Ces pays vendeurs d’armes …

… qui profitent bien de l’instabilité du monde et du regain des tensions

Les exportations d’armes tricolores se portent au mieux. (…)

Un secteur [qui] ne connaît pas la crise : celui des exportations d’armes de guerre. Avec plus de huit milliards d’euros de commandes en 2014, l’industrie française de l’armement a réalisé l’année dernière le résultat « le meilleur jamais enregistré », se félicite le gouvernement [1].(…)

Merci les Saoudiens !

L’Arabie Saoudite est le plus gros client des fabricants d’armes français en terme de volume financier des contrats. À lui seul, le royaume saoudien a passé plus de 3 milliards d’euros de commandes en 2014. C’est aussi le deuxième plus gros importateur d’armements au monde [2]. Rappelons que depuis le printemps, le royaume saoudien mène une intervention militaire au Yémen, pour soutenir le président en exil et contrer la rébellion houthiste. Le Yémen n’est pas l’Ukraine. Si la livraison des porte-hélicoptères Mistral à la Russie a été annulée pour cause d’interventionnisme russe contre Kiev, pas question de s’interroger en France sur ce qui se passe à la pointe de la péninsule arabique.

En Allemagne, quatrième exportateur d’armes au monde et l’un des cinq principaux fournisseurs de l’Arabie Saoudite, les Verts et le parti de gauche Die Linke n’ont pourtant pas tardé à s’interroger : des armes allemandes sont-elles impliquées dans l’intervention au Yémen ? « L’aviation militaire saoudienne est équipée d’avions de combat de type Tornado et Eurofighter qui ont été livrés par le Royaume Uni mais contiennent des composantes venues d’Allemagne », souligne le député Die Linke Jan van Aken dans une question posée à son gouvernement le mois dernier. (…) En avril 2015, Berlin a autorisé la vente à l’Arabie Saoudite de diverses composantes d’équipements militaires, pour un montant de plus de 12 millions d’euros.

Vive l’instabilité génératrice d’exportations d’armes !

L’inquiétude de l’opposition allemande est légitimée par les alertes lancée par Amnesty International sur les nombreuses victimes civiles du conflit, touchées à la fois par des tirs de la coalition menée par l’Arabie Saoudite et par ceux des insurgés houthistes. « Jusqu’ici, les deux côtés ont manifesté une indifférence effrayante face aux effets létaux de leurs actions sur les civils », signale l’ONG. (…)

« Les tensions internationales poussent de nombreux États à renforcer leurs capacités militaires, en particulier dans les zones les plus instables (Moyen-Orient) ou les espaces sur lesquels la souveraineté est disputée (mer de Chine), et des contrats importants ont été conclus en 2014. Dans cet environnement incertain, la France est parvenue à augmenter de façon très nette ses exportations de défense », se félicite le gouvernement dans son dernier rapport au Parlement sur les exports d’armes, rendu public le 2 juin. (…)

« Ces ventes se font au nom de la France »

Ces exportations d’armes se font sous le contrôle du gouvernement. Les industriels de la défense ne peuvent pas vendre ce qu’ils veulent à qui ils veulent. Les décisions d’exporter sont prises par le Premier ministre, sur avis de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre, composée des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Économie. Le commerce des armes doit respecter une série de règles internationales. Des pays comme la Côte d’Ivoire, la Libye, l’Iran ou la République centrafricaine sont par exemple sous embargos décidés par le Conseil de sécurité des Nations unies. Le Soudan, le Soudan du Sud, la Syrie, la Chine sont sous embargo de l’Union européenne.

Mais ceux-ci n’ont pas empêché la France de fournir des armes aux rebelles syriens en 2013, ni l’Allemagne aux kurdes combattant contre l’EI (le groupe Etat islamique). Pas plus que l’embargo européen sur les ventes d’armes à la Chine n’a bloqué Paris dans ses livraisons de plus de 500 millions d’euros d’armements à Pékin entre 2010 et 2014 [3]. Il est vrai que cet embargo, décidé en 1989 après la répression de Tiananmen, est remis en question régulièrement depuis plus de dix ans en Europe. Mais il n’a officiellement pas été levé.

Des critères de prudence bafouées

La position commune des pays de l’UE, adoptée en 2008, soumet aussi les autorisations à des critères comme le respect par le pays destinataire des droits de l’homme et du droit humanitaire international, la situation interne dans le pays de destination, la préservation de la paix, de la sécurité et de la stabilité régionale, l’attitude du pays acheteur envers le terrorisme, l’existence d’un risque de détournement du matériel et la compatibilité des exportations d’armes avec la capacité économique du pays bénéficiaire.

