« Dans une démocratie, la transparence est de rigueur », plaide Greenpeace, qui vient de révéler des documents confidentiels sur le projet de traité transatlantique.
Les négociations entre les États-Unis et l’Union européenne, lancées à l’été 2013, visent à libéraliser les échanges commerciaux entre les deux poids lourds économiques. L’ONG a mis en ligne, lundi, 248 pages du traité qui recouvrent treize chapitres, soit les deux tiers du texte. Ils datent d’avant l’ouverture du treizième round de négociation qui s’est tenu la semaine dernière à Washington.

Les fuites de Greenpeace lèvent le voile sur l’état des négociations, surtout les positions américaines, restées jusqu’à présent totalement opaques.
Cet accord de libre-échange, de son nom de code anglais Tafta ou TTIP a fait couler beaucoup d’encre sur son opacité, sur le risque d’une mainmise de l’Oncle Sam et d’un abaissement des normes sanitaires et environnementales. Les critiques de la société civile ont commencé avec la publication tardive du mandat de négociation par la Commission.
Aujourd’hui, Bruxelles se défend, en rendant public, à l’issue de chaque round, ses propositions concrètes, et met au contraire en avant les fortes réticences des États-Unis vers plus de transparence. Washington n’a pas rendu public son mandat de négociation. « Nous avons dû batailler avec les Américains pour qu’ils acceptent de donner accès aux documents de négociation aux parlementaires européens et ceux des États membres », souligne une source européenne.
L’accès reste très limité, cantonné dans des salles de lecture, avec interdiction de les reproduire. Les fuites risquent d’irriter Washington qui pourrait prendre des représailles. « Cela va peser sur la confiance mutuelle », a averti le négociateur européen, Ignacio Garcia Bercero. « Un texte incomplet » La Commission a immédiatement réagi aux vives critiques de l’ONG. En l’état, affirme Greenpeace, le texte « confirme les menaces sur la santé, l’environnement et le climat ».
La commissaire européenne au Commerce a répondu sur son blog. « Aucun accord commercial de l’UE n’abaissera jamais notre niveau de protection des consommateurs », a martelé Cecilia Malms-tröm. Washington n’a pas tardé non plus à réagir. « Les interprétations faites de ces documents semblent être au mieux trompeuses et au pire totalement erronées », a déclaré un porte-parole de la Représentation américaine au Commerce extérieur (USTR), qui mène les négociations avec la Commission européenne.
Le problème, a expliqué Ignacio Garcia Bercero, c’est que l’ONG s’appuie sur un « texte incomplet ». Il n’empêche, s’il ne s’agit que d’un document provisoire, une photo à l’instant T des négociations, truffé de passages entre crochets, il témoigne des divergences importantes entre les deux parties. « Il reste énormément de sujets non réglés », souligne Sébastien Jean, directeur du Cepii, centre de recherche sur l’économie internationale. « On est encore loin d’un texte commun, il ne s’agit que d’une juxtaposition de deux offres, de deux approches fondamentalement différentes. »
Pour l’économiste, c’est très révélateur de ces « deux puissances commerciales qui n’ont pas l’habitude de négocier avec leurs égales ». Ces révélations surviennent sur fond d’opposition croissante, en particulier en Allemagne. Sans compter les calendriers électoraux qui compliquent les négociations.
Aux États-Unis, les candidats à l’investiture défendent le protectionnisme pour séduire leur électorat.
À Paris, François Hollande affiche aussi sa fermeté, un an avant la présidentielle. La France « dira non à toute conclusion qui mettrait notre agriculture en difficulté », a prévenu ce dimanche le chef de l’État
Cheyvialle Anne, Le Figaro – Source