Depuis des semaines, la tendance baissière des marchés renforce les inquiétudes des investisseurs, au risque de provoquer une véritable crise. Un phénomène potentiellement dévastateur.
Les marchés boursiers déclinent dangereusement ces dernières semaines, au point d’entrer dans une phase baissière : ils ont cédé 20 % par rapport à leur plus haut niveau. Mauvaise nouvelle pour les opérateurs financiers mais aussi pour ceux qui ne demandent rien à personne, et surtout pas à la Bourse. C’est notamment le cas des investisseurs à travers leur caisse de pension, soit nous tous.
Les causes d’une telle baisse, très marquée pour certaines actions comme Crédit suisse – qui cède près de 40 % –, sont multiples. On ne les compte pour ainsi dire plus. Cela va de l’économie américaine et de la Fed au dynamisme chinois en berne, en passant par les prix du pétrole au plus bas depuis treize ans, et nous en passons.
Le monde a changé quand les Chinois ont commencé à faire joujou avec leur monnaie l’été dernier, que Janet Yellen a annoncé que la banque centrale américaine se montrerait désormais moins accommodante en ouvrant un cycle de relèvement graduel des taux et que les prix du brut ont commencé à s’effondrer. Tous ces faits ont mené à des déséquilibres que l’économie mondiale peine à digérer.
La Bourse donne la température du patient, pensent- on. Et pourtant, économie et Bourse sont très directement liées. Quand le FMI annonce en début d’année qu’il revoit ses prévisions de croissance mondiale à la baisse, cela ne fait pas du bien à votre portefeuille d’actions. Mais la Bourse peut aussi avoir sa propre dynamique dont il convient de se méfier car elle peut être décorrélée de l’activité réelle.
C’est le risque de réflexivité, cher à George Soros. Pour ce dernier, qui a théorisé sur ce thème dans un livre resté célèbre, parfois les actions baissent… parce que les actions baissent. De manière plus savante, c’est le risque de la prophétie auto-réalisatrice, anticipation qui modifie des comportements de telle sorte qu’elle fait advenir ce qu’elle a annoncé
Les Bourses ne vont peut-être pas aussi mal qu’elles en ont l’air. Mais une simple étincelle suffi t à faire croire à tout le monde que les choses sont bien pires que prévu, entraînant ainsi des ventes massives. Ces temps-ci, par exemple, tout le monde s’inquiète au sujet des banques : sont-elles assez solides pour gérer toute une série de risques ?
Les autorités de régulation, les banquiers eux-mêmes, ont beau jurer que les établissements financiers sont bien plus solides qu’en 2008, au moment de la chute de Lehman Brothers, la Bourse les met au défi de prouver que cela est vrai en faisant plonger leur cours. Au risque de réaliser ce qu’elle craint le plus, à savoir la chute d’une banque qui entraînerait toutes les autres. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il n’y ait pas d’étincelle pour mettre le feu aux marchés
Stéphane Benoit-Godet – Courrier international – Source SOURCE LE TEMPS Genève, Suisse Lu dans le Courrier international