L’interprétation de ces critères est laissée à la liberté des États exportateurs. Manifestement, la majorité d’entre eux jugent qu’ils ne concernent pas l’Arabie Saoudite (avec la France, le Royaume Uni, l’Allemagne et l’Espagne sont de gros fournisseurs d’armes au royaume saoudien), ni Israël. La France semble estimer que ces règles sont compatibles avec la vente d’avions de combat à l’Égypte du président Al Sissi. La position commune stipule pourtant que les États « refusent l’autorisation d’exportation s’il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires dont l’exportation est envisagée servent à la répression interne ».

« Depuis son arrivée au pouvoir en juin 2014, le président Abdel Fattah al-Sissi a laissé s’instaurer une situation d’impunité qui a permis aux forces de sécurité de commettre des meurtres de masse sans être inquiétées et d’emprisonner des centaines de manifestants pacifiques », signalait Human Rights Watch en janvier.

Qu’importe : en 2014, la France a livré plus de 100 millions d’euros de matériel militaire à l’Égypte, et accepté des commandes de plus de 830 millions d’euros. En février 2015, Paris et Le Caire signent un nouveau contrat pour la fourniture de 24 avions de combat Rafale.

Armes légères allemandes pour cartels mexicains et colombiens ?

Le critère de « compatibilité des exportations avec la capacité économique du pays bénéficiaire » passe aussi parfois à la trappe. « Le mépris du critère a été manifeste lors des exports massifs d’armes allemandes et de biens militaires à la Grèce, encore en 2010, alors qu’il était connu depuis longtemps que la Grèce n’aurait pas les moyens de les payer », soulignaient des députés verts en mai [4] En 2010, l’Allemagne a exporté pour 403 millions d’euros de biens militaires vers la Grèce. Et 812 millions vers le Portugal [5]. Avant de leur imposer de brutales politiques d’austérité… Plusieurs enquêtes pour faits de corruption dans les ventes d’armes à la Grèce ont été engagées en Allemagne. L’entreprise Rheinmetall a ainsi accepté de payer une lourde amende – 37 millions d’euros ! – pour des faits de corruption dans les ventes grecques. (…)

Un nouveau traité pour « limiter la corruption »

Les régulations existantes en Europe semblent totalement inefficaces. Le commerce global des armements a d’ailleurs encore augmenté ces dernières années. Le nouveau traité international, en vigueur depuis décembre, va-t-il y changer quelque chose [7] ? (…)

Le pays n’a par exemple toujours pas transposé une recommandation du Conseil de sécurité pour punir la violation des embargos sur les armes. La résolution de l’ONU date pourtant de 1998 ! Un projet de loi [9] est dans les cartons depuis des années. Le gouvernement promet l’adoption prochaine de ce texte. Faut-il le croire, alors qu’il annonçait la même chose en 2012 ? Rien ne s’est passé depuis. « La France a adopté un projet de loi pour être en règle avec ses obligations internationales, mais ne le soumet pas au vote pour pouvoir rester dans une zone grise », analyse Patrice Bouveret.

Paris est plutôt dans une logique de soutien aux exportations [10]. C’est que « les exportations de défense sont nécessaires à la préservation de notre base industrielle et technologique de défense », écrit le gouvernement [11]. Et l’État actionnaire en demeure l’un des principaux bénéficiaires via ses participations dans le groupe Airbus (ex EADS), Safran ou Thales (…)

Qu’en pensent les salariés des usines d’armement ?

Autre argument incontournable : l’emploi. 27.500 emplois « directs et indirects » sont liés aux exports d’armements français, selon les chiffres du gouvernement. Qu’en pensent les salariés du secteur ? « Les armes ne sont pas des marchandises », dit Jean-Pierre Brat, électromécanicien et délégué central CGT à Nexter, une filiale du Groupement industriel des armements terrestres (GIAT), qui fabrique blindés et artillerie.

Cette ancienne entreprise d’État va très prochainement être privatisée, ainsi que ses filiales. Le gouvernement l’a décidée cette année dans l’article 47 de la loi Macron, en cours d’adoption. À terme, le rapprochement avec le fabriquant allemand de chars Krauss-Maffei Wegmann (KMW) est prévu. « Ce projet n’a pas d’autres buts que l’exportation. L’objectif, c’est de se positionner sur les marchés de l’autre. Chacun veut faire grandir son réseau commercial pour vendre plus. Et tout ça va passer par une rationalisation. » Le futur siège de l’entreprise prendra par exemple place aux Pays-Bas, un pays qui offre des conditions fiscales avantageuses. « Et avec un siège en Hollande, nous n’aurons plus de représentant du personnel au conseil d’administration », déplore Jean-Pierre Brat. « Cette opération peut aussi avoir des conséquences sur l’emploi. » Face aux réductions des budgets militaires en France et en Europe, le militant CGT revendique plutôt une diversification des productions plutôt qu’une course aux exportations.(…)

