’il faudrait mieux l’encadrer pour la protection de tous, ceci afin d’éviter une délinquance sexuelle plus marquée encore.
        Je ne suis pas contre ce métier, dans la mesure où il est consciemment choisi et non imposé, c’est un monde de vie autre.
        Dans votre publication, je dénonce la « normalisation » de ce style de proxénétisme. J’ai eu connaissance d’une jeune femme, mariée avec enfants, secrétaire administrative qui avait cette pratique avec sa cam, nous n’avons plus là, le besoin de vivre. Il me semble que nous partons dans une dérive.

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