Rachel Knaebel –(EXTRAIT) Blog BASTA ! Source

NOTE : Voir les infographies de Germain Lefebvre sur la source

Méthodologie
Les visualisations sont réalisées à partir des données de l’organisation non gouvernementale suédoise Sipti. Pour cette raison, le classement des principaux clients de la France n’est pas le même que celui indiqué dans le rapport sur les exportations d’armements français remis par le gouvernement au Parlement.

  1. Dans son dernier rapport annuel au Parlement sur les exportations d’armements de la France.
  2. Voir le rapport annuel de l’ONG de référence sur la question du commerce des armes, le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI).
  3. Source : Rapport 2015 au Parlement sur les exportations d’armes.
  4. Source.
  5. Source : Rüstungsexportbericht
  6. Depuis 2006 par exemple, vers l’Arabie Saoudite, l’Égypte, l’Inde, le Liban, la Turquie, le Kosovo, la Serbie, le Mexique, le Pérou, l’Indonésie, les Émirats arabes unis, Oman, le Qatar. Source.
  7. Voir ici.
  8. De gros exportateurs comme la Russie et la Chine, et des gros importateurs comme l’Arabie Saoudite, ne l’ont pas signé.
  9. Voir ici.
  10. Voir par exemple ce rapport d’information de l’Assemblée national, de 2014, sur « Le dispositif de soutien aux exportations d’armement »
  11. Source : Rapport 2015 au Parlement sur les exportations d’armements de la France.

D’après le Dauphiné libéré du 23 fev 2016 voilà comment l’information est passée dans ce quotidien. Une information succincte, donnant le strict minimum de données sans aucune appréciation personnelle. Mieux le sens de l’article laisse à penser que les États-Unis, la Russie et la Chine en étant à 3, les premiers importateurs du monde d’armes alimentant les divers conflits–ce qui est parfaitement exact-, que la France de par ses ventes ne ferait que combler des « manques » envers certains pays (autrement dit, voyez la France ne fait rien de mal). La France au même titre que les autres nations est  « pourvoyeuse matériellement » et « intéressée financièrement » par des conflits, de là à penser qu’il n’y a aucun intérêt à ce qu’ils se terminent, voir les créer comme en Libye, n’est-ce pas BHL-Sarko … il n’y a pas loin. MC

L’article. Les États-Unis sont les champions de la vente d’armes, devant la Russie et la Chine. Comme le montre la dernière étude en date de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri) qui porte sur cinq ans (de 2011 à 2015). Ce document montre que les groupes d’armement américains ont renforcé leur domination mondiale tandis que l’Europe régresse.

La part de marché des États-Unis a grimpé de 29% sur la période 2006-2010 à 33%. Et leur clientèle est de loin la plus diversifiée. « Les États-Unis ont vendu ou donné de grandes armes à 96 États ces cinq dernières années, et l’industrie de défense américaine a enregistré de grosses commandes à l’exportation, dont un total de 611 avions de combat F-35 pour neuf pays », souligne Aude Fleurant, directrice du programme Armements et dépenses militaires.

L’Inde, premier importateur

Sur la deuxième marche du podium, la Russie a aussi progressé puisqu’elle assure 25% des exportations mondiales. Les Russes exportent plus que les Américains vers l’Inde, premier importateur mondial derrière l’Arabie Saoudite. La tendance a toutefois été beaucoup moins bonne en 2014 et 2015 en raison des sanctions économiques prises par les Occidentaux contre Moscou pour son rôle dans le conflit ukrainien.

La Chine a dépassé l’Allemagne et la France pour devenir le troisième exportateur (5,9% des exportations mondiales). Son industrie de défense, de mieux en mieux reconnue, fournit d’abord des pays asiatiques (Pakistan, Bangladesh et Birmanie).

Inversement, les producteurs européens perdent du terrain. Sur les cinq dernières années, la France (5,6% du marché) a vu ses exportations diminuer d’un dixième par rapport aux cinq années précédentes, tandis que celles de l’Allemagne (4,7%) chutaient de moitié.


Dépenses militaires dans le monde

Chaque seconde dans le monde les dépenses militaires représentent 41.100 euros (en 2010) soit plus de 3,5 milliards de dollars par jour et 1464 milliards d’euros et 236 $ par habitant de la planète. Les Etats-Unis représentent 43% du total.vente d'